Après deux apparitions au Monte-Carlo et en Suède, Pierre-Louis Loubet a lancé sa première saison complète en championnat du monde des rallyes. Désormais pilote officiel du team M-Sport, le Corse participe cette année à toutes les manches du calendrier du WRC. Un sacré défi à relever qui passe notamment par la découverte de certaines épreuves. Ce sera le cas au Mexique, du 16 au 19 mars.
"Je viens de rentrer du sud de l’Espagne." Jeudi dernier, Pierre-Louis Loubet a passé sa journée à rouler sur des routes en terre similaires à celles qu’il va découvrir mi-mars au rallye du Mexique. "On a fait des tests afin de régler au mieux la voiture pour cette manche qui se déroulera entre 2000 et 2500 mètres d’altitude."
Avant de s'envoler pour le Mexique le week-end prochain, le pilote porto-vecchiais continue de peaufiner sa préparation physique et mentale. "À ce niveau-là, il faut être au top dans tous les domaines", explique le jeune homme de 26 ans, qui effectue sa deuxième saison en championnat du monde WRC avec la Ford Puma du team M-Sport.
Cependant, l'an passé, le natif de Bastia n'avait pas pris le départ de toutes les épreuves du calendrier de la catégorie reine.
Cette année, son rythme et son statut ont changé. Désormais pilote officiel du team britannique, Pierre-Louis Loubet participe cette fois aux 13 manches du WRC. Une saison complète qui nécessite une certaine préparation. Sur et en dehors des routes.
Entre une session d'essais en Espagne et une séance de sport près de Paris, il a répondu aux questions de France 3 Corse. Interview.
"Je pense avoir passé un cap en vitesse de pointe"
France 3 Corse : vous avez commencé l'année en abandonnant au Monte-Carlo avant de terminer sixième sur les routes enneigées de Suède, où vous avez marqué vos 8 premiers points de la saison. Comment analysez-vous ces deux premiers mois en tant que pilote officiel ?
Pierre-Louis Loubet : En termes de résultat, on n’a pas marqué de points au Monte-Carlo, ce qui n’est pas optimal. En Suède, pour une première participation là-bas, on a fait un bon rallye. Il manquait juste un poil de performance.
Aujourd’hui, le niveau en WRC est devenu très serré. On peut vite se retrouver un cran derrière. Il n’y a plus un seul pilote qui est novice. C’est donc très difficile de figurer dans le top 5. J’ai donc été un peu déçu au Monte-Carlo parce qu’on avait un bon niveau de performance sur l’asphalte avec la voiture. En Suède, j’ai été satisfait, surtout avec la petite préparation qu’on a eue. Cela permet d’emmagasiner de l’expérience à ce niveau. Après, je sais que le début de saison risque d’être un peu délicat. Il y aura beaucoup de découvertes pour moi cette année avec des rallyes que je n’ai encore jamais faits.
Ce sera le cas de celui du Mexique qui aura lieu du 16 au 19 mars. Vous l’avez préparé sur les routes en terre du sud de l’Espagne. Pourquoi ce choix ?
Nous avons effectué une grosse journée d’essai jeudi dernier en Andalousie, près de Malaga. Nous sommes allés là-bas car c’est une terre qui ressemble beaucoup à celle que l’on va avoir au Mexique, avec peu de grip. On essaie de trouver des routes qui peuvent reproduire la sensation qu’on va retrouver lors de l’épreuve. On a donc fait beaucoup de tests et d’essais pour voir ce que l’on peut régler sur la voiture. Ensuite, on choisit un réglage avec lequel on va démarrer le rallye. Ces tests sont donc très, très importants.
Cette journée de test a lieu avant chaque épreuve ?
Oui. La spécificité du rallye fait qu’on ne s’entraîne pas tous les jours. Avant chaque course, on a donc cette journée d’essais qui est primordiale car elle va conditionner la course à venir. On y met donc beaucoup d’intensité pour choisir les bons réglages, et vraiment préparer au maximum la voiture.
Au Mexique, les routes du rallye se situent toutes en altitude. Cela nécessite-il une préparation particulière ?
Là-bas, on va toujours courir entre 2000 et 2500 mètres d’altitude. Je m’entraîne physiquement toute l’année. J’essaie donc de trouver également des solutions pour m’adapter à cette situation qui nous attend. Je m’entraîne régulièrement dans un centre sportif en région parisienne où il y a notamment pas mal de tennismen. Cette semaine, je vais y aller tous les jours avant de partir au Mexique. Concernant la voiture, on l'a aussi travaillée avec les ingénieurs en vue de cette épreuve un peu particulière que l'on va découvrir.
Il s'agit d'une course sur terre, une surface sur laquelle vous vous êtes illustré l'an passé en WRC, notamment en terminant deux fois quatrième en Sardaigne et en Grèce...
La saison dernière, la plupart des sept rallyes qu'on a courus étaient sur la terre. On est aussi allé vite sur l'asphalte, notamment en Croatie. Pareil cette année au Monte-Carlo. Même si on a rencontré quelques soucis, la vitesse de pointe était là. Cette saison, je pense qu’on va pouvoir jouer un peu bien partout. Après, le niveau est tellement haut... On va cependant essayer d’être dans le top 5 à chaque fois. C’est vraiment l’objectif. En plus, la Ford est une voiture très saine qui n'a pas de points faibles.
