Ana Lacatusu est allergique aux détergents. Cette femme de ménage aux mains blessées ne peut plus exercer d'emploi. Sauf que la caisse primaire d'assurance-maladie ne reconnaît pas sa maladie comme professionnelle.
Ana et Decibal sont Roumains. Ils sont installés en Corse depuis plus de 12 ans. Ils ont occupé pleins d'emplois différents. Son dernier poste à elle ? La plonge et le nettoyage dans un restaurant.
Mais depuis les mains d'Ana vont mal. Abîmées, rongées, elles rendent chaque geste difficile, certains impossibles. « Ici, c’est coupé presque jusqu’à l’os. C’est gonflé ici, et ici aussi », montre Decibal en tenant les mains d’Ana.
En 2013, des tests révèlent une allergie au nickel, très largement utilisé dans tout, mais aussi dans les produits détergents. Ana continue de travailler. « Je travaille avec des gants. Je mets des gants de coton et après des gants de cuisine. Je ne peux pas travailler à la plonge avec deux gants parce que c’est mouillé tout le temps », explique Ana.
Galère médico-administrative
Deux ans encore et un médecin généraliste signe un arrêt de travail pour maladie professionnelle. Depuis, c'est la galère médico-administrative : les arrêts se succèdent, la médecine du travail confirme l'impossibilité pour Ana de reprendre son poste.
Mais la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) n'a pas le même avis. « C’est bon, tu travailles, tu es costaud et je t’arrête les paiements. Tu es allée au travail, je ne peux rien faire pour toi. J’ai dit Madame, comment je peux travailler avec les mains comme ça ? C’est inimaginable ça », livre Ana.
Avec ces mains crevassées, Ana est passée en deux ans d'un revenu mensuel de 1 300 euros à plus rien. Car la CPAM retire en mai toute indemnité journalière de base. Et puis la reconnaissance de maladie professionnelle est refusée par une commission.
« Une volonté de laisser traîner »
Selon son avocat, cette décision est irrégulière. « Le médecin de l’inspection du travail de Marseille n’a pas été sollicité, n’a pas signé le rapport. Et en plus de ça ce rapport n’est absolument pas motivé. Il y a une volonté de laisser trainer ces dossiers pour que finalement, ils ne formulent pas de demande et que la caisse ne soit pas tenue de les indemniser. Je ne vois pas d’autre explication », estime Pierre-Laurent Audisio, Avocat d'Ana Lacatusu.
En 2017, 260 dossiers de maladie professionnelle ont été traités en Corse-du-Sud. Combien y a-t-il de contentieux ? Pourquoi le dossier d'Ana est-il si tortueux ? Personne n'a voulu répondre aux sollicitations.
En tout cas, la CPAM aurait pu consulter l'autre caisse la Carsat, spécialiste de la santé au travail. Leurs chimistes connaissent bien mieux toutes les molécules qui abîment les mains des ouvrières du nettoyage. Et leur moral.