Ils ont décidé de ne pas avoir d'enfant, volontairement : "c'est pour moi une question d'épanouissement personnel !"

On les appelle les "no kids", les "child free" ou encore les "senvol" pour "sans enfant, volontairement". Ils ont la trentaine et ont décidé de ne pas avoir d'enfant. Entre désir de liberté et éco-anxiété, nous avons rencontré ces jeunes adultes qui ont fait le choix de s'affranchir des injonctions de la société qui les destinaient à devenir parent.

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Mélanie Garcia, travaille en tant que chargée de communication. Isabelle Sauque est employée dans une école d’ingénieurs. Ces deux trentenaires revendiquent haut et fort leur désir de ne pas avoir d’enfant. Un choix totalement assumé.

Pour moi c’est clair et net, je ne veux pas d’enfant !

Mélanie Garcia, 32 ans

Mélanie est une jeune femme épanouie, particulièrement attachée à sa liberté et à son indépendance. Cette Dijonnaise est adepte de cross-fit, de vélo et de course à pied. Le sport, elle le pratique jusqu'à 4 heures par semaine pour "se défouler et repousser ses limites". Mélanie souhaite vivre à son rythme et sans contrainte, y compris lorsqu'il s'agit de la maternité. À 32 ans, elle a décidé de ne pas avoir d'enfant.

J’ai bien réfléchi sur ce que c’était vraiment d’avoir des enfants, la responsabilité, la charge … et au fil des années, j’ai d’abord appris à me connaître, à savoir ce dont j’ai besoin, ce qui me permet de m’épanouir. Avoir des enfants, ce n’est pas mon objectif premier et j’ai compris que ce n’est pas ça qui allait me rendre totalement heureuse.

Mélanie Garcia, 32 ans

Aujourd'hui, de plus en plus de Français font le choix de ne pas avoir d'enfant. Ils sont aujourd’hui près de 10%.

Une tendance amplifiée par les réseaux sociaux. Sur Tik-Tok, Instagram ou encore Facebook la parole se libère au point que le hashtag #child free (« je ne veux pas d’enfant ») cumule plus d’un 2 milliards de vues.

Une majorité de femmes mais aussi des hommes qui revendiquent le droit de se détacher de la norme. Un choix qu’ils assument totalement.

"Tomber enceinte aurait été un véritable cauchemar pour moi" _ Isabelle Sauque, 34 ans

Depuis aussi longtemps qu'elle se souvienne, Isabelle ne s'est jamais imaginée devenir mère. Déjà au collège, du haut de ses 15 ans, elle assumait pleinement auprès de ses copines son désir de non-parentalité. C'est à l'approche de la trentaine qu'Isabelle se met à suivre sur les réseaux sociaux le groupe stérilisation volontaire : ligature, vasectomie. C'est là qu'elle réalise que la stérilisation féminine est possible en France, y compris pour les femmes qui n'ont pas d'enfant.

Il y a 33k membres, avec de l’interaction. Des témoignages, il y en a tous les jours. J’ai même pu échanger avec des gens en privés sur leur parcours quand il ressemblait au mien. C’est une communauté ultra riche et très soudée ; c'est une mine d'informations !

Isabelle Sauque, 34 ans

Lorsqu'en janvier dernier Isabelle voit passer un témoignage qui fait état d'une ligature des trompes qui a eu lieu à Dijon sur une jeune femme sans enfant (on parle de nullipare), elle exulte et contacte rapidement la gynécologue.

"On me disait « mais non, tu feras une bonne maman, tu as du cœur... ». Non, en fait - moi et maman, ça ne va pas ensemble. Je me suis toujours dit que si ça m’arrive, ma vie est finie. Je ne peux pas avoir d’enfant. Ce n’est pas ma conception de la vie. Je serais malheureuse."

Un premier rendez-vous est fixé, puis un second 4 mois plus tard - c'est un délai médico-légal incompressible fixé par la loi. En tout, il aura fallu 6 mois à la jeune femme pour se retrouver stérilisée de façon définitive. Une véritable "libération" pour Isabelle.