"Avec le nombre de courses, il n’y a quasiment plus de temps mort."
Pierre-Louis Loubet
À l’inverse de l’an passé, vous participez cette saison à toutes les manches du WRC. Une évolution qui change pas mal de choses pour vous ?
Oui. Déjà, le statut change beaucoup. Les attentes sont également bien plus élevées. Avec le nombre de courses, il n’y a quasiment plus de temps mort comme je pouvais en avoir l’an dernier. Il y a aussi beaucoup plus de roulage. J’avais vraiment besoin de cela pour progresser. Il y a de nombreux points positifs : chez M-Sport, dans l’équipe, nous ne sommes plus que deux en WRC (avec Ott Tänak, ndlr). L’année dernière, parfois, on était 5-6 par course. Là, il y a beaucoup plus d’implication de la part de tout le monde. Ce sont les avantages d’effectuer une saison complète en tant que pilote officiel.
Depuis le titre de champion du monde WRC 2 en 2019, votre carrière a connu quelques rebondissements. Comment avez-vous vécu ces différents moments ?
Après le titre mondial en WRC2, on a eu deux années très compliquées. On avait une voiture (Hyundai I20, ndlr) qui ne disposait malheureusement pas des outils pour pouvoir performer à ce niveau-là. De mon côté, je n’ai pas tout fait à la perfection. On s’est retrouvé dans une situation où ça a été très dur de rebondir. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas. La période 2020-2021 a été difficile à gérer mentalement.
L’an dernier, lorsque je suis passé chez m-Sport, j’ai eu la chance d’être soutenu par des gens qui croient en moi. On s’est dit aller, on tente un dernier jet et, heureusement, ça l’a fait. Et on est là aujourd’hui.
Le fait de devenir pilote officiel a-t-il ajouté de la pression sur vos épaules ?
(Il réfléchit). Franchement, la pression est là depuis toujours. L’an passé, je savais que cela pouvait être ma dernière année ; la pression était donc énorme. Après, c’est le sport de haut niveau. C’est comme ça. On n'a pas trop le droit à l’erreur. En rallye, on ne dispose pas de contrats sur plusieurs saisons (le sien dure un an chez M-Sport, ndlr). Toutes les années sont donc les plus importantes. Il n’y a donc pas forcément plus de pression.
Comment la gérez-vous ?
La gestion du stress est peut-être l’un des points les plus importants à ce niveau-là. J’essaie donc de m'entourer notamment de personnes qui m’aident sur le plan mental. Je suis notamment suivi par une psychologue spécialisée dans l’accompagnement des sportifs. Avant, c’était un peu tabou mais, aujourd’hui, dans le sport de haut niveau, c’est devenu assez fréquent d’être accompagné psychologiquement.
Cette saison, vous avez également un nouveau copilote. Le Belge Nicolas Gilsoul a remplacé Vincent Landais dans le baquet gauche de la Ford Puma. Comment s'est déroulée la transition ?
Ça s’est bien passé. Je n’ai pas trop eu le choix. Vincent a décidé de partir avec Sebastien Ogier. On s’est donc un peu retrouvé dans une situation délicate. Nicolas a beaucoup d’expérience. Il avait envie de revenir. C'était donc pour moi la bonne personne. Il a une super expérience et une bien meilleure connaissance du championnat que moi. Il a beaucoup de points de comparaison. Ça va me permettre de grandir plus vite.
Chez M-Sport, vous faites équipe avec Ott Tänak, champion du monde en 2019. Un atout supplémentaire dans votre apprentissage du WRC ?
Bien sûr. Il est champion du monde et ça fait longtemps qu’il est là. Il tire la quintessence de sa voiture. Donc, quand on n’est pas loin de lui ou qu'on est avec lui, on sait qu'on est presque au bout de ce que peut faire l’auto. Ça, c’est un super point de repère. Après, sur les rallyes que l'on ne connait pas, c’est dur de se battre avec des pilotes qui font le championnat depuis 10 ans. En revanche, quand je vais arriver sur des manches que je connais, mon but sera vraiment d'essayer d’être avec lui.
"Si je veux arriver à me battre pour une victoire, il faut savoir aller vite de la première à la dernière spéciale."
Pierre-Louis Loubet
Depuis que vous courez au plus haut niveau, sur quel plan avez-vous le plus progressé ?
Je pense avoir passé un cap en vitesse de pointe sur la terre. J’arrive vraiment à attaquer davantage. Après, il faut que je parvienne à être vraiment constant sur trois jours de course. C'est-à-dire garder le même niveau du vendredi au dimanche.
Si je veux arriver à me battre pour une victoire, il faut savoir aller vite de la première à la dernière spéciale. Cela signifie avoir un grosse prise de risque, tout le temps. Ça, c’est le plus dur. Mais je pense que ça va venir naturellement cette année. C'est une belle occasion pour moi. Si je réussis cette saison, on sera peut-être là longtemps en WRC. Tout le monde essaie de m'aider pour que j'y arrive.
Pour vous, à quoi ressemblera une saison réussie ?
L'an passé, en sept épreuves courues, on avait marqué 31 points et terminé deux fois quatrième. Cette année, on va essayer de finir un maximum de rallyes et faire quelques podiums. Pour une première saison complète en WRC, ça serait pas mal...