Trois mois après l'annulation de la cartographie des Espaces Stratégiques Agricoles, l'un des éléments clé du Padduc, le Conseil exécutif propose une nouvelle enquête publique pour déterminer les terrains à fort potentiel agricole. Des consultations vont avoir lieu.
En mars dernier, l'exécutif de la collectivité a entériné la décision du tribunal administratif qui venait d'annuler la carte des espaces stratégiques agricoles. Pour lui, il fallait remettre en place cet outil d'aménagement et avait annoncé dans la foulée qu’une nouvelle enquête publique serait décidée.
C'est chose faite. L'exécutif propose même de relancer une concertation avec les communes et une remise à jour des données cartographiques. « On a une base […] de 2016 rapportée à la situation de 2012. Donc on aura un plan général qui sera au plus près de la réalité. Pourquoi on ne le voudrait pas ? Je pense que nous le reprocher, c’est quand même particulier », estime Jean Biancucci, conseiller exécutif et président de l'Agence de l'urbanisme.
De la critique dans l’air
Mais il y a de la critique dans l'air. Car cette méthode renvoie la nouvelle carte à juillet 2019. Pour l'association écologiste U Levante, la concertation a déjà eu lieu il faut aller plus vite. « Il faut combler le vide juridique causé par cette annulation et qui incite un certain nombre de maires à délivrer des permis de construire dans des espaces dont ils savent qu’à très brève échéance, d’ici six mois ou un an, ils seront à nouveau protégé », a indiqué maître Martin Tomasi, avocat de l’association « U Levante » le 26 juin dernier.
Et ce sans compter les effets d’opportunité, comme par exemple à Grosseto. Un des derniers programmes de construction comptant 154 logements a été arrêté en janvier 2017, juste avant la fin d’occupation des sols.
« Le permis était possible »
À ce moment-là, la carte des espaces stratégiques agricoles du Padduc ( Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse ) est déjà adoptée, mais elle n’est pas encore obligatoire. Ainsi, elle couvre, mais n’empêche pas le prochain chantier. La commune critique la localisation de ces zones inconstructibles. « Dès le départ, on a dit que ces espaces stratégiques agricoles n’étaient pas pertinents sur de nombreux endroits. Ça fait partie d’un endroit qui n’était pas pertinent à notre sens. […] Le permis était possible », note Valérie Bozzi, présidente du groupe « La Corse dans la République - A Corsica indè a Republica ».
Certes, mais comme Grosseto, toutes les communes, sauf Peri, qui ont fait des recours sur cette question ont perdu devant le tribunal administratif. Elles accueillent d’ailleurs très favorablement la nouvelle concertation envisagée par l’exécutif.
Et les services de l’Etat ?
Quant aux services de l'État, ils instruisent les dossiers de permis de construire pour les communes qui n’ont pas ou plus de documents d’urbanisme. La carte des espaces stratégiques agricoles du Padduc pouvait leur servir de base. Pour pallier son absence, un outil numérique a été mis au point capable de reprendre tous les critères des ESA commune par commune. « Il est sûr que techniquement, si on dispose d'une cartographie, c'est quand même plus confortable et plus précis pour traiter les permis de construire. On essaye de limiter les incertitudes en ce qui concerne les services de l'État en mettant en place des outils techniques qui ne garantissent pas à 100 % le résultat, mais qui nous permettent au moins d'assurer une majorité de décisions conformes au Padduc », déclare Patrick Alimi de la direction départementale des territoires et de la mer de Corse-du-Sud.
Mais les services de l’état sont critiqués pour avoir laissé passer des permis sinon sur des ESA – non encore obligatoires avant novembre 2018- au moins en zonage agricole, comme le dernier programme de logements à Porticco. L’association U Levante a largement dénoncé le fonctionnement de la Commission (La CTPNAF, Commission territoriale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers) qui surveille et gère la consommation des espaces. D’après ses militants, cette commission « ne se réunit jamais pour les communes littorales », là donc où les demandes sont les plus fortes. Sur ce point, la préfecture n'a pas donné de réponse.
Ce qui est sûr, c’est que le rythme d’autorisations des logements est plutôt à la hausse. On frise les 5 400 logements par an ces deux dernières années contre une moyenne annuelle de 4 000 logement entre 2000 et 2010. Quant au prix moyen du mètre carré, il est passé de 3 500 euros à 3 900 dans le collectif, entre fin 2016 et fin 2017 selon les chiffres du Cerec ( Cellule Economique Régionale Corse).
Le Padduc devait avoir un effet « régulateur et stabilisateur » explique Patrick Alimi. C’est sans doute trop tôt pour l’analyser. D’autant que le cadre juridique n’est donc pas encore tout à fait fixé, moment propice on l’a vu aux stratégies d’aubaines en pleine prolongation.