Plusieurs rendez-vous au programme de la MCM (ex SNCM): devant le tribunal de commerce de Marseille contre la ligne de Corsica Linea, un Comité d'Entreprise sur la "fusion" MCM-Corsica Maritima et une session de l'assemblée de corse sur la "Compagnie régionale".
Le mardi 16 Février le tribunal de commerce de Marseille étudie une assignation de la compagnie maritime Corsica Linea à la demande des Administrateurs Judiciaires (AJ) de l’ex-SNCM devenue MCM. La Corsica Maritima est le fruit d’une association entre deux candidats à la reprise de la SNCM rejetés par le tribunal de Marseille en Novembre dernier : la Corsica Maritima et Daniel Berrebi.
Après publication par le journal Le Marin, le 4 février dernier, d’un document montrant que les candidats à la reprise de la SNCM, en 2015, avaient signé une clause interdisant aux « vaincus » de l’appel d’offres de reprise, de faire concurrence durant six mois au repreneur de la SNCM.
Les syndicats de la MCM estiment que la ligne Marseille-Bastia effectuée par la Corsica Linea n’aurait pas du ouvrir. Les AJ ont introduit un référé « d’heure en heure ». En d’autres termes, beaucoup de monde voudrait que la ligne soit déclarée illégale par le tribunal. Cependant les connaisseurs du dossier s’accordent à dire que l’arrêt éventuel de cette ligne n’aurait que peu d’importance. En effet l’objectif recherché par ses initiateurs est atteint. On notera le projet de « fusion » entre MCM et la Corsica Maritima, qui sera analysé le 17 Février par le Comité d’Entreprise (CE) de la MCM.
Ce projet inquiète fortement l’intersyndicale de l’entreprise, à l’exception du STC (Syndicat des Travailleurs Corses). En revanche le syndicat nationaliste semble se satisfaire de cette « fusion », il estime que les responsables de Corsica Maritima ont apporté des garanties.
La mise en route de cette concurrence a selon les observateurs, participé aux difficultés que rencontre la MCM. Même si d’autres facteurs interviennent, notamment la double annonce faite par la Collectivité Territoriale de Corse (CTC) :
- La volonté de création d’une « compagnie régionale » et l’abaissement du montant des subventions du futur service public de DSP (Délégation de Service Public).
- Une session de l’assemblée de Corse, consacrée au dossier maritime est prévu pour la fin du mois de Février. D’ici là, on devrait en savoir un peu plus sur les contours et la faisabilité d’une « compagnie régionale ».
Le 5 Janvier 2016, le cargo Stena Carrier de la Corsica Linea débute ses rotations de « pur fret » entre Marseille et la Corse. C’est ce même jour que le groupe Rocca Transports devient, théoriquement patron de la MCM.
L’intersyndicale déclenche une grève et des employés de la MCM vont bloquer le navire au large de Marseille durant quatre jours. Les syndicats estimaient que la ligne était illégale pour plusieurs raisons : nationalité des marins, non respect des délais de demande de navigation… La Justice menace les « bloqueurs » d’une forte amende et les autorités déclarent que la ligne respecte les règlements.
Ce que les syndicats ignoraient c’est l’existence d’une clause confidentielle qui demandait aux candidats malheureux à la reprise de la SNCM de s’abstenir de toute concurrence pour un délai de « six mois ». L’information est publiée par le journal spécialisé Le Marin, le 4 Février, un mois après l’ouverture de la ligne.
France 3 Corse a pu se procurer le document qui précise que les candidats rejetés par le tribunal n’auraient pas du
… solliciter ou offrir des services pour votre compte aux clients de notre " administré " (le repreneur de la SNCM NDLR). La clause engage les signataires « pour six mois ».
Les syndicats sont ulcérés, ils estiment qu’ils auraient eu une autre attitude s’ils avaient disposé de cette information avant le début des rotations. Pour plus d’un observateur le fait d’avoir caché cette clause de « non-concurrence » a encouragé les syndicats à la grève et au blocage, alors qu’ils auraient pu déposer un référé pour tenter de faire stopper la ligne.
