Corse : la flambée du prix des carburants au centre des préoccupations

1,89 euro le litre à la pompe pour du sans-plomb 95, 1,80 pour du gazole... Depuis plusieurs mois, le prix des carburants ne cesse d'augmenter en Corse. Une situation "urgente" qui entraîne de nombreuses réactions.

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Il y a "urgence". Face à la flambée du prix des carburants en Corse, le Conseil exécutif de Corse tire la sonnette d'alarme, dans un courrier adressé au Premier ministre, et détaillé dans un communiqué paru le 11 février.

Le coût de l'essence et du gazole n'a de cesse d'augmenter depuis plusieurs mois, atteignant des niveaux record et contraignant les conducteurs et conductrices à limiter tant que possible leurs déplacements, voire se serrer la ceinture, faute de pouvoir assumer le coût du plein.

Une situation déjà décriée par l'Assemblée de Corse en octobre dernier, avec le vote d'un rapport sur les carburants, demandant par voie d'adaptation législative et réglementaire, "l'application en Corse d'un mécanisme pérenne permettant un encadrement des prix et une fiscalité adaptée." La délibération, envoyée à Matignon, n'a trouvé réponse que le 2 février dernier, par une missive indiquant que "les Ministres concernés allaient procéder à un examen de la requête".

Un examen qui pourrait prendre un temps conséquent. Mais du temps, estime l'exécutif, la Corse n'en a plus : "la temporalité nécessaire à la mise en place d'un mécanisme pérenne apparait désormais incompatible avec l'urgence de la situation en Corse".

Appel à une intervention immédiate

Des dispositions doivent donc être prises instamment, argue le conseil exécutif. En moyenne, le prix du carburant en Corse serait supérieur de 12 à 16 centimes au litre par rapport au continent. Soit un surcoût d'environ 7,50 euros et 5,50 euros pour des plein d'essence et de gazole [de 50 litres en moyenne] "qui pèse sur le pouvoir d'achat des Corses".

Dans un nouveau courrier adressé au Premier ministre, l'exécutif présente ainsi deux options qui pourraient être mises en œuvre par l'Etat "à titre conservatoire".

La première, la mise en place d'une mesure de blocage des prix des carburants en Corse pour une période de six mois, mesure déjà plébiscitée dans la délibération de l'Assemblée d'octobre.

La seconde, une majoration en Corse de l'indemnité inflation mise en place en fin d'année dernière par le gouvernement. De l'ordre de 100 euros, celle-ci a été versée aux revenus les plus modestes, et doit selon la Collectivité être réévaluée "sur la base du différentiel de prix constaté en Corse, sur le carburant, mais aussi sur d'autres dépenses quotidiennes, l'alimentaire ou l'énergie par exemple", détaille Julien Paolini, président de l'Agence d'urbanisme, d'aménagement et de l'énergie de la Corse.

Remise ponctuelle dans les stations Total

"Une réponse forte de la part du gouvernement est attendue sans délai", tranchent les services de la Collectivité, rebondissant au passage sur une mesure de contrôle des prix du carburant récemment indiquée par le groupe Total et prenant effet dès ce lundi 14 février : la baisse de 10 centimes par litre du prix des carburants, remise effective jusqu'au 15 mai. 

En clair, pour 20 litres de carburant, les clients du pétrolier bénéficieront d'une remise de 2 euros sur le prix indiqué sur le totem et aux pompes des stations, 5 euros pour 50 litres, 7 pour 70.

Une mesure "volontariste", salue la Collectivité - qui précise avoir adressé un courrier à son PDG pour demander "d'en porter la valeur au niveau du différentiel des prix appliqués sur l'île" -, et dont se félicitent nombre de conducteurs insulaires : "Ce n'est pas énorme, mais en cumulé, à raison d'un plein par semaine, ça pourra faire baisser la facture de 20 euros par mois. Toute économie est bonne à prendre", souffle cet automobiliste.

Un enthousiasme qui n'est néanmoins pas partagé par tout le monde : du côté du pétrolier Vito Corse, principal concurrent de Total sur l'île, on fait la moue. "Je ne suis pas dans les comptes de Total, donc je ne peux pas parler pour eux. Mais de notre côté, il serait totalement impossible d'appliquer une telle, car nous serions largement en vente à perte, ce qui est interdit par la réglementation", assure Vincent Perfettini, directeur général Vito Corse.

Concurrence déloyale et atteinte au marché pétrolier insulaire

Pour le Syndicat du carburant de Haute-Corse (SCHC), cette remise pourrait même engendrer une situation de concurrence déloyale préoccupante sur le marché insulaire. Dans un communiqué paru le 12 février, le syndicat reconnaît ainsi une action "certes louable" et permettant "momentanément d'alléger le passage à la pompe de quelques euros" de la part de Total. Mais cette remise reste néanmoins "éphémère et ne solutionne en rien la problématique globale", argue-t-il.

"Cette opération, décidée à la publication des comptes annuels, révèle plus une opération de communication, qu'une politique pérenne en matière de prix de carburant. Au final, cela n'impactera que très faiblement les résultats du groupe Total (17 mds d'euros en 2021) rapportée à son coût (500 millions, soit 2,94 % du résultat net annuel du groupe)."

Au total, 2,5 millions d'euros devraient être redistribués par le pétrolier en Corse via cette opération. Une somme entièrement compensée par la maison mère de la filiale insulaire, poursuit le communiqué, qui représente "grosso-modo le résultat annuel net du groupe Total en Corse."

Problème, les deux autres grossistes en carburant locaux, à savoir Vito Corse et le groupe Ferrandi Esso, "sont de taille beaucoup plus modeste que la compagnie Total, qui peut facilement soutenir sa filiale. Si le résultat financier annuel de Vito Corse est sensiblement égal à celui de Total Corse, celui du groupe Ferrandi Esso est nettement inférieur en raison d'un nombre de stations plus faible. Ne disposant de la capacité commerciale, ni de la surface financière du soutien d'un leader mondial des carburants, ils ne peuvent soutenir leurs revendeurs à un tel niveau."

 

Impossible, donc, pour le grossiste, de s'aligner au prix de son concurrent. Une situation qui pose "un réel problème de distorsion de marché et pourrait mener rapidement de nombreuses stations insulaires, déjà fragilisées par la crise sanitaire, à de plus amples difficultés", s'inquiète le syndicat du carburant de Haute-Corse.

  

"Cela ne sera pas sans conséquences sociales et économiques, et cela pourrait déboucher de facto à la création d'un monopole de distribution au détail, avec la disparition possible de plusieurs acteurs du marché. Cette action est à rapprocher de la politique des prix agressive de quelques revendeurs locaux, qui en appliquant des marges anormalement faibles, suscitent des interrogations et jettent un certain discrédit sur la grande majorité de la profession."

 

Ainsi, et pour "préserver les conditions d'une saine concurrence", le syndicat estime que la solution à la flambée des prix serait la mise en place d'un système type Lurel, déjà adopté à la Réunion, adossé à un encadrement des marges. "Pour information, à la Réunion avec le système mis en place, le gazole coute actuellement 1,23 euro", précise le communiqué.

 

Le syndicat conclut sur son intention de rester attentif à la suite de cette opération. Une guerre commerciale qui pourrait en tous cas profiter aux automobilistes. Syndicat, grossistes, collectivité de Corse et conducteurs : le prix du carburant devrait rester encore un certain temps au centre des préoccupations.

 

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