La Corsica Linea doit « cesser immédiatement toute activité de transport de fret entre les ports de Marseille et ceux de Bastia et Ajaccio ». C’est en résumé la décision du tribunal de commerce de Marseille rendu ce mardi 1er Mars.
Ce jugement intervient après deux recours introduits par le CE (Comité d’Entreprise) de la MCM (ex SNCM) et par les AJ (Administrateurs Judiciaires) qui gèrent le dossier de la vente de la SNCM. Le tribunal s’appuie sur une clause de non concurrence signée entre les différents candidats à la reprise de la SNCM, en 2015.
La Corsica Linea, filiale de la Corsica Maritima avait ouvert une ligne de fret entre Marseille et Bastia le 5 Janvier. La compagnie avait annoncé son intention d’ouvrir une autre ligne entre Marseille et Ajaccio.
L’ouverture de la ligne Marseille-Bastia avait, entre autre participé à un processus de rapprochement entre la MCM -désignée par le tribunal, en Novembre, comme repreneur de la SNCM- et le consortium d’entreprises corses Corsica Maritima, dont la candidature avait été rejetée par le tribunal de commerce de Marseille.
Ce rapprochement est-il remis en cause par la décision judiciaire de ce 1er Mars ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer. Pour l’instant la tendance demeure à un rapprochement entre les deux adversaires d’hier.
Un jugement sévère…
A la lecture du jugement que l’on peut lire ici, la Corsica Linea filiale de la Corsica Maritima doit arrêter immédiatement ses rotations.
Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 1er mars
Le navire de la compagnie, le Corsica Linea Dui, est ce 1er Mars à quai au port de Bastia, en attente d’un éventuel chargement.
Si le navire venait à effectuer une rotation avec du fret, il serait susceptible de payer 150 000 euros d’amende. Comment en est-on arrivé là ?
Lors du lancement de l’appel d’offres à candidature, pour la reprise de la SNCM, plusieurs candidats à la reprise de la compagnie ont signé un accord de confidentialité assorti d’une clause de non-concurrence. On peut lire ici cet accord de confidentialité.
A l’article 8 de ce document que l’ on peut lire ici, les signataires s’engagent « pour six mois », à partir de la décision du tribunal qui désigne un repreneur. Ce dernier est qualifié « d’administré » et les candidats rejetés s’engagent « à ne pas solliciter ou offrir des services, directement ou indirectement, pour votre propre compte ou pour le compte de toute entité que vous contrôlez (…) aux clients de notre administrés ».
En réalité, au moins un des candidats rejeté (Corsica Maritima, via Corsica Linea) va récupérer une partie de la clientèle de l’ex SNCM en ouvrant une ligne concurrente le 5 Janvier. De fait, le trafic réalisé par la Corsica Linea est pris sur celui réalisé par la MCM et aussi par La Méridionale.
… et tardif
Une question se pose, pourquoi les différents protagonistes informés n’ont-ils rien dit avant l’ouverture de la ligne ?
Corsica Linea savait, on peut comprendre son silence.
MCM savait, mais n’a pas déposé de recours avant le début des rotations.
Le tribunal savait et n’a rien dit.
Ce que certains appellent « une conjuration du silence » laisse pantois.
Si l’information avait été rendue publique avant le 5 Janvier, la ligne n’aurait peut-être pas pu ouvrir.
Contacté par France 3 Corse l'avocat de Corsica Maritima, Me Maurice Lantourne précise
Justement, c'est le principe et le niveau de ce raprochement qui est désormais posé."qu'il entend faire appel de cette décision devant la cour d'appel d'Aix en Provence dès ce mercredi". Motif: "il y a une contradiction entre cette affaire et le raprochement en cours entre MCM et Corsica Maritima".
A l’énoncé du jugement, le syndicat CGC (Confédération Générale des Cadres) de la MCM, Pierre Maupoint de Vandeuil a le triomphe pondéré, il constate « que la décision arrive bien tard » et que l’ouverture de la ligne concurrente a « fait partie des actes que nous considérons comme l’organisation d’une faillite de la nouvelle compagnie ». (la MCM, NDLR)
Une chose est sure. Le 20 Novembre, le tribunal désignait le groupe Rocca Transports (MCM) en qualité de repreneur de la compagnie SNCM.
Deux mois après, cette reprise est remise en question et débouche sur un projet de fusion entre MCM et Corsica Maritima. Le 25 Février dernier, le PDG de MCM Patrick Rocca devenait un des 15 plus gros actionnaires de Corsica Maritima. Ce rapprochement dont on peut lire les termes ici, est présenté comme une étape vers une absorption de la société dirigée par P. Rocca par le consortium dirigé par François Padrona.
Le jugement du 1er Mars remet-il ce rapprochement en cause ? Pour l’instant nous n’avons aucun élément pour répondre à cette question.
Un frein à l’absorption ?
Pour le Secrétaire du CE de la MCM
« le jugement est une avancée considérable vers la prochaine étape qui est une ouverture du capital de la compagnie n’excédant pas 49% ».
Pour Jean François Simmarano, c’est une façon de dire que l’absorption souhaitée par Corsica Maritima -qui veut reprendre 100% de MCM- n’est pas possible. C’est ce que disaient les attendus d’un autre jugement du tribunal de commerce le 25 Février. Dans les attendus de ce jugement du 25 Février que l’on peut lire ici, il est également stipulé que le siège de la compagnie doit rester à Marseille. Les deux candidats (MCM et Corsica Maritima s’y étaient engagé devant le tribunal).
De plus, le procureur de la République de Marseille estime que
« voir revenir un candidat repreneur évincé lui parait compliqué, c’est une question de crédibilité du tribunal ».
En quoi le jugement du tribunal de commerce, de ce 1er Mars, va-t-il influer sur l’évolution du dossier ? Nous devrions le savoir rapidement.
Le reportage de Maïa Graziani et Christian Giugliano: