TEMOIGNAGE. "Je ne veux pas de bébé parce que l'avenir est incertain": éco-anxieuse, elle renonce à faire des enfants devant la menace climatique

Huit Français sur dix se disent inquiets face au changement climatique. Pour certains, c'est même une véritabe peur. Adèle, professeur des écoles à Besançon (Doubs) fait partie des "éco-anxieux". Conséquence : à 26 ans, elle ne souhaite pas donner la vie dans un monde qui se meurt. Elle nous explique pourquoi.

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"J'adore les enfants, je m'éclate avec eux", assure Adèle. Professeure des écoles à Besançon (Doubs), la jeune femme âgée de 26 ans tient à le dire. "Je fais même des colos pendant les vacances, je les trouve formidables." Et pourtant, devant la menace climatique, elle a choisi de ne pas avoir d'enfants. Une décision mûrement réfléchie même si elle peut surprendre.

"L'enfant ne décide pas de venir au monde, tu décides pour lui, explique-t-elle à France 3 Comté. Et moi, j'ai décidé de ne pas faire venir au monde un être humain sur une Terre déjà surpeuplée."

Je ne veux pas de bébé parce que l'avenir est incertain. En 2050, il fera 50°C ! Quelle vie j'ai à leur offrir ? Ils n'auront pas les mêmes opportunités que nous. C'est égoïste d'avoir des enfants aujourd'hui.

Adèle, 26 ans, professeure des écoles à Besançon.

"Et vous, c'est pour quand ?"

Adèle est en couple depuis sept ans avec Christophe, 29 ans, avec qui elle est même pacsée. Et tous les deux sont d'accord sur ce point. "Depuis le début", précise Christophe pour qui le choix de ne pas devenir parent est d'abord personnel, et plus économique qu'écologique, dit-il.

Une position qui suscite une certaine incompréhension de la part de leurs proches. "On doit se justifier tout le temps", déplore le jeune couple. Car l'entourage peut parfois se faire insistant.

Mes cousines, ma soeur, ont commencé à avoir des enfants, et c'est vrai que le sujet revient à chaque réunion de famille : "et vous, c'est pour quand ?" C'est pesant.

Adèle, 26 ans, professeure des écoles à Besançon.

Pas facile il est vrai de défendre ce choix de ne pas donner naissance quand on a une sœur sage-femme, dont c'est justement le métier. Et ne lui parlez surtout pas de sa jeunesse. "Pourquoi à 26 ans, je ne saurais pas ce que je veux ?, s'étonne Adèle. Beaucoup de gens trouvent que donner la vie est la plus belle chose au monde, pas moi. Et ce qui se passe aujourd'hui me conforte dans mon choix."

Comme Adèle, huit Français sur dix se disent inquiets face au changement climatique, d'après le rapport annuel du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur l'état de la France, paru le 25 octobre dernier. Une partie de ce rapport était consacrée à l'écologie et plus particulièrement à l'éco-anxiété.

L'éco-anxiété, "mal du siècle"

Le terme d'éco-anxiété est apparu en 1997 sous la plume de la chercheuse en santé publique Véronique Lepaige. Il décrit un type d’angoisse particulier que nous éprouvons face à la menace climatique. Il englobe un sentiment d’intense préoccupation, de vigilance, d’impuissance, mais aussi de colère. Et les jeunes de 18 à 35 ans la ressentiraient d’une façon particulièrement violente.

En septembre 2021, une étude publiée dans la revue The Lancet Planetary Health avait mis en lumière ce nouveau "mal du siècle". Cette enquête menée dans dix pays, auprès de plus de 10 000 adolescents et jeunes adultes (16-25 ans), visait à comprendre leurs perceptions du changement climatique et la manière dont cela pouvait affecter leur santé mentale. 84 % des répondants disaient alors être inquiets face à ce phénomène (59 % très inquiets) et plus de la moitié se sentaient en colère, coupables ou impuissants.

Et ce n'était pas obligatoirement des personnes déjà anxieuses. Une étude dans The Journal of Climate change and Health a en effet identifié que les personnes les plus vulnérables à l’éco-anxiété se définissent principalement par leur âge ou par leur connexion particulière à la nature, et non par une anxiété exacerbée. D’autres travaux menés à Sciences Po Grenoble ont confirmé que les "éco-anxieux" sont une population majoritairement jeune, urbaine, féminisée et éduquée, mais sans trouble d’anxiété particulier.

Une génération qui s'interroge

"Nous sommes vraiment LA génération qui s'interroge, reconnaît le jeune couple. On nous a toujours parlé de réchauffement climatique. En fait, on a grandi en étant éco-anxieux. Nos copains aussi ne sont pas sûrs de vouloir des enfants. Ce n'est pas toujours un non catégorique mais ils sont dans le questionnement."

Adèle et Christophe limitent leurs déplacements en avion, empruntent dès qu'ils le peuvent les transports en commun, trient leurs déchets et essaient de consommer de façon écoresponsable. Écologistes certes mais pas forcément militants. "A notre échelle, on ne peut plus faire grand chose", regrette Christophe. Sauf, peut-être, ne pas faire d'enfant.

C'est bien que les langues se délient un peu, qu'on en parle et qu'on se pose enfin les bonnes questions : qu'est-ce qu'on fait pour que ce soit un monde meilleur ? Quelles sont les conséquences de mes actes et suis-je capable de les assumer ?

Adèle, 26 ans, professeure des écoles à Besançon.

Pour autant, Adèle n'a pas tout à fait renoncé à être mère un jour. "Je ne dis pas que je ne changerai pas d'avis un jour. Mais si je choisis finalement d'avoir un enfant, je l'adopterai. Je ne rajouterai pas une personne de plus sur la planète !"

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