Depuis Jean-Paul II, la papamobile est l'un des attributs papaux les plus connus dans le monde, dépassant le cadre de la religion pour entrer dans la culture populaire. Alors que le pape François s'apprête à aller à la rencontre des Ajacciennes et des Ajacciens, on vous raconte l'histoire de la papamobile.
Cadillac, Fiat, Ferrari, Renault, Dacia, Toyota, Citroën, Hyundai, Peugeot, Kia, Seat, Mercedes... En tout, une cinquantaine de voitures composeraient le parc automobile du Vatican, rayon "papamobile".
Elle se doit de respecter un certain nombre de règles. Elle doit être de couleur blanche, nacrée, agrémentée de décorations dorées. Son moteur lui permet de rouler à allure très lente, pour traverser la foule, et elle est rehaussée d'une plateforme, afin que tout le monde puisse apercevoir le Saint-Père. Cette plateforme est la plupart du temps surmontée d'une verrière, et la voiture est renforcée par un blindage afin de protéger le pape.
Une chose est sûre, toutes les papamobiles arborent une plaque d'immatriculation frappée des armoiries du Vatican, et portent l'inscription SCV - 1, pour Status Civitatis vaticanæ, en latin, ou Stato della città del vaticano en italien, ce qui signifie Etat de la cité du Vatican.
Le 1 indique que c'est le chef de l'Etat qui est en déplacement.
De la sedia gestatoria à la papamobile
C'est le pape Jean-Paul II qui a popularisé la papamobile.
Avant lui, la voiture était un moyen de locomotion peu utilisé par le Saint-Père, du moins lors de sorties publiques. Le souverain pontife montait plus volontiers sur une sedia gestatoria, une chaise, ou plutôt un trône, porté par quatorze hommes, pour aller à la rencontre de la foule, d'autant qu'il quittait très peu l'Italie, et même Rome.
Cette tradition traversera le siècle.
Jean-Paul Ier, le 27 septembre 1978, fera ainsi sa dernière apparition, à quelques heures de sa mort, sur une sedia gestatoria.
Jean-Paul II, pour sa part, n'utilisera jamais ce moyen de transport, et optera très vite pour la papamobile. D'autant que Karol Józef Wojtyła est un pape voyageur, bien plus que ses prédécesseurs.
Au cours de son mandat, exceptionnellement long, de 27 ans, Jean-Paul II visitera près de 130 pays à travers le monde. Sa première papamobile sera une Toyota Land Cruiser, qu'il avait héritée de Paul VI. En 1980, il opte pour une Fiat Campagnola, qui restera dans l'histoire pour une raison tragique.
Le 31 mai 1981, Mehmet Ali Ağca, membre de l'organisation islamiste et nationaliste Les Loups Gris, est perdu parmi la foule qui s'est massée pour apercevoir le pape, alors que ce dernier traverse la place Saint-Pierre, debout à l'arrière de la Fiat. Lorsque la voiture passe devant lui, le jeune Turc brandit une arme de poing et fait feu, atteignant Jean-Paul II de trois balles.
Le pape polonais, alors âgé de 60 ans, survivra à ses blessures.
Mais sans surprise, c'en est fini des voitures décapotables. Le niveau de protection du souverain pontife lors de ses apparitions en public est singulièrement revu à la hausse, le blindage et la verrière à l'épreuve des balles font leur apparition.
Tout peut arriver, certes. Mais à mon âge, je n'ai plus grand chose à perdre
Pape François
Des précautions qui, elles, ne survivront pas à l'élection de Jorge Mario Bergoglio en 2013. Le pape François a peu de goût pour la papamobile sécurisée : "Je ne peux pas aller à la rencontre des gens et leur dire que je les aime alors que je suis enfermé dans une boîte à sardines, fût-elle en verre. Pour moi c’est comme un mur”, fera-t-il savoir après un voyage au Brésil, où il a dû circuler dans "un modèle fermé".
Très vite, si les véhicules restent blindés, il renoncera à la bulle de verre, ne conservant qu'un toit blindé. Il balaiera les craintes de la sécurité d'un très philosophe “tout peut arriver, certes, mais regardons les choses en face : à mon âge, je n’ai pas grand-chose à perdre”.
Si, lors des déplacements du pape dans les pays étrangers, la logistique empêche souvent d'emporter une papamobile du garage du Vatican, les constructeurs automobiles se disputent l'honneur de fournir une papamobile pour l'occasion, et d'en récolter les fruits en matière de prestige et de visibilité.
Ensuite, ces voitures ne viennent pas grossir l'écurie automobile vaticane, mais rejoignent des musées, ou sont vendues aux enchères, les bénéfices étant reversés à des œuvres de charité.
À Ajaccio, que moins de 300 kilomètres séparent des côtes italiennes, c'est une papamobile venue de Rome par conteneur qui traversera la ville.
Arborant fièrement ce SCV - 1 dont les Corses se souviendront longtemps...
L'info en plus :
Deux papamobiles valent mieux qu'une
Le grand public ignore généralement qu'il existe deux catégories de papamobile. Celle que tout le monde connaît, et dans laquelle le Saint-Père défile au milieu des fidèles, mais également une autre, plus "classique".
Elle est blanche, elle est blindée, sa plaque affiche SCV - 1, mais elle n'a ni plateforme ni verrière. Elle est utilisée pour les déplacements qui ne nécessitent pas une interaction avec la foule.
À Marseille, en 2023, le Pape François était installé dans une Mercedes à plateau, quand il descendait l'avenue du Prado qui le menait au Vélodrome, célébré par des dizaines de milliers de Marseillais. Mais pour circuler dans les rues de la ville, et se rendre d'un endroit à l'autre, c'est dans une Fiat 500 tout autant papale, mais plus discrète, qu'il avait pris place.
En Corse aussi, la Fiat 500 est du voyage. Mais les Ajacciens ont peu de chances de l'apercevoir.