Les représentants STC de Corse Composites Aéronautiques dénoncent l'embauche de 10 intérimaires continentaux, au dépens, estiment-ils, de salariés insulaires. Une situation qu'ils craignent de voir devenir pérenne, mais que nie fermement la direction.
"Au début, on nous disait qu'on ne trouvait pas assez d'ingénieurs ici, c'était leur excuse. Mais désormais, on veut aussi recruter sur le continent dans le secteur manuel ! "
Représentants et délégués syndicaux STC (Sindicatu di i travagliadori Corsi) au sein de Corse Composites Aéronautique tirent la sonnette d'alarme : l'entreprise insulaire de développement et production de sous-ensembles complexes en matériaux composites à destination de l’aéronautique favoriserait selon eux l'emploi de travailleurs continentaux plutôt que de faire appel à de la main d'oeuvre corse.
Une situation inacceptable pour le syndicat, qui tenait ce mercredi 3 novembre une conférence de presse dans ses locaux ajacciens. Pour les cinq personnels présents, ces décisions trahiraient "l'identité" même de l'entreprise, née en 1982 "avec l'objectif de créer de l'emploi pour les Corses".
"Décorsisation" des emplois
Une mission qu'ils estiment aujourd'hui abandonnée par la direction : "Au cours des derniers mois, on a enregistré 5 démissions parmi les employés de Corse Composites, indique Jacques Sereni, délégué syndical STC. En parallèle, 10 intérimaires continentaux ont été recrutés, sans même retenir ou contacter nos sous-traitants directs avec lesquels nous avions l'habitude de travailler, qui ont été licenciés pour raisons économiques suite à la crise sanitaire...Ce sont pourtant des personnes qualifiées dans l'aéronautique"
Plus encore, les intérimaires recrutés se seraient vus promettre la possibilité de décrocher un CDI, affirment les représentants syndicaux. "Dans ces conditions, on ne parle donc plus du tout d'un emploi temporaire mais d'une position permanente, et donc sans retour possible des sous-traitants corses...", soufflent-ils.
Résultat, conclut Christian Benitez, délégué syndical, "on finit par avoir l'impression qu'il y a une discrimination salariale par rapport à l'embauche locale." Les représentants syndicaux promettent des actions à venir. En l'attente, ils entendent continuer d'interpeller les élus à ce sujet.
"Méconnaissance totale" de l'entreprise
Ces critiques, Jean-Yves Leccia, directeur de Corse Composites Aéronautiques, les rejette fermement. Lui en est convaincu : le STC mène ici un combat sur "la corsisation des emplois" inadapté dans le cadre de son entreprise. "C'est une méconnaissance totale de Corse Composites et de son fonctionnement."
"Nous embauchons beaucoup dans la région", insiste le directeur, qui précise que 50% des ingénieurs sont issus de la classe préparatoire d'Ajaccio. Si certains postes, dans le domaines de l'ingénierie, notamment, sont bien occupés par des employés continentaux, "cela fait aussi la richesse de notre entreprise. Ce sont ces mêmes personnes, déjà formées, qui peuvent par la suite faire monter en compétences nos salariés."
Egalement, "en ce qui concerne l'embauche, nous ne pouvons pas forcer les gens à candidater. Si des personnes qui se trouvent en Corse ne postulent pas forcément, ce n'est pas notre rôle de leur courir après..."
Malgré la crise, et une baisse d'activité de l'ordre de 45% enregistrée en 2020 et en 2021, Corse Composites Aéronautiques n'a pas licencié parmi son personnel, rappelle Jean-Yves Leccia.
"Nous voyons aujourd'hui une remontée de l'activité, mais elle reste faible. Selon nos prévisions, en 2025, on restera encore à 20% en dessous de l'activité de 2019. C'est pour cela qu'on se transforme énormément, en faisant de gros investissements, en cherchant à faire monter les compétences et amener plus de valeurs ajoutées, de façon à assurer la pérennité de l'entreprise."
L'entreprise travaille actuellement sur un gros projet : la conception et la fabrication de la partie inférieure du Falcon 10X, le plus grand avion d'affaire de l'avionneur Dassault, prévu pour une mise en service à l'horizon 2025.