Autonomie de la Corse : pas d'unanimité, mais un texte commun adopté par la conférence des présidents élargie

Au terme de plus de dix heures de débats, vendredi 23 février, les élus de la Corse ont adopté une déclaration politique solennelle précisant les points d’accord et de désaccord de chacun concernant le projet d’autonomie de l’île.

Les échanges se sont prolongés de longues heures durant. Ils ont finalement permis d'aboutir, en début de soirée, à l'adoption d'un texte commun.

Les 18 élus de la Corse réunis en conférence des présidents élargie, ce vendredi 23 février, se sont entendus sur la rédaction d'une "déclaration politique solennelle". 

Un texte élaboré "dans un esprit de convergence et de concessions réciproques, et avec la volonté partagée de mettre un terme définitif à la logique de conflit et d'ouvrir une nouvelle page des relations entre la Corse et la République", peut-on y lire.

Longue de cinq pages, la déclaration, loin de constituer un accord général, précise plutôt les points d’accord et de désaccord de chacun concernant le projet d’autonomie de l’île.

Quatre préconisations demandées à l'unanimité

En dépit des divergences politiques, certaines préconisations ont pu recueillir l'unanimité. À commencer par "la reconnaissance constitutionnelle d'une « communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle, ayant développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec sa terre : l'île de Corse »".

Une mention qui fait référence "aux différentes dimensions (insularité, histoire, langue, culture, lien à la terre, contraintes permanentes) qui permettent ensuite la déclinaison de mesures spécifiques dans la loi organique et dans les autres textes à intervenir", est-il précisé.

Deuxième point de convergence, "la constitutionnalisation du lien à la terre et de l'accès équitable à la propriété foncière et immobilière".

Une mesure qui rendrait notamment possible la mise en place d'un dispositif de "protection permettant de réguler le marché et de lutter contre les phénomènes de sur-spéculation et de dépossession, en conditionnant l'accès à la propriété à des critères spécifiques". Un statut de résident, donc, déjà voté par délibération de l'Assemblée de Corse dès 2014, est-il rappelé, et qui serait ainsi appliqué à sa dimension foncière et immobilière.

Troisième point, ensuite : "Le statut de la langue corse et la mise en œuvre d'un bilinguisme réel et vivant". La langue corse doit bénéficier, estiment les élus, d'un statut garantissant "sur le territoire administré par la collectivité autonome que les deux langues, le corse et le français, puissent être utilisées comme langue d'usage, à l'oral comme à l'écrit, par les citoyens et citoyennes dans toutes leurs activités." Un bilinguisme "réel et vivant", qui passerait notamment par la généralisation de l'enseignement bilingue et immersif.

Quatrième et dernière préconisation demandée à l'unanimité : "Le principe de l'autonomie fiscale, dans le cadre d'un nouveau pacte budgétaire, fiscal, et financier à conclure avec l'Etat, et associant les communes, intercommunalités, et territoires de Corse". 

"Le principe d’un transfert de ressources et de compétences fiscales étant inhérent à l’autonomie, il doit être acté au plan constitutionnel, en son principe, comme en ses composantes essentielles", indique la déclaration. Un transfert dont les modalités resteront à définir entre les différentes parties.

Deux préconisations demandées à la majorité

Reste néanmoins deux points sur lesquels les élus n'ont pas réussi à obtenir un accord général. En premier lieu, la forme de la mention constitutionnelle qui serait, dans le cadre de ce processus d'autonomie, consacrée à la Corse.

Une large majorité des élus - 16 sur les 20 signataires - demandent un titre spécifique, qui permettrait de "consacrer l'autonomie de la Corse en l'inscrivant pleinement dans sa dimension méditerranéenne". Un titre qui serait également de nature à "permettre la reconnaissance de la singularité du statut de l’île au sein de la République, rappelant que celui-ci n’est assimilable à aucune des autres situations institutionnelles."

Jean-Martin Mondoloni, co-président du groupe Un soffiu novu à l'Assemblée, s'est de son côté positionné vers le choix d'un article spécifique consacré à la Corse dans la constitution, plutôt qu'un titre.

Valérie Bozzi, co-présidente du groupe de droite, Laurent Marcangeli, député de la première circonscription de Corse-du-Sud, et Stéphane Sbraggia, maire d'Ajaccio, n'ont pas choisi de se prononcer à ce stade.

Second point : "La consécration et la mise en œuvre d’un pouvoir normatif de nature législative". La quasi-unanimité des signataires - 19 élus - indique aspirer à l'exercice effectif d'un pouvoir législatif, dont le transfert à vocation "à se faire de façon progressive et par bloc de compétences".

