Le 25 septembre 2020, le voilier "Be Bop" coulait dans les fonds du golfe d'Ajaccio. Sur les trois personnes à bord, une seule a survécu. La commune de Pietrosella, au large de laquelle le bateau avait mouillé, est mise en examen pour homicide involontaire dans cette affaire, indique le parquet d'Ajaccio.
Une décision de la justice "incompréhensible" pour Jean-Baptiste Luccioni, le maire de Pietrosella. Sa commune a été mise en examen pour homicide involontaire dans le cadre de l'enquête autour du naufrage d'un voilier qui s'est échoué sur un récif il y a trois ans de cela. Un drame dans lequel deux personnes ont perdu la vie.
Une information révélée par Corse-Matin, et confirmée auprès de France 3 Corse ViaStella par le procureur de la République d'Ajaccio, Nicolas Septe.
"Le bateau est venu s'installer sur une de nos bouées alors que nous ne les connaissions pas. On ne pouvait pas les prévenir de la tempête, on ne les connaissait pas, insiste le maire auprès de l'AFP. Ils ont pu débarquer un passager avant de casser leur amarre au moment de la tempête et de naviguer pendant 45 minutes avant de s'échouer. C'est aberrant".
Me Camille Romani, son avocat, indique espérer un non-lieu dans ce dossier en fin d'instruction : "Il est surprenant que la mise en cause de la commune soit envisagée alors que les ayants droit des victimes n'ont jamais dirigé leur plainte et critiques contre la commune de Pietrosella. Le rapport d'expertise est extrêmement contestable et fondé sur des postulats erronés".
Tempête et naufrage
Pour rappel, l'affaire remonte à la nuit du 25 au 26 septembre 2020 : le "Be Bop", un voilier de 11 mètres, heurte les hauts-fonds en baie d'Ajaccio à la pointe de Porticcio, après la rupture de son mouillage, dans la crique de Pietrosella. Trois personnes sont à bord. Il s'agit de plaisanciers venus du Cap d'Agde pour un tour de Corse à la voile.
Seule une personne parvient à rejoindre la terre : une femme, âgée de 65 ans, qui est repérée par le veilleur de nuit d'un hôtel de Porticcio, qui l'entend frapper aux environs de 1h du matin à la porte d'accès à la plage.
En bonne condition physique, elle explique avoir nagé jusqu'au bord, guidée par la lumière de l'établissement, et ce malgré des vagues de "7 à 8 mètres" de haut, selon un membre de l'hôtel.
Les importants moyens de secours engagés en parallèle doivent composer avec des conditions météorologiques difficiles et des vents particulièrement violents. Le corps du mari de la rescapée, âgé de 67 ans, est retrouvé flottant au petit matin. Celui du dernier passager, un homme de 75 ans, est repêché deux jours plus tard.
Deux morts et une rescapée
Que s'est-il passé et dans quelles conditions cette tragédie est-elle survenue ? Face à Corse-Matin et aux enquêteurs, la rescapée affirme avoir joint les ports de Charles-Ornano et Tino-Rossi à Ajaccio, alors que la tempête se profilait - et que la zone s'apprêtait à être placée en alerte orange par les services de Météo France -, pour demander que le voilier soit accueilli.
Selon ses dires, ces coups de téléphone auraient été passés le jeudi 24 septembre, la veille de la tempête, puis une nouvelle fois le lendemain matin. L'accès aurait été refusé à chaque fois, faute de place. Interrogés par Corse-matin, les directeurs des ports Tino-Rossi et Charles-Ornano d'Ajaccio ont pourtant assuré n'avoir refusé aucun navire.
Le 28 septembre, deux jours après le naufrage, la rescapée porte plainte contre X pour non-assistance à personne en péril. Trois semaines après les faits, le parquet d'Ajaccio ouvre une information judiciaire contre X pour homicide involontaire, blessures involontaires, et mise en danger de la vie d'autrui. L'enquête est confiée à la gendarmerie maritime.
Si la commune de Pietrosella est donc désormais mise en examen, "l'agent de port et le maitre du port Charles d'Ornano ont le statut de témoin assisté dans cette procédure", indique le parquet d'Ajaccio.