Il se présentait comme un scribouillard vulgarisateur, mais il était l'un des spécialistes en France du monde arabe et musulman. Antoine Sfeir, journaliste et politologue franco-libanais, est décédé cette nuit à l'âge de 70 ans. Il séjournait régulièrement en Corse. Retour sur son parcours.
C'était en janvier 2018, la dernière visite dans une émission de France 3 Corse, d'Antoine Sfeir. Malade depuis quelques années, il ne se détourne pas de la question.
« J’ai un cancer, ce n'est pas grave. À partir du moment où cette maladie vous tombe dessus, ça vous rapproche peut-être de la mort. Mais on a osé la vie, osons la mort », lançait-il alors.
Le spécialiste du Moyen-Orient et du Maghreb, décédé dans la nuit du dimanche 30 septembre au lundi 1er octobre, avait découvert la Corse en 1983, sept ans juste après avoir quitté son Liban natal.
« La société corse a pris l’habitude d’avoir des morts »
Des résonances intimes entre ces lieux, des liens amicaux et familiaux profonds, le ramèneront régulièrement dans l'île, dont il était un observateur attentif. En 2009, nouvelle année de règlements de comptes à Ajaccio, il analysait la situation. « La société corse a pris l’habitude d’avoir des morts, c’est-à-dire d’ôter une vie. C’est inadmissible, car cette île n’est pas en guerre, même si intellectuellement certains pensent l’être. […] Et, en même temps, chaque vie est importante », soulignait-il.
Présent autant sur le terrain que sur les plateaux de télé, Antoine Sfeir portait loin le désir généreux d'échange intellectuel et de transmission. Pour cet inquiet des fermetures du monde, la Méditerranée, malgré ses conflits, recelait une profonde mémoire du vouloir vivre ensemble.