Le ministre de la Justice ne peut plus statuer sur le retrait du statut de détenu particulièrement surveillé (DPS) à Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. La décision est confiée, par décret, au Premier ministre. Le rapprochement des deux prisonniers dits politiques pourrait être compromis.
La nomination d'Eric Dupond-Moretti à la tête du ministère de la Justice, en juillet dernier, avait été accueillie comme une très heureuse surprise en Corse. Mais ce vendredi l'exécutif insulaire déchante.
Dans un décret, publié ce 18 décembre, le Premier ministre vient d'interdire au garde des Sceaux "des actes de toute nature relevant des attributions du garde des Sceaux, ministre de la Justice, relatifs aux conditions d’exécution des peines et au régime pénitentiaire de personnes condamnées qui ont été, directement ou indirectement, impliquées dans les affaires dont il a eu à connaître en sa qualité d’avocat (…)"
En clair, Eric Dupond-Moretti ne pourra pas statuer sur le retrait du statut de détenu particulièrement surveillé (DPS) à Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, sur lequel il devait se prononcer dans les semaines à venir.
L'ex-pénaliste connaît bien l'affaire : en 2011, il a assuré la défense d'Yvan Colonna, jugé aux côtés d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri pour l'assassinat du préfet Claude Erignac. Les trois hommes ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.
En 2006, Eric Dupont-Moretti avait également obtenu l'acquittement de Jean Castela, suspecté de faire partie de la "cellule du Nord" du commando Erignac.
La décision est dorénavant confiée au Premier ministre. Pour rappel, en mars dernier, la commission locale DPS, a donné un avis favorable à la radiation du répertoire de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Cet avis reste consultatif, mais est suivi dans l'immense majorité des cas.
Lire le décret paru dans le journal officiel du 18 décembre 2020
"Fiction juridique"
Les présidents du conseil exécutif et de l'Assemblée de Corse ont immédiatement réagit dans un communiqué commun. Le statut de DPS "maintenu pour Alain Ferrandi, Pierre Alessandri, et par ailleurs Yvan Colonna, est aujourd'hui une fiction juridique", écrivent Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni.
Détenus Particulièrement Signalés : notre communiqué commun avec le Président du Conseil exécutif.
— Jean-Guy Talamoni (@JeanGuyTalamoni) December 18, 2020
Jusqu’ici, dans cette affaire, la Justice et le Droit ont été écartés au profit de la vengeance d’État et du ressentiment. pic.twitter.com/E8BpY0Gldv
En le maintenant il interdit "la mise en œuvre d’un droit au rapprochement dont [ils] auraient dû bénéficier depuis longtemps déjà, et dont ils sont privés depuis plusieurs années par l’application de la logique de vengeance au détriment de celle du droit", continuent-ils.
Ainsi, selon les nouvelles dispositions imposées par le décret, si le statut de DPS est maintenu pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, la décision serait "exclusivement politique, prise par le Chef du Gouvernement", dénoncent les présidents.
Détenus sur le continent depuis 1999
Alain Ferrandi et Pierre Alessandri sont détenus sur le Continent depuis 1999. Incarcérés à la maison centrale de Poissy en région parisienne, ils sont accessibles à une libération conditionnelle depuis 2017.
Pour l’instant, toutes leurs demandes de rapprochement à la prison de Borgo ont été refusées. Motif : les deux prisonniers sont toujours inscrits au répertoire des détenus particulièrement signalés.
Qu’est-ce-que les DPS ?
Le statut de DPS, ou détenu particulièrement signalisé, est invoqué dans le cadre de prisonniers particulièrement suivis, faisant l’objet d’une surveillance particulière et de conditions d’incarcérations spécifiques (déplacements limités, notamment). Ce statut peut être appliqué pour diverses raisons : la personnalité du détenu (risque d’évasion, fiché au grand banditisme…), ou son comportement en détention (pour des détenus particulièrement violents ou ayant pris part à des émeutes) mais également dans le cadre d’un prisonnier médiatique, d’une personnalité, ou encore un fonctionnaire de police, magistrat, ou surveillant de l’administration pénitentiaire.
Au 1er août 2018, on recensait 273 DPS en France. Selon l’administration pénitentiaire, la prison de Borgo n’est pas apte à recevoir des transferts de prisonniers inscrits au répertoire DPS.