« Illicite » ou « illégale » ?
Les débats devant le tribunal de commerce pourraient tourner autour de l’interprétation du viol de la clause de confidentialité. La Corsica Linea avait-elle le droit, ou non, d’ouvrir une ligne ?
Ceux qui répondent oui estiment que cette ligne est, au pire, « illicite ». Personne ne pourra nier le non respect du pacte de non-concurrence. En revanche si seul l’aspect « illicite » est retenu, certains pensent que ce serait pour solde de tout compte.
Mais si la ligne est déclarée « illégale » cela veut dire qu’il y aura une demande de dommages et intérêts pour les préjudices causés.
De fait, le Stena Carrier a « détourné » une partie de la clientèle fret qui était habituellement transportée par la SNCM et La Méridionale. Le remplaçant du Stena Carrier, le Corsica Linea dui, a débuté ses rotations le 12 Février.
En principe, le tribunal a le droit de déclarer cette ligne « illégale » du moins s’il on se réfère à l’article 13 du document qui stipule que « le présent accord est soumis au droit français » et que « tout différend (…) sera de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Marseille ». Audience le mardi 16 Février. On peut lire ici le document de clause de non-concurrence:
Document "Clause de non-concurrence"
Une audience tardiveQuelque soit les conclusions du tribunal de commerce, l’objectif des initiateurs de la ligne est atteint.
Un constat s’impose, Patrick Rocca n’a pu devenir propriétaire de la MCM. Le jugement du tribunal de commerce du 20 Novembre le désignait comme le repreneur de la SNCM, mais la banque ne l’a pas soutenu.
Désormais le projet en cours est une « fusion » entre la MCM et Corsica Maritima. Le CE de MCM va étudier le projet le 17 Février. Mais déjà l’intersyndicale parle non pas d’une « fusion », mais d’une « OPA » de Corsica Maritima sur MCM.
Concrètement, le PDG de la compagnie pourrait annoncer que Corsica Maritima devient l’actionnaire principal de l’entreprise. On ne serait plus dans la quasi parité annoncée il y a quelques semaines. Patric Rocca deviendrait un actionnaire parmi d’autres. L’intersyndicale craint un bouleversement total et la mise en route rapide d’un nouveau plan social.
Un autre point sera étudié par le tribunal, ce jeudi 18. Il s’agit d’une assignation par les AJ de Patrick Rocca qui n’a toujours pas repris la compagnie. Les navires de cette dernière sont toujours loués au liquidateur judiciaire.
Objectif : « compagnie régionale »
Le projet de « fusion » semblait inquiéter aussi le STC. Mais après un blocage de 24 heures, le syndicat nationaliste semble avoir reçu des assurances. Le STC se dit rassuré par la promesse de création d’une « compagnie régionale » considérée comme le moyen de préserver les emplois. Un courrier du responsable de Corsica Maritima confirme que le « consortium » veut « aboutir à la création d’une compagnie corse ».
Du côté de l'intersyndicale, on insiste pour rappeler qu'une "comagnie régionale" n'aura pas le droit de gérer les lignes du Maghreb. Le risque d'une liquidation, au mopins partielle, demeurre.
Ce point stratégique, voulu par la majorité nationaliste à la CTC sera étudié lors d’une session de l’assemblée de Corse le 25 Février.
En attendant les débats politiques, le CE du 17 Février risque d’être houleux. Patrick Rocca devrait annoncer le contenu précis de la « fusion ». Tout n’est pas connu, mais l’on sait déjà que Rocca Transports ne sera plus qu’un actionnaire parmi d’autres.
L’accord entre les deux ex ennemis semble finalisé. Il devra passer la barre du contrôle de légalité par le tribunal de Marseille qui devra dire si cette « fusion » ne vient pas contredire le jugement du 20 Novembre de ce même tribunal.
Si la « fusion » est acceptée, il restera à donner une forme juridique solide à la future « compagnie régionale ». C’est là que les choses risquent de se corser.