Les ados et leurs téléphones, un casse-tête pour les parents. Comment éviter que le smartphone ne devienne une source de conflit permanent ? Olivier Gérard, spécialiste en parentalité numérique, partage des conseils concrets pour naviguer dans cette zone minée.
Dans un monde hyperconnecté, les écrans dominent. Une étude Ipsos révèle que plus de 75 % des adultes et enfants admettent en abuser. Chez les ados, ce chiffre grimpe à 90 %.
"Mon jeune est devenu un zombie", ou "il a toujours son téléphone greffé à la main"... Ces phrases reviennent dans les conversations entre parents. Pas étonnant... 88 % des familles peinent à encadrer l’usage du smartphone qui est devenu la première difficulté éducative, devant les questions scolaires ou alimentaires.
Olivier Gérard propose cinq règles essentielles pour alléger la charge des parents.
1. Fixer des règles dès le premier téléphone : “Le moment où on cède est crucial”
Le premier smartphone arrive tôt : en moyenne à 10,3 ans, souvent dès la fin de l’école primaire. "C’est un moment clé, car beaucoup de choses se jouent là. Une fois qu’on a lâché sans cadre, revenir en arrière devient très compliqué", prévient Olivier Gérard.
Pour prévenir les usages excessifs ou inappropriés, mieux vaut établir des règles claires dès le départ. Pourquoi céder si tôt ? Souvent pour des raisons de sécurité, comme permettre à l’enfant de prévenir en cas de besoin. Mais le téléphone est-il vraiment indispensable, est-ce la seule solution ? Une réflexion s’impose.
Pas de smartphone avant le lycée, des parents d'élèves tentent de convaincre
L’expert déconseille aussi les téléphones dits "dumbphones", modèles simplifiés comme les téléphones à clapet. "Ces appareils sont souvent un premier pas. Une fois donné, on passe vite au smartphone", affirme-t-il. Et avant 16 ans, ajoute-t-il, un téléphone est rarement nécessaire pour un adolescent.
@booshraoff À quel âge as-tu eu ton premier téléphone ?📱😂 #booshramamad #tutombebienchoubidou ♬ son original - Booshra 🦋
2. Comprendre ce que fait l’ado avec son téléphone : “Parfois, le portable n’est pas le problème”
Avant de pointer du doigt l’écran, Olivier Gérard invite les parents à comprendre les usages de leur ado. "Parfois, le portable n’est pas le problème." Jouer, discuter sur Discord ou WhatsApp, se détendre sur YouTube… Ces activités répondent à des besoins légitimes, comme socialiser ou exprimer ses émotions.
"C’est l’âge où les amis comptent plus que la famille", rappelle-t-il. Les études montrent également que les ados ont un “vécu numérique”. Un tiers ressent les effets négatifs du scrolling, et près de la moitié des ados admet des troubles du sommeil liés à l’utilisation de leur téléphone.
Pour déceler un usage problématique, posez des questions ouvertes : "Montre-moi ce que tu regardes", ou "Quelle est ton appli préférée ?" Le but : comprendre les attentes et motivations de votre ado, tout en gardant à l’esprit que “la flemme des ados” est parfois inévitable.
3. Négocier les règles d’usage : “Les décisions se prennent ensemble”
Pour poser des limites efficaces, impliquez votre ado dans les décisions. "On discute avec eux, on explique la logique éducative. Par exemple : pas de notifications la nuit pour garantir un bon sommeil."
En cas de crise, mieux vaut éviter les décisions abruptes. "En crise, on gère la crise ; les discussions se font avant", insiste Olivier Gérard. Il conseille de connaître les habitudes numériques de son ado pour éviter les blocages dans le dialogue.
Un compromis peut s’avérer précieux : "Une heure d’écran pour une heure en extérieur, par exemple." Et pour limiter l’usage nocturne, un simple radio-réveil peut remplacer le téléphone comme alarme du matin.
4. Donner l’exemple : “Les parents aussi doivent se poser des questions”
Les enfants observent tout, surtout les mauvaises habitudes. "Un ado vous dira vite : 'Toi aussi, tu passes ta vie sur ton portable !' ", plaisante Olivier Gérard. Les parents doivent montrer l’exemple : réduire leur propre temps d’écran et instaurer des moments sans téléphone en famille.
Des outils existent pour mieux s’auto-réguler. Les applications de suivi du temps passé sur les écrans peuvent être révélatrices. Ces données permettent de fixer des limites collectives, pour les parents comme pour les enfants.
5. S’appuyer sur des réseaux de soutien et partager l’expérience
Quand la situation devient difficile, il est bon de chercher du soutien. Olivier Gérard dirige des groupes de parole, des ateliers et des projets comme "Mon enfant et les écrans", une initiative de l’Unaf dont l'expert coordonne le département média. Des tables rondes, des rencontres sont organisées comme à Rennes à la fin du mois de novembre par l'UDAF 35.
Et des ressources en ligne pour aider les parents à mieux comprendre les enjeux et à élaborer des stratégies adaptées existent. Le site associé propose plus de 150 contenus pédagogiques : piratages, réseaux sociaux, intelligence artificielle… Tout y est décortiqué. Mais le spécialiste insiste : "Retrouver un équilibre demande patience et bienveillance. Il n'y a jamais de solution simple à un problème complexe".
Même si les ados ne le montrent pas toujours, ils sont souvent en demande de dialogue. Savoir capter le bon moment pour discuter est une clé essentielle pour désamorcer les tensions et avancer ensemble.