Vendredi 2 juin, plusieurs affrontements entre supporters marseillais et ajacciens se sont déroulés rue Fesch et rue de Rome, des endroits très fréquentés, le soir venu, par les Ajacciens et les touristes. Récit d'une soirée chaotique.
Antoine était en terrasse de son restaurant, rue Fesch, en plein service, quand tout a basculé, vendredi soir. "Il était 20h30, et on voyait un groupe d'une trentaine de Marseillais, qui étaient regroupés devant leur hôtel, accompagnés de quelques policiers, qui, apparemment, devaient les escorter quelque part pour aller dîner. Et puis on a vu deux groupes de supporters acéistes surgir, par la place des Palmiers, et par le fond de la rue Fesch. Ils criaient des slogans hostiles, des insultes, et jetaient tout ce qu'ils pouvaient par-dessus les forces de l'ordre. Les Marseillais se sont réfugiés à l'intérieur de l'hôtel, et on a cru que c'était fini. Mais les Marseillais, très vite, sont montés sur le rooftop, le toit de l'hôtel, et ont commencé à balancer des projectiles à leur tour..."
On s'est retrouvés pris au piège au milieu d'un affrontement, sans pouvoir rien faire
Antoine
Les clients de son restaurant, se réfugient à l'intérieur de l'établissement, d'autres s'enfuient. "Ils avaient peur, on ne savait pas comment ça allait finir. Je me suis rarement senti en insécurité dans mon établissement. L'année dernière, on avait anticipé les débordements pour les manifestations de Colonna, et on avait tout fermé. Cette fois-ci, on s'est retrouvés pris au piège au milieu d'un affrontement, sans pouvoir rien faire".
Antoine est resté jusqu'à deux heures du matin, après le départ des groupes de supporters, pour s'assurer qu'"il n'y aurait pas de réplique".
Aujourd'hui, il estime ses pertes à un millier d'euros, en casse de matériel, et en raison des additions non réglées. "Certains sont revenus le lendemain, pour payer leur repas. Mais d'autres, et il y avait certains Corses, s'ils m'entendent, ils peuvent revenir régler leur addition. Ce n’est pas interdit..."
"Une horde"
En cette veille de week-end, et de rencontre ACA - OM, il n'y a pas que la rue Fesch qui a été le théâtre d'affrontements. La rue du Roi de Rome, un peu plus loin, a également subi les débordements de violence des supporters. Maeva, qui tient un restaurant dans l'artère de la vieille ville, l'a vécu de près.
"J'étais avec mon fils et des clients, on discutait en terrasse, et la horde est arrivée. En entendant ce qu'ils criaient, j'ai compris que c'était lié à un match. Ils se sont approchés, et soudain, ils ont baissé leur cagoule, ou relevé leur foulard sur le visage. Ils ont sorti des bouteilles de leurs poches, qu'ils ont lancées à la tête des clients. Et puis très vite, ils sont rentrés dans les établissements, et sont ressortis avec des munitions... Ils ont tout cassé sur leur chemin, et ont disparu dans une ruelle, à la recherche des supporters marseillais".
Je leur ai dit qu'on était Ajaccio, et qu'ils s'en prenaient à leur ville, à leur propre famille
Maeva
Maeva se réfugie dans son restaurant avec son fils et les clients. Une prudence bienvenue, alors que, vingt minutes plus tard, les groupes de supporters reviennent, toujours aussi vindicatifs. "Ils ont récupéré les verres qu'on avait laissés sur les tables, et les ont tirés sur des clients qui étaient restés à l'extérieur. Je les ai suppliés d'arrêter, je leur ai dit qu'on était Ajaccio, et qu'ils s'en prenaient à leur ville, à leur propre famille. L'un d'eux a lancé "on rentre chez elle !" et ils ont essayé de forcer le passage. Je leur ai dit qu'il y avait mon fils, et ils m'ont dit qu'ils n'en avaient rien à foutre, du gosse... L'un d'eux a mis un coup de poing dans la vitre, et j'ai été blessée, mais les cicatrices, ce n'est pas grave. C'est qui est scandaleux, c'est que le préfet était au courant depuis des semaines et des semaines, nos élus l'avaient prévenu, et au final il n'en a pas tenu compte".
Maeva est encore très marquée par cette soirée. "Il s'est passé beaucoup de choses dans ma vie. Mais jamais je n'ai été aussi terrorisée. Voir des choses pareilles, chez nous, commises par des Ajacciens, et peut-être aussi des Bastiais, c'est ça, le pire.