Une position approuvée par tous sauf un, Jean-Martin Mondoloni, qui préfère "rendre opérationnels les pouvoirs d’adaptation et d’expérimentation des lois et règlements." La Collectivité de Corse pourrait dans ce cadre "déroger à des mesures comprises dans des lois ou règlements ou d’en créer de nouvelles, après habilitation du Parlement pour que l’Assemblée de Corse statue et opte pour des dispositions qui lui soient propres."

20 signataires

Dix-huit élus corses ont contribué aux débats : le président du conseil exécutif de Corse, la présidente de l'Assemblée de Corse, les présidents de groupes de l'Assemblée de Corse, mais également Josepha Giacometti-Piredda, conseillère territoriale Nazione, les maires d'Ajaccio et de Bastia, les présidentes des associations des maires de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, et les parlementaires.

Tous, à l'exception des sénateurs et de Michel Castellani, député de la première circonscription de Haute-Corse, étaient présents.

Et tous, à l'exception de Josepha Giacometti-Piredda, ont signé cette déclaration. Cette dernière a quitté la salle des discussions en début d'après-midi, indiquant attendre "qu'un débat sur le fond vienne devant l'Assemblée de Corse, que chacun puisse faire valoir ses positions et la hauteur des enjeux qui sont ceux d'une véritable solution politique pour ce pays. Dans ce cadre-là, nous y participerons."

Un "pacte politique"

Au sortir de la réunion, Laurent Marcangeli, député de la première circonscription de Corse-du-Sud, parle d'un document dans lequel "nous avons estimé parfois des divergences, avec la vision de nos interlocuteurs, souvent des convergences également, et que nous avons un document qui a le mérite d'exister, qui pourra être mis dans le débat, et notamment mis en face de notre rendez-vous de lundi soir (le 26 février, ndlr) avec le ministre de l'Intérieur."

Jean-Martin Mondoloni rapporte de son côté avoir validé un certain nombre de sujets, mais être resté "inflexible, en tout cas constant, sur ma réserve, voire mon opposition à l'octroi d'un pouvoir législatif".

Paul-Félix Benedetti, président du groupe Core in Fronte estime, lui, que "nous sommes en capacité de trouver en Corse, les voies, non pas d'un accord politique, mais d'un pacte politique pour la Corse, qui trace les grandes lignes, qui permet de dégager des consensus sur des points très forts comme la sauvegarde de la terre, la langue, l'arrêt de la spéculation immobilière, et la volonté d'un statut d'autonomie très fort, avec un transfert de pouvoir législatif."

Par communiqué, les élus PNC notent enfin un texte "qui ne formalise pour l'heure aucun accord" mais permet de continuer dans la voie de la discussion avec l'état et l'ensemble des parties concernées. Une déclaration qui laisse ouverte de nombreux débats, précise le groupe, citant notamment l'architecture des pouvoirs, l'articulation avec le bloc communal et communautaire, la métropole, ou encore la réforme du mode de scrutin et le retour aux urnes. Des points qui "devront être tranchés au cours des prochaines semaines."

Les élus du PNC, qui feront le déplacement à la rencontre de Gérald Darmanin lundi, répètent leur intention d'y porter "l'idée d'une solution politique et d'une "autonomie utile" à l'heure où la Corse vit, tous secteurs confondus, une profonde crise de société".

Ce qui est important c'est que tous les signataires du texte, y compris quand ils sont en désaccord sur certains points, s'engagent ensemble à défendre les points qui ont été votés

Gilles Simeoni

Mis sous pression par le ministre de l'Intérieur, le président de l'exécutif était dans l'obligation de parvenir à la rédaction d'un document commun avant le repas de Beauvau.

Gilles Simeoni salue une certaine réussite : "Nous avions dit depuis le début que la recherche d'une convergence et d'un accord politique large ne pouvait pas se confondre avec l'unanimité. Il n'est ni possible, ni souhaitable en démocratie. Ce qui est important c'est que tous les signataires du texte, y compris quand ils sont en désaccord sur certains points, s'engagent ensemble à défendre les points qui ont été votés, qu'ils l'aient été à l'unanimité ou au fait du titre majoritaire."

Loin d'une écriture constitutionnelle, cette déclaration représente tout de même le premier document qui tend vers un consensus, bien que toujours incomplet. Reste désormais à savoir ses propositions trouveront bonne place à la table de Gérald Darmanin, ou s'il décidera de concocter son propre plat.

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