Cette fin d'année 2022 devait être le moment où les promesses de négociations entre Paris et la Corse deviendraient une réalité. Il n'en a rien été. Reports et annulations des visites et réunions se succèdent. Dernière en date, la venue de Gérald Darmanin sur l'île les 8 et 9 décembre prochains. Pas vraiment de bon augure pour la suite...
Décidément, le processus de discussions entre Paris et la Corse connaît du retard à l'allumage. On est loin du calendrier annoncé par Gérald Darmanin sur notre plateau, à Cozzano, le 22 juillet. Le ministre de l'Intérieur, en charge de la question corse depuis l'agression mortelle d'Yvan Colonna, assurait qu'il se rendrait en Corse tous les mois, peut-être tous les mois et demi. "On ne peut pas comprendre la culture, les revendications, les attentes des citoyens sur un territoire donné si on ne va pas les rencontrer".
5 mois plus tard, on est loin du compte. Gérald Darmanin est revenu, fin août, à la suite des violentes intempéries qui avaient fait cinq morts. Avec sur ses épaules, le costume de ministre de l'Intérieur, pas celui de monsieur Corse. Et basta.
Reports en série
Concernant le processus de discussions, plus rien. Gérald Darmanin devait se rendre en Corse les 6 et 7 octobre. Au programme, les questions de foncier, et d'urbanisme. Le déplacement avait été annulé à quelques jours du déplacement. Motif invoqué : "les conditions d'un débat serein n'étaient pas réunies".
Après près de deux mois de flou sur l'état des discussions entre Paris et la Corse, une rencontre entre le ministre de l'Intérieur et le président de l'exécutif, place Beauvau, le 22 novembre, laissait la porte ouverte à une nouvelle venue de Gérald Darmanin les 8 et 9 décembre.
Et hier soir, rebelote. On apprenait que cette visite n'était plus à l'ordre du jour. En raison, une nouvelle fois, d'un "climat" que ne serait pas favorable aux échanges. Une position qui aurait été fortement encouragée par les interlocuteurs insulaires du ministère de l'Intérieur.
Suite, ou fin ?
Deux annulations d'affilée, et une mise entre parenthèses des rendez-vous parisiens autour de la question corse, initiés à la fin de l'été, cela commence à faire désordre. Difficile d'engager plus mal un processus de discussions.
Mais il faut reconnaître une chose au numéro 3 du gouvernement, c'est que, de toute évidence, l'ambiance n'est pas à l'apaisement. En cause, principalement, le rejet de la demande de libération conditionnelle de Pierre Alessandri, et plus largement la question des prisonniers corses. Un sujet sensible qui avait provoqué l'envahissement de l'hémicycle, jeudi 27 octobre, et mis en lumière les tensions et les points d'achoppement. Entre Paris et la Corse, mais également entre les différents mouvements nationalistes. Il faut ajouter à cela la reprise des attentats sur des résidences secondaires.
Sans surprise, l'interpellation de plusieurs militants nationalistes, cette semaine, à Ajaccio, n'a pas participé à apaiser le climat.
Pour Petru Antone Tomasi, de Corsica Libera, qui manifestait hier soir devant le commissariat d'Ajaccio son soutien aux militants arrêtés, "la visite de monsieur Darmanin avait débuté dès jeudi matin avec ces interpellations, nous rappelant ainsi que, y compris lorsqu'il est en charge des affaires corses, il porte sa casquette de premier policier de France. Il s'en défendra certainement en invoquant la séparation des pouvoirs (...). Nous pensons que la décision d'annuler cette venue, c'est tout simplement le fait pour le gouvernement français de prendre acte que la situation qu'il a créée lui même n'est nullement propice à un quelconque dialogue (...). Nous ne sommes nullement, malgré les incantations et les déclarations de principe, dans quelque chose qui ressemblerait à un processus politique en Corse".
"Les conditions d'un débat serein ne sont pas réunies"... De toute évidence, le gouvernement maîtrise l'art de l'euphémisme...