Désormais, je n’ai plus ce qui faut pour procréer. C’est comme une chirurgie du nez ou des yeux qui répare une petite imperfection. Et bien moi, mon imperfection, c’était de pouvoir procréer. Maintenant que je ne peux plus, je me sens plus moi. Je n’ai plus ce poids sur la tête, sur les épaules, je n’ai plus la charge mentale de la contraception.

Isabelle Sauque, 34 ans

"On ne peut pas être dans un pays qui favorise l’IVG et pas la ligature ! "_Docteur Aurélie Guyomard

Des ligatures des trompes, Aurélie Guyomard en réalise une dizaine par mois, dont deux à trois sur des femmes sans enfants. Un chiffre en nette augmentation depuis 2021.

L'opération se fait sous anesthésie générale par cœlioscopie. Seules deux petites incisions sont nécessaires pour laisser passer les instruments et la caméra dans le bas-ventre. L'intervention ne dure que 40 minutes et la patiente repart comme elle est venue quelques heures plus tard. Une rapidité qui contraste avec le parcours compliqué que vivent ces femmes avant d’arriver là.

En France, le parcours des femmes nullipares qui souhaitent accéder à la stérilisation définitive reste encore semé d'embûches. Trop souvent, ces femmes se heurtent à des demandes d'explications intrusives et à des professionnels qui tentent de les dissuader. Cette situation est "incompréhensible" voire "inadmissible" pour le Docteur Guyomard au regard de la loi du 4 janvier 2001 (celle qui autorise la stérilisation à visée contraceptive, ndlr).

"Chacune de nous a le droit de choisir ce qu’elle veut être et devenir en tant que femme, en tant que mère ou en tant que non mère, et on peut s’accomplir avec ou sans enfant. La femme n’est pas juste un utérus."

Avant de venir me voir certaines femmes ont rencontré des échecs, avec moi pas la peine d’argumenter pour que j’accède à leur demande. Qui suis-je pour décider ?

Docteur Aurélie Guyomard, chirurgien gynécologue

Aurélie Guyomard fait encore partie des rares praticiens à accepter la ligature des trompes sans condition. Mais la société et les mœurs évoluent.

Aujourd’hui, la stérilisation définitive n’est d’ailleurs plus seulement une affaire de femme. Les hommes aussi y ont recours.

Une vasectomie pour ne pas reproduire le modèle familial

Nicolas Lardi a 30 ans et vit en couple avec une femme qui, comme lui, ne souhaite pas avoir d'enfant. Il a décidé d'entamer une démarche de stérilisation volontaire définitive par vasectomie.

La question de la non-parentalité, c'est une réflexion que j’aie depuis très jeune. À cette époque, mes parents me répondaient que l’envie d'avoir des enfants me viendrait plus tard. Aujourd'hui, du haut de mes 30 ans, je pense avoir fait le tour de la question.

Nicolas Lardi, 30 ans

Ce qui anime le jeune homme, c'est ce besoin de liberté et d'épanouissement personnel, celui de pouvoir voyager, faire du sport, voir des copains. Une vie sans entrave, à l'opposé du modèle porté par ses parents.

"En fait, j’ai vu ma famille tout sacrifier pour leurs enfants - nous sommes une fratrie de quatre. Je suis fier de ce qu'ils ont fait, mais ce n’est pas la vie que moi je souhaite en tous cas."

La vasectomie est là encore réservée aux seuls adultes et encadrée par un délai incompressible de réflexion de quatre mois minimum entre le premier et le deuxième rendez-vous.

Florian Bardet, urologue à Dijon, constate lui aussi une nette augmentation des demandes de stérilisations définitives depuis 2021, y compris chez les hommes sans enfant, qui représentent environ 6% de sa patientèle.

