L'hypothèse du tir de missile accidentel est désormais inscrite dans un procès verbal du dossier. Une nouvelle qui soulage les familles des victimes.
Plus de cinquante ans se sont écoulés, mais les proches des victimes n’en démordent pas : pourquoi donc la Caravelle Ajaccio-Nice s’est-elle écrasée le 11 septembre 1968, causant ainsi la mort de ses 95 passagers ?
Pour Mathieu Paoli, président de l’association des familles des victimes, c'est à un tir de missile accidentel de l’armée - qui aurait endommagé l’arrière de l’appareil - qu'il faudrait imputer l’accident.
Une thèse qu’Alain Chemama, juge en charge de l’enquête, a indiqué le 5 juillet prendre « très au sérieux ». L'hypothèse de la bavure militaire est donc désormais inscrite dans un procès verbal du dossier dressé par le juge d'instruction à Nice.
Un soulagement pour Mathieu Paoli : « Il nous a dit que la justice avait reconnu de sa part le tir de missile, ça nous a fait un réconfort total ».
Pour le président de l'association des familles des victimes du crash et pour tous ses membres, cette recherche de la vérité est un chemin pénible et semé d’embuches. La levée du secret-défense sur le dossier du crash de la caravelle Ajaccio-Nice avait pourtant été requise en mars 2018 par le juge Chemama.
Mais 15 mois plus tard, le bilan est amer : les documents n'ont pas encore pu être consultés, et la commission du secret de la défense n’est toujours pas saisie.
Un immobilisme qui agace Me Stephane Nésa, avocat des familles des victimes : « Dans ce dossier le magistrat instructeur [..] se heurte depuis le 26 mars 2018 à des réponses convenues. Les plus hautes autorités de l'Etat indiquent qu'ils vont coopérer pour que se manifeste la vérité, mais à ce jour, il n'y a eu aucune réponse satisfaisante, puisque les documents demandés n'ont pas été communiqués.»
Immobilisme et réponses convenues
Et pour cause : si plusieurs demandes ont bien été formulées auprès de différents ministères, chacune a donné lieu à son nouveau lot de difficultés.
Ainsi, le ministère de l’Intérieur a renvoyé vers un dossier disponible aux Archives nationales. Archives qui ont toutefois strictement refusé sa transmission numérisée, jugeant le volume du dossier trop important. Une consultation sur place pourrait cependant avoir lieu durant le mois de juillet.
Le ministère de la Justice, lui, enjoint à consulter un document de la direction générale de l’aviation civile. Manque de chance : celui-ci est enfermé dans un site de Fontainebleau, dans une salle rendue inaccessible pour motif d'un risque d’effondrement.
Le ministère des Armées, enfin, promettait un retour rapide à l’été 2018. Et depuis, aucune nouvelle.
L'ensemble de ces démarches infructueuses pour faire reculer le secret défense ont été actées, lors de l'audition entre le juge et les familles des victimes, le 5 juillet.
Une situation que regrette Mathieu Paoli : « Il y a un grand décalage entre la volonté d’aller au bout affichée par les plus hautes autorités politiques de notre pays et le contenu des courriers. Le gouvernement reste frileux.»
Non-lieu
En 1968, après le crash, l’enquête avait débouché sur un non-lieu. Les conclusions officielles parlaient alors d'un incendie provenant de l’intérieur de l’avion, et les faits avaient été déclarés prescrits.
Les familles ont bataillé durant de nombreuses années, avant que le dossier ne soit finalement rouvert en 2011 pour « soustraction et recel de preuves ».
Quelles sont les preuves avancées par l'association des familles de victimes pour défendre la thèse du tir de missile accidentel ?
Une "bavure" de l'armée, responsable de l'accident de l'appareil, c'est l'hypothèse qu'ils défendent depuis des années. Et pour appuyer leurs dires, les membres de l'association des familles de victimes s'appuient sur divers éléments.
Plusieurs témoins de l'accident ont affirmé avoir vu «une lueur bleue qui venait de derrière la caravelle ». Un détail qui semblerait indiquer un incident venant de l'extérieur de l'avion plutôt que de l'intérieur, comme indiqué sur les conclusions officielles de l'enquête tenue en 1968.
Autre document présenté par Mathieu Paoli, un rapport de la préfecture maritime de Toulon - un document "zonex" - signalant des activités militaires dans la zone traversée par l'avion. Un élément obtenu par le collectif en 2007, et qui, pour Me Paul Sollacaro, un des avocats des familles des victimes, interrogé par l'AFP, était « la preuve que le 11 septembre 1968, il y avait dans la zone traversée par la Caravelle des activités militaires importantes »...
Le représentant de l'association serait également en possession d'un rapport d'une lettre écrite par un membre de la commission d'enquête technique et destinée à son fils, datée de 1970. Dedans, il exprime des doutes sur les circonstances de cet accident «inexpliqué », et s'interroge sur les procédures de chalutage et de recherche mises en place à la suite de l'accident.