Menacées à plusieurs reprises de disparition, les confréries corses connaissent aujourd'hui un nouvel élan, renaissant toujours plus nombreuses et réunissant plusieurs milliers de membres. Des structures qui se sont forgé leur place au sein de la société insulaire.
Dernière née des confréries de la région ajaccienne, a cunfraterna San Petru de Sarrola-Carcopino a été créée en 2022. Elle est l’illustration du renouveau de ces communautés dont la fonction première se situe à mi-chemin entre foi, passion pour le chant, spiritualité, aide sociale, culture et traditions.
Des confréries qui agissent "première sur le côté religieux, servir la messe auprès du curé, indique Manon Casanova, prieuse au sein de la confrérie. Et à côté de ça, nous avons créé une association avec laquelle nous organisons des événements pour essayer de récolter des fonds pour l'église. Et donc, nous la rénovons, petit à petit. Et encore en parallèle, nous avons l'échange intergénérationnel, où nous partageons avec les anciens, nous allons rencontrer les personnes fatiguées, malades, nous apportons notre aide comme nous le pouvons."
"Partenariat" avec l'Eglise
Vieilles pour certaines de plus de 500 ans, les confréries ont-elles trouvé leur place dans la société actuelle ? Ce n’était pas forcément le cas du temps où Monseigneur de Germais dirigeait l’église de Corse jusqu’en 2021.
Manque de proximité culturelle, ou de confiance envers les confréries en sont sans doute les explications. Mais cette vision semble avoir évolué depuis l’arrivée de Monseigneur Bustillo. "Quand il y a en face de nous des gens qui sont organisés et qui forment des unités, soit on les considère comme un contre-pouvoir, et à ce moment-là, on s'en méfie, soit on les considère comme faisant partie de la maison, et à partir de là nous devenons partenaires", estime l'archiprêtre de Calvi Louis El Rahi.
"Et pour les confréries font partie de l'Eglise, font partie de la paroisse. Je pense que le cardinal Bustillo, en arrivant ici, quand il a découvert cette réalité, a aussi vu le potentiel que ces confréries représentent", conclut-il.
Le reportage de Jean-Philippe Mattei, Stéphane Lapera, Yann Benard et Dalila Hamdad :
La confrérie de San Rucchellu d’Ajaccio est l’une des plus anciennes de Corse. Comme la plupart de ces structures, elle a connu une interruption de plusieurs décennies. Recréée en 2004, elle poursuit les engagements publics de vie liturgique de la paroisse mais pas seulement.
"L'autre but est plus caché, moins direct, mais plus intéressant pour nous parce que nous sommes, nous essayons du moins, d'être là pour aider des personnes en difficulté, explique Tony Biaggi, prieur au sein de la confrérie San Rucchellu. Forcément, ce sont des gens que nous connaissons, que nous côtoyons au quotidien. Ce sont des gens qui ont besoin, et on doit être là pour les aider. C'est ce que faisait nos aînés, et c'est ce que nous essayons de faire au mieux, au quotidien, maintenant."
Représentation de la société corse
Historiquement, les confréries ont toujours été enracinées dans la société. Elles ont été un outil de lutte contre le protestantisme, puis ont disparu à la Révolution française ou pour beaucoup lors de la Première Guerre Mondiale.
À l’époque contemporaine, les premières communautés ont été recréées dans les années 70 coïncidant avec le Riacquistu. L’aspect politique au sens de la gestion de la cité est donc important, et ce de tout temps.
Si l’engagement culturel demeure, les confréries tendraient à chercher de préférence l’aspect social et surtout un engagement communautaire. C’est-à-dire travailler au service d’une communauté localisée.
Pouvoir ou contrepouvoir, elles sont en tout cas une représentation de la société corse, et un lien indispensable avec le clergé depuis leur origine.