Pour vous donner des chiffres très précis au niveau national, la vasectomie, c’est 2.000 opérations en 2010 contre 30.000 en 2022. On assiste à une augmentation vraiment exponentielle du nombre de vasectomies et en même temps une diminution du nombre de ligatures des trompes.

Florian Bardet

Rapport epi-phare du 12 février 2024

Au-delà de son désir de non-parentalité, Nicolas se sens fier d'endosser la contraception pour son couple. Une démarche de "rééquilibrage" là où encore trop souvent c'est la femme qui porte à elle seule la charge de la contraception. Une démarche de "justice et d'égalité" que l'on retrouve de plus en plus chez les hommes qui ont atteint la quarantaine et qui ont déjà deux à trois enfants.

Ne pas faire d'enfant par crainte de l'avenir

Cyril Bousquet a 37 ans et travaille pour une ONG médicale humanitaire depuis 15 ans. À cet effet, il a été amené à intervenir en zone de conflit entre 2016 et 2019. C'est là, dans la Bande de Gaza ou encore au Yémen qu'il a été profondément marqué.

L’anecdote qui m’a le plus fait froid dans le dos, c’est ce père de famille yéménite qui me raconte qu’il venait de vivre une période de bombardements avec ses deux enfants et sa compagne. Cette histoire m’a traumatisé et est devenue un élément moteur dans ma décision de ne pas vouloir d’enfant.

Cyril Bousquet, 37 ans

De retour de ces évènements, Cyril reçoit un véritable "coup de massue" suite à la publication du 1er volet du rapport du GIEC en août 2019. Rapport qui confirme "l’origine humaine du réchauffement climatique à un rythme sans précédent."

L'homme se renseigne, se documente et anime des conférences de vulgarisation. Il y met en avant les vagues de chaleurs mortelles qui pourraient devenir plus intenses et plus fréquentes, et les déplacements de populations et les conflits qui les accompagneraient. Une éco-anxiété qui pousse Cyril à renoncer à avoir des enfants.

Un scénario à +4°c à horizon 2010 devient plus que probable, surtout avec l'élection récente de Donald Trump aux États-Unis. Dans ces conditions, près de 3 milliards de personnes ne pourraient plus vivre là où elle habitent. Imaginez un seul instant tous ces réfugiés climatiques, toutes les pénuries et les sécheresses qui adviendront ! Je ne veux pas avoir d'enfant dans ce monde-là. Ça me fait trop peur.

Cyril Bousquet, 37 ans

Une peur que Cyril a décidé d’assumer, même si pour lui, cette décision reste lourde à porter au quotidien.

C’est sûr que ça reste une forme de renoncement. J’ai un neveu qui a 5 ans. Je trouve incroyable la relation qu’il a avec mon frère et ma belle-sœur. La relation que j'aie avec lui, c'est quelque chose sur laquelle je m'épanouis énormément. Et donc me dire que je renonce à cette chose-là , il y a des moments où c'est très dur. À Noël, typiquement, je me dis "est-ce que t’as pris la bonne décision ?" Et d’un autre côté, quand je regarde les actualités, quand j’ouvre le dernier rapport scientifique, je me rappelle ce que j’ai vécu dans mes missions humanitaires médicales, et là ça me conforte dans ma décision…

Cyril Bousquet, 37 ans

Décider de ne pas avoir d’enfant, par conviction ou par renoncement. Une démarche réfléchie et assumée à contre-courant du modèle imposé.

Quand, dans les pays anglo-saxons, le nombre de vasectomies régresse depuis plusieurs années, en France c'est tout  l'inverse. Selon le dernier rapport EPI-PHARE publié en février 2022, nous serions en train de rattraper le retard de 10-15 ans que nous avons sur ces pays-là. On constate en France davantage d'actes de vasectomies que de ligatures des trompes depuis 2021.
À croire que les Français, hommes et femmes confondus, ont décidé de mieux contrôler leur fécondité, quitte pour certains à choisir de ne plus faire d'enfant du tout.

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