Le gérant de Corse GSM, distributeur indépendant et unique revendeur SFR en Corse depuis 25 ans, tire la sonnette d'alarme. L'opérateur de téléphonie mobile l'a avisé de son intention de rompre leur partenariat. 80 emplois sont menacés.
Le torchon brûle entre SFR et Socodi (Corse GSM), jusqu'alors unique distributeur de la compagnie de téléphonie mobile en Corse. Après 25 ans de partenariat, l'opérateur a avisé mettre fin au contrat de distribution exclusif négocié entre les deux sociétés.
Une décision annoncée dans un courrier adressé au président de la société, Louis Antonini, le 17 janvier 2019. Dans cette lettre, on peut ainsi lire que SFR "ne souhaite pas poursuivre au-delà de son prochain terme, le 31 décembre 2019" son contrat de distribution de ses services de communication électronique avec Corse GSM. "Nous serions néanmoins disposés à proroger ce terme au 31 décembre 2020, date à laquelle le contrat ne sera pas renouvelé", est-il précisé.
Durées de contrats raccourcies
En cause dans cette rupture, à en croire Louis Antonini : la nouvelle stratégie commerciale mise en place par l'opérateur de téléphonie mobile depuis son rachat en 2014 par le groupe Altice Europe, dirigé par le milliardaire Patrick Drahi.
SFR n'a eu de cesse, depuis la reprise par monsieur Drahi, monsieur Weill et monsieur Peirera, de réduire nos rémunérations, de contraindre notre façon de travailler, de nous pousser à nous endetter
"SFR n'a eu de cesse, depuis la reprise par monsieur Drahi, monsieur Weill et monsieur Peirera [ndlr : Alain Weill et Armando Pereira sont respectivement le président directeur général d'SFR et directeur des opérations d'Altice], de réduire nos rémunérations, de contraindre notre façon de travailler, de nous pousser à nous endetter". Mais surtout, soupire le gérant de Corse GSM, "de réduire nos durées de contrats".
Ainsi, affirme-t-il, alors que les contrats étaient par le passé négociés entre les deux entités pour une durée moyenne de 5 ans, ils auraient depuis été réduits à 3 ans. Un délai jugé trop court par le distributeur, qui ne lui permettrait pas d'amortir ses investissements : à titre d'exemple, Corse GSM rappelle avoir recemment déboursé 450 000 euros pour l'ouverture d'une boutique dans le centre commercial Atrium à Ajaccio.
80 emplois menacés
Avec la rupture de partenariat entre SFR et Corse GSM, le devenir des emplois des près de 80 personnes qui travaillent dans les 13 magasins insulaires du distributeur reste à ce jour incertain. L'ensemble des magasins du distributeur sont restés fermés, ce lundi 24 février, et les salariés ont été invités à se rendre à une assemblée générale tenue à Biguglia, durant laquelle Louis Antonini les a avisé de la situation.
Mais pour l'entrepreneur, pas question d'abandonner la bataille : il explique avoir lancé quatre procédures judiciaires à l'encontre de l'opérateur, et cherche des solutions de reprise pour sa société. "Il faut que je gère mon entreprise, que je pérennise les emplois, et que je fasse face à mes engagements. On ne va pas laisser 25 ans [de collaboration] et 15 millions d'euros de chiffre d'affaires partir comme ça du jour au lendemain par le bon vouloir d'une ou de deux personnes."On ne va pas laisser 25 ans [de collaboration] et 15 millions d'euros de chiffre d'affaires partir comme ça du jour au lendemain par le bon vouloir d'une ou de deux personnes
Louis Antonini a également saisi la Collectivité de Corse, qui vient de signer une délégation de service public de 327 millions d'euros avec SFR pour le déploiement de la Fibre sur l'île. Un appel auquel Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, a répondu le 22 février.
Le Conseil exécutif demande une communication "publique" d'Altice
Dans une lettre adressée à Alain Weill, directeur général d'Altice France, le président de l'exécutif rappelle qu'il n'est "pas dans le rôle ni dans la vocation du Conseil exécutif de Corse de s'immiscer dans des relations contractuelles existant entre deux entreprises privées", mais que "la question sociale, et notamment la préservation et le développement de l'emploi local sont des enjeux prioritaires et essentiels de le cadre de la politique d'ensemble mise en oeuvre par le Conseil exécutif de Corse".
Gilles Simeoni enjoint donc Altice France à donner "publiquement toutes les garanties utiles à cet égard", d'autant plus que l'une des filliales de la société, rappelle-t-il, est "délagétaire de la DSP relative à la conception, à l'établissement et à l'exploitation du réseau Trés Haut Débit de Corse".
La question sociale, et notamment la préservation et le développement de l'emploi local sont des enjeux prioritaires et essentiels de la cadre de la politique d'ensemble mise en oeuvre par le le Conseil exécutif de Corse
"Il serait donc paradoxal et incompréhensible que les choix opérés par votre société dans le cadre de sa politique de développement dans l'île en sa qualité d'opérateur privé conduisent à des suppressions d'emploi ou à un désengagement" tranche-t-il.
Il encourage enfin SFR à lui communiquer publiquement avant ce lundi 24 février, date de l'assemblée générale tenue par Louis Antonini, "tous les éléments d'informations utiles [...] notamment concernant le devenir du partenariat avec Socodi (Corse GSM), le sort des salariés de cette société, et le niveau d'engagement prévu par Altice France en Corse dans les années à venir."
Pour aller plus loin : le courrier de Gilles Simeoni adressé à Alain Weill dans son intégralité
Pour SFR, pas question de quitter la Corse
Le directeur général d'Altice France a répondu à ce message. Dans un courrier daté du 23 février, il indique que "depuis de nombreuses années, la présence et le développement du groupe Altrice/SFR en Corse est une réalité dont nous sommes particulièrement fiers".
"Malgré une longue histoire, nous avons constaté depuis de nombreux mois que la qualité du partenariat avec notre distributeur SOCODI (Corse GSM) ne présentait plus les garanties pour accompagner SFR dans ses engagements et ses ambitions. Nous avons alors logiquement décidé il y a quelques mois d'informer SOCODI que nous ne renouvellerons pas nos contrats".
Malgré une longue histoire, nous avons constaté depuis de nombreux mois que la qualité du partenariat avec notre distributeur SOCODI (Corse GSM) ne présentait plus les garanties pour accompagner SFR dans ses engagements et ses ambitions.
Le PDG d'Altice précise quà la suite de la négociation d'un nouvel accord de partenariat en Corse, 5 nouveaux magasins SFR ouvriront sur les agglomérations de Bastia, Ajaccio et Porto-Vecchio. D'autres magasins "dans d'autres villes de l'île" seraient également à l'étude.
Si le devenir des employés des magasins Corse GSM n'est pas abordé, le courrier précise que le nouveau partenaire de la compagnie de téléphonie mobile "s'appuiera sur différents bassins d'emploi de l'île et procédera à de nombreux recrutements".
Pour aller plus loin : le courrier d'Alain Weill dans son intégralité
Un avis de grève a été déposé par les salariés de Corse GSM pour le vendredi 28 février, qui entendent ensuite se rassembler devant la préfecture de Bastia et alerter sur leur situation.