Le vaccin contre la Covid19 n'est pas encore disponible. Mais selon une récente étude Ipsos, pour près d'un Français sur deux, il n'est pas question de se faire vacciner. Une fronde anti-vaccin qui a pris ses racines en Corse, au désarroi des personnels soignants.
 

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Pour Hervé*, il n'y a pas de débat : le futur vaccin contre la Covid-19, "hors de question qu'on vienne [lui] injecter".

Chauffeur de taxi dans la région bastiaise et père de famille, il en est convaincu, "accepter de se faire piquer, c'est augmenter les risques de développer des formes plus graves d'autres maladies". Hervé* n'est pas seul à soutenir ce point de vue. En Corse comme partout en France, une fronde anti-vaccin contre la Covid-19 s'organise.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, 48 vaccins sont à ce jour en phase d'essais cliniques.

Parmi les laboratoires en tête de course, deux sont américains : le géant pharmaceutique Pfizer et son partenaire allemand BioNTech, dont la formule serait "efficace à 90%"; et le laboratoire Moderna, qui devrait communiquer ses résultats intermédiaires dans les prochains jours.

La France, pays le plus hostile à un vaccin contre la Covid

Des vaccins qui pourraient être commercialisés dès le printemps prochain. Et, qui devraient, espèrent les médecins, "changer la donne", alors que la pandémie de Covid-19 continue de se propager dans le monde, avec plus d'1,3 million de morts à déplorer.

Seulement voilà : à en croire un sondage Ipsos du 5 novembre, seul 54% des Français serait enclins à se faire vacciner. C'est le taux le plus bas relevé sur l'ensemble des 15 pays étudiés : en Inde, 87% des habitants envisagent ainsi de se faire vacciner. Ils sont 76% au Canada, et 64% aux Etats-Unis.
Plus encore, ce total de Français prêts à se faire vacciner est en recul : en août de cette même année, ils étaient 59% enclins à être vaccinés.

Une baisse également ressentie dans d'autres pays (85% en Chine en novembre contre 97% en août ; 64% des Espagnols en novembre contre 72% en août) et qui inquiète au sein du corps médical.

Assurer une immunité de groupe

"Il faut se faire vacciner. C'est pour nous une évidence", insiste ainsi le docteur André de Caffarelli, directeur médical de crise de l'hôpital de Bastia. "Ceux qui militent contre la vaccination participent indirectement à la propagation du virus", renchérit-il.

"Au-delà d'une protection personnelle, c'est presque un geste citoyen", renchérit Pauline, interne affectée sur le continent. Vacciner une majeure partie de la population assurerait ainsi "une immunité de groupe".

Cette notion médicale représente le moment à partir duquel un pourcentage suffisant d'individus dans une population est immunisé contre une maladie. Les personnes vaccinées agissent ainsi comme une "barrière" face à la maladie, empêchant sa transmission.

Le seuil est variable selon la contagiosité des pathologies : on l'estime autour de 50% pour la grippe, contre 90 à 95% pour la rougeole. Pour la Covid-19, il serait autour de 70%.

Ceux qui militent contre la vaccination participent indirectement à la propagation du virus.

André de Caffarelli, directeur de crise de l'hôpital de Bastia

"Il faut prendre en compte le fait que tout le monde ne peut pas se faire vacciner : par-là, on entend les personnes qui ont des contre-indications avérées, comme un déficit immunitaire [résultant d'un traitement immunosuppresseur par exemple, ndlr], certaines maladies chroniques, ou encore une allergie connue à l'un des composants du vaccin."

La vaccination n'est également pas indiquée lorsqu'une personne présente des symptômes fiévreux. "Ceci mis à part, et sauf cas particuliers, il n'y a pas de raison de ne pas se faire vacciner" assène l'interne en médecine.

Des explications mensongères, selon Hervé, chauffeur de taxi dans la région bastiaise. "Je suis diabétique. Les vaccins, quels qu'ils soient, je ne les fais pas. Je ne veux pas risquer de me flinguer la santé."

D'autant plus, assure-t-il, que des amis à lui qui se ont été vaccinés pour la grippe l'an passé "ont été aussitôt très malades, avec forte fièvre et compagnie. Et c'est ça qu'on appelle une protection ?"

Les possibles effets secondaires en question

"Il s'agit d'effets secondaires", tempère Laura, infirmière à Ajaccio. Un vaccin, indique-t-elle, vise à stimuler le système immunitaire en lui apprenant à reconnaître un virus, pour qu'une fois confronté à ce dernier, il puisse le détruire.

"Classiquement, on retrouve surtout des vaccins qui injecte une petite particule du virus cible, comme ici la Covid, en version atténuée voire inactive".

Si un risque d'effets secondaires graves est relevé, le vaccin ne passe pas le cap des essais cliniques et n'arrive pas au grand public.

Laura, infirmière à Ajaccio

D'autres technologies vaccinales existent cependant : parmi celles-ci, le vaccin à vecteur viral, le vaccin à protéines virales ou encore le vaccin à ARN. C'est sur cette dernière piste que travaillent actuellement les laboratoires Pfizer et Moderna.

"Dans tous les cas, le patient peut ressentir après vaccination des effets secondaires, qui sont relativement bénins et passagers. Les réglementations des vaccins sont de nos jours très surveillées. Si un risque d'effets secondaires graves est relevé, le vaccin ne passe pas le cap des essais cliniques et n'arrive pas au grand public."

 

Une fronde anti-vaccin de plus en plus nombreuse

Pour certains, leur hostilité à l'encontre d'un éventuel vaccin contre la Covid-19 n'est pas d'origine médicale. C'est le cas de Jérémy, habitant de Corse-du-Sud.

Informaticien et âgé d'une quarantaine d'années, celui-ci a refusé de nous communiquer plus d'informations sur sa personne, de peur que ces indications "ne soient remontées au gouvernement".

Jérémy en est convaincu : le futur vaccin contre la Covid-19 ne serait qu'une vaste entourloupe visant à "soumettre" les populations. "Cette maladie, elle n'existe tout simplement pas. C'est une invention, c'est tout. Le confinement, on l'a mis en place pour que les gens n'y voient que du feu."

Le vaccin, assure-t-il, serait en réalité un "concentré élevé" d'une maladie mortelle créée en laboratoire. Objectif : "réaliser un véritable génocide dans la population mondiale. Comme on n'a plus assez de nourriture pour tout le monde, on préfère tuer chez les plus pauvres plutôt que taxer chez les plus riches".

Cette maladie, elle n'existe tout simplement pas. C'est une invention, c'est tout.

Jérémy, anti-vaccin

Un discours apocalyptique qui a fait des adeptes : sur les réseaux sociaux, ils sont des milliers à relayer peu ou prou les mêmes propos, généralement de façon anonyme, et notamment depuis la sortie du documentaire complotiste "Hold-Up", le 11 novembre.

Des groupes de discussion secrets ont également été créés, assure Jérémy. "On reçoit de plus en plus de demandes pour y entrer, des gens qui ont enfin pris conscience des nombreux mensonges d'Etat."
Enfin, des réunions de groupe en personne sont régulièrement tenues, lance le quarantenaire. Et ce, malgré le reconfinement généralisé en place depuis le 30 octobre.

"Ces gens-là, il n'y a plus rien à faire pour les convaincre, regrette Laura, infirmière ajaccienne. Le problème c'est qu'ils font payer leur refus aux autres plus fragiles, comme les personnes âgées ou immuno-compromises."

L'infirmière espère désormais que dans les prochains mois, en l'attente d'un vaccin effectif, "le vent tournera dans le bon sens". Reste à parier que le débat autour de la vaccination, contre la Covid-19 comme contre toute autre pathologie, n'est pas prêt de se clôturer.

*le prénom a été modifié
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