Maladie "neurodégénérative", Alzheimer touche plus de 35 millions de personnes dans le monde. Un nombre qui devrait selon l'Organisation mondiale de la santé presque doubler tous les 20 ans. Maladie sans traitement curatif, elle affecte grandement le quotidien des personnes qui en sont atteintes, comme de leurs proches.
"Chaque jour c'est différent. Quand ça se passe bien, c'est un petit plaisir, et on se raccroche à ça."
Assis sur son canapé, Rhedi observe son épouse Nadia, installée à ses côtés. En cinquante années passées ensemble, ils ont tout partagé, tout vécu. Mais depuis cinq ans maintenant, un nouvel élément s'est glissé dans leur couple, modifiant leurs rapports et les projets qu'ils avaient envisagé pour la suite : la maladie d'Alzheimer, dont souffre Nadia.
Découverte en 1906, Alzheimer est un type de démence qui provoque des troubles de la mémoire, de la pensée et du comportement. Une maladie "neurodégénérative" qui aboutit jusqu'à la perte d'autonomie du malade, et pour laquelle il n'existe aucun traitement curatif.
Un million de personnes atteintes en France
En France, on estime qu'environ un million de personnes en sont atteintes. Elles sont pour la plupart âgées de plus de 65 ans, mais dans près de 5% des cas, ces troubles peuvent survenir plus tôt, dès l'âge de 40 ans. Les femmes sont les plus fréquemment touchées, avec une prévalence plus importante constatée à partir de 80 ans.
Plus inquiétant encore, le nombre de personnes malades, à échelle mondiale, devrait être multiplié par trois d'ici 2050, du fait d'une croissance de cas dans les pays à revenu faible et intermédiaire, selon l'Organisation mondiale de la santé.
En Corse, deuxième région française où la part de personnes de plus de 60 ans est la plus élevée (+4.4 points par rapport à la moyenne nationale entre 60 et 75 ans, selon un rapport de l'ARS daté de juin 2017), le nombre exact de malades d'Alzheimer et de démences apparentées est variable : entre 2000 et 5000 personnes.
La culpabilité des aidants
Une fois le diagnostic tombé, outre la vie des malades, c'est celle de leurs proches qui s'en trouve complètement bouleversée. Pour Rhedi et Nadia, il a fallu s'adapter, repenser différemment le quotidien.
Résidant le golfe du Valinco, le couple de septuagénaires se rend une fois par semaine à Ajaccio, au centre de l'association France Alzheimer Corse. Là, ils suivent tous deux des cours de peinture en compagnie d'une artiste peintre. Une façon pour Nadia de travailler des gestes simples qui retardent l'apraxie, un des troubles de la maladie, et pour Rhedi de se détendre.
Car la maladie représente un poids conséquent pour les aidants. Rhedi admet parfois s'en vouloir "lors des mauvaises journées". Au point parfois de ne plus forcément faire attention à lui, trop occupé à surveiller la bonne santé de son épouse. Sa plus grande crainte, partir avant elle, alors que 60% des aidants décèdent avant leur conjoint, usés par leur dévouement.
Un comportement auquel les bénévoles de l'association France Alzheimer Corse sont habitués. Eux-mêmes souvent concernés par la maladie, directement ou indirectement, ils insistent sur la nécessité d'arrêter "de culpabiliser".
"Les aidants culpabilisent souvent beaucoup, indique Jean-Marc Cresp, psychiatre et vice-président de France Alzheimer Corse. C'est un problème que nous tentons de dédramatiser, et d'enlever cette culpabilité pour arriver à les prendre en charge eux aussi, et leur faire comprendre qu'on est là pour les aider et les informer."
Lever le tabou de la maladie
En plus des cours de peinture, Nadia et Rhedi suivent auprès de l'association des séances de groupe, animées par une psychologue. Une manière pour les aidants d'être orientés sur les bons gestes à avoir, quand les malades commencent à adopter des comportements parfois inadaptés qui rendent la vie sociale compliquée. Et un bon moyen de rompre la solitude de la maladie, d'en lever le tabou, aux côtés d'autres personnes également atteintes, prêtes à partager leur vécu.
Il n'existe, à ce jour, aucun traitement curatif connu pour Alzheimer. "Malheureusement il n'y a pas d'espoir, il faut se dire qu'il n'y a pas d'espoir", souffle cette femme elle-même atteinte.
Alors pour les malades et les aidants, pour Nadia et Rhedi, il s'agit de profiter des bons moments, ceux qui subsistent encore entre les journées plus compliquées. "C'est ce qui permet de tenir, glisse Redhi, par rapport à d'autres journées ou c'est non à tout. Le fait de faire des activités ensemble, de tout partager, je pense que ça l'aide. Et ça m'aide aussi à continuer, parce que je ne pourrais pas sans."
Retrouvez le reportage de Céline Lerouxel et Frédéric Guichard :
Alzheimer, comment reconnaître les premiers symptômes ?
L'Alzheimer's Association liste sur son site 10 signes ou symptômes qui doivent alerter, et méritent une consultation chez un médecin pour en déterminer la cause. Il s'agit :
- De pertes de mémoire qui perturbent la vie quotidienne : l'oubli d'informations récemment apprises, ou de dates et d'événements importants...
- De difficulté à planifier ou résoudre des problèmes : difficultés de concentration ou plus de temps nécessaire pour accomplir certaines tâches...
- Des difficultés à exécuter des tâches familières à la maison, au travail ou durant les loisirs
- Des confusions avec le temps et le lieu
- Des difficultés à comprendre les images et les relations spatiales
- Des nouveaux problèmes d'expression orale et écrite
- La perte d'objets ou de capacité à reconstituer un parcours
- Un jugement amoindri
- Un retrait du travail ou des activités sociales
- Des changements d'humeur ou de la personnalité
