Le parti qui a longtemps été la vitrine politique de l'IRA arrive au pouvoir au palais de Stormont, pour la première fois de son histoire. Une victoire qui pourrait chambouler les équilibres, et remettre sur la table la question de la réunification des deux Irlande.
La victoire du Sinn Féin, le parