Dans l'île, la période de la Toussaint est également un moment de partage autour du pain des morts et autres préparations culinaires locales. De Bonifacio à Bastia, tour d’horizon non-exhaustif des différentes spécialités.
Bastelle, sciacci, pain des morts, salviata, curconi… En Corse, à la période de la Toussaint, la tradition veut que l'on rende hommage à ses défunts autour de certaines spécialités locales.
Gâteaux, pains, tourtes et autres brioches sont souvent appréciés en famille, entre amis ou entre fidèles en mémoire des disparus.
Selon les microrégions, si les traditions culinaires varient, elles se transmettent toutes de génération en génération.
Les sciacci du Sartenais
I sciacci di i morti. À l'approche de la Toussaint, les boulangers et autres habitants du Sartenais préparent cette sorte de chausson fourré au brocciu passu et aux raisins secs. Certains y ajoutent du rhum ou de l'eau de vie. Acheté au mois de mars, le brocciu sèche pendant quelque temps. Une fois sec, il est alors mis au fond du réfrigérateur d'où il sera sorti une semaine environ avant sa dégustation début novembre.
"Dans le temps, les vieux allaient manger au cimetière pour accompagner leurs morts afin qu’ils ne soient pas seuls le jour de leur fête, nous expliquait un Sartenais l'an passé. Après, ils laissaient là-bas les victuailles qui restaient. Le lendemain, cela avait disparu. Qui les avait mangées ?"
Le reportage réalisé l'an dernier à Sartène :
Équipe journalistes : C. Ferrer - M. Plouchart
Dans la vallée du Taravu, ces chaussons sont appelés "pappuli" et sont confectionnés avec des raisins frais que l'on fait sécher quelques jours avant la préparation.
Dans l'Alta Rocca, on cuisine également des sciacci. Avec une nuance : à Levie et dans certains hameaux de la commune comme Pantanu, les sciacci sont fourrés avec de la pomme de terre écrasée.
L'üga sicaia de Bonifacio
Plus au sud, à Bonifacio, le pain des morts est une spécialité typiquement local. Il se présente sous la forme d'une sorte de brioche sucrée aux noix et raisins secs. Ici, on l'appelle üga sicaia, en référence aux raisins secs. Chaque 1er novembre, veille de la fête des défunts, les Bonifaciens avaient l'habitude de laisser ces gâteaux en offrande sur leurs tables.
"On disait que c’étaient les morts qui venaient se ravitailler la nuit, surtout aux enfants, expliquait en 2016 Marguerite Maneri, une habitante de Bonifacio que nous avions interviewée. Bien sûr, ce n’était pas les morts mais des voisins, un peu plus pauvres que les pauvres."
Jadis, ce pain des morts était également préparé pour donner de la force à ceux qui le mangeaient ; cela leur permettait de passer toute la journée du 2 novembre au cimetière, sur la tombe de leurs proches disparus.
Notre reportage réalisé en 2016 à Bonifacio :
Équipe journalistes : C. Ferrer - S. Wolinsky - E. Caruelle
Les bastelle des Dui Sorru
De Vico à Orto, la préparation des bastelle constitue toujours un événement dans les Dui Sorru. Les habitants des villages du canton ont en effet l'habitude de se retrouver chaque année pour confectionner ces petits pains garnis de courges, pommes de terre, oignons ou blettes. Une légère couche d'huile viendra accompagner ce chausson qui sera cuit au feu de bois. À Soccia, même si les bastelle sont appelés i curconi, la tradition et la recette restent la même.
Le reportage de nos équipes réalisé à Soccia en 2016 :
Équipe journalistes : D. Moret - J. Cappaï-Squarcini - F. Guichard
I panioli di i Peri
In I Peri dinò, si faci u pani di i morti, chjamatu "u paniolu". Oghji, a tradizioni hè purtata da i ghjovani di u paesi di a Gravona. "U scopu hè chì ognunu partessi cù u so pani, chi ognunu venissi à a messa è à veda i so morti in cimiteriu", ci spiegaia l'annu scorsu François Squarcini, in traccia d'appruntà 'ssu pani fattu da parechji frutti racolti. Ghjè u prima di nuvembri, a vigiglia di u ghjornu di i morti, chì i Piracci impastani tutti insemi, adduniti in a casa a più vechja di u paesi.
Sicondu à a tradizioni, u pani di i morti hè signatu da a ghjenti parchì saria u fruttu di diu. Dopu à essa stata cotta, in u fornu di a Piazza Longa, a robba sarà offerta à i cridenti da u priori.
Ritruveti u sughjettu fattu l'annu scorsu in i Peri da i nosci squadri :
Intarvinanti : François Squarcini - Jean-Michel Bisgambiglia - Marceddu Jureczek
Squadra ghjurnalisti - J.Ph. Mattei - M. Fiamma - Y. Benard - R. Morere
A torta cù l'arba d'Altiani
À Altiani, la tradition veut que l'on ne mange pas de viande le jour des morts. Dans le village de la vallée du Tavignanu, la spécialité est une tourte farcie aux herbes dont la pâte à pain est cuite dans un four à bois. Celui-ci est toujours allumé la veille du jour des défunts. Traditionnellement, les herbes étaient cueillies à l'automne dans les jardins du village et des alentours. On y mettait aussi bien de la blette sauvage que du céleri, des feuilles de pomme de terre, de l'ortie blanche ou encore du persil.
À l'origine, cette tradition mêle le jour des morts et la grande pauvreté qui frappait jadis certains Altianinchi. Ainsi, les habitants les moins modestes préparaient ces "torti cù l'arba" et les déposaient sur les tombes des disparus des familles dans le besoin. Venues se recueillir au cimetière, ces dernières pouvaient alors manger à leur faim, trouvant là une sorte de réconfort.
Ritruveti u riportu fattu da i nosci squadri annant'à i tradizioni di I santi :
Equipe journalistes - L. Luciani - J.-J. Delsol
A salviata di Bastia
En Haute-Corse, et particulièrement dans la région bastiaise, la salviata (ou serviada) est la spécialité typique de la Toussaint. Reconnaissable à sa forme de "S", cette pâtisserie était à l'origine parfumée à la sauge, d'où elle tire son nom. Une plante qui lui donne à la fois un goût aussi doux que particulier. Symbole de guérison et d'immortalité, la salviata était confectionnée pour honorer les défunts. Elle était notamment offerte aux familles dans le besoin et à celles ayant perdu un proche.
Aujourd'hui, si la sauge est parfois remplacée par de la vanille, du citron, voire de la fleur d'oranger, la salviata n'en a pas pour autant perdu sa valeur symbolique.
Equipe journalistes - S. Defranchi - M. Errami