Ce vendredi 16 février, le ministre de l’Intérieur a indiqué qu’il souhaitait présenter un texte aux élus de la Corse dans le cadre de l’évolution institutionnelle de l’île. Une tâche pour laquelle les élus insulaires n’ont, pour l’heure, pas trouvé de consensus.
Une semaine après le report d’une de ses visites en Corse, le ministre de l’Intérieur a accordé un long entretien au quotidien Corse Matin, publié ce vendredi 16 février.
Gérald Darmanin y indique vouloir « prendre la main » et « conclure » les négociations autour de l’évolution du statut institutionnelle de la Corse. Ainsi, le ministre de l’Intérieur annonce son intention de leur présenter « une rédaction qui sera amendable », lors d’un dîner à Paris le 26 février prochain. Gilles Simeoni Jean-Christophe Angelini, Paul-Félix Benedetti, Jean-Martin Mondoloni et Josepha Giacometti-Piredda y seront notamment conviés.
Le ministre de l'Intérieur annonce également qu'il soumettra aux élus corses sa propre proposition d'écriture consitutionnelle, et enterre la délibération "Autonomia" votée le 5 juillet dernier à l'Assemblée de Corse. Gérald Darmanin fait part de son agacement quant à l'absence de consensus entre les groupe de l'Assemblée. Faut-il y voir une critique de la méthode choisie par Gilles Simeoni pour aboutir à un accord ? Le président de l'exécutif de Corse n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Le reportage de Paul Salort et Typhaine Urtizverea :
Des élus de l’Assemblée de Corse ont réagi à cette interview au micro de France 3 Corse ViaStella.
Jean Biancucci, président du groupe Fa Populu Inseme à l'Assemblée de Corse
"Je ne vois pas pourquoi le ministre intervient. Je ne comprends pas, ceci d'autant plus que cette recommandation ou ces propositions qui viennent de Paris ne sont pas acceptables dans un processus d'autonomie, bien au contraire."
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu à l’Assemblée de Corse
« Je l’analyse comme l’expression d’une volonté politique qui me parait assez claire. Je crois que la majorité a manqué cruellement de précision, de méthode, de fond, et à un moment donné il fallait bien que quelqu’un s’en rende compte. Aujourd’hui les choses ont été verbalisées, exprimées, je n’ai pas à commenter plus que cela les propos en général.
Mais je retiens quand même l’idée double et à mon avis essentielle : il y a eu un défaut de méthode que nous avons-nous-mêmes pointée par le passé ; il demeure une volonté politique extrêmement forte de solder le conflit et de projeter la Corse dans un avenir plus constructif et plus serein.
Je crois qu’il reste l’idée que la Corse peut encore, dans un temps très bref, élaborer ses propres propositions et pourquoi ne pas faire en quelques jours ce qu’elle n’a pas fait en quatre ou cinq mois. Je ne sais pas ce qui a pu se développer ces derniers jours entre le ministre de l’Intérieur et le président du conseil exécutif. Ce que je sais c’est qu’il existe de la part des élus de la Corse, une volonté d’en sortir et de la part du ministre de l’Intérieur, responsable en charge, une volonté toute aussi forte de solder tout ceci et « de conclure ».
On a craint ces dernières heures d’un échec du processus. Ce que je retiens, pour ma part, c’est que l’espoir d’une sortie politique renaît, et avec elle la conclusion de 50 années de conflits au profit d’une inscription dans la Constitution, d’une évolution statutaire, et de la construction d’une autonomie, qui pour nous, devra être une autonomie utile. »
Jean-Martin Mondoloni, co-président du groupe Un soffiu novu à l’Assemblée de Corse
« Je ne sais pas s’il y a une reprise en main ou une volonté de procrastiner sur le sujet. La vérité est connue dès le départ. Dès lors qu’on fixe de façon illusoire l’unanimité comme quête indispensable à la réussite du processus, le germe de l’échec est presque déjà là. Si on veut éviter cet échec, il faut éviter de vouloir aboutir à une unanimité. Chacun sait en Corse quels sont les positionnements des uns et des autres. Chacun sait très bien en Corse les efforts fait par les uns et les autres.
Chacun doit savoir que la famille, dont je suis le porte-parole, a fait des efforts sur le peuple, sur la notion de langue, sur la notion qui touche à l’identitaire, notamment le rapport à la terre. Chacun sait désormais, pour ce qui me concerne et quelques amis qui m’accompagnent, je suis très réservé sur l’octroi d’un pouvoir législatif. Est-ce que pour autant on doit cesser toute discussion et on doit mettre un coup d’arrêt au processus ? Je pense que non. Je pense qu’il faut respecter le fait majoritaire lorsqu’il existe. Il me semble parfaitement identifié et il faut continuer à travailler sur cette base. »
Josepha Giacometti-Piredda, conseillère territoriale Nazione
« Je pense que le piège se referme, comme il était prévisible qu’il se referme sous l’effet conjugué d’abord de la vision a minima qu’a le gouvernement français d’une évolution pour la Corse, et surtout la stratégie adoptée par la majorité territoriale, c’est-à-dire, de déférer à toutes les injonctions de Paris se laissant fixer ordre du jour et calendrier.
Je crois qu’aujourd’hui on a abouti à quelque chose de très clair, le ministre de l’Intérieur français n’attend même plus de ramasser la copie, il écrit la sienne qu’il soumettra pour des amendements éventuels aux élus de la Corse. Rien que de très malheureusement prévisible au regard de la stratégie adoptée jusqu’à aujourd’hui, en Corse notamment.
Je regarde ça sans apprendre, malheureusement, grand-chose. On sait depuis le début qu’on ne discute pas autour d’une véritable solution politique pour la Corse et d’une résolution du conflit. Il faut dire la vérité aux Corses, depuis le début on discute de la recherche d’un équilibre fragile sur la base d’un consensus au plus petit dénominateur commun pour aboutir à un statut de la Corse amélioré. Je pense qu’il faut très vite redresser la barre, mais on n’en prend pas le chemin. »
Gérald Darmanin déclare dans le même temps, qu’il se rendra en Corse mi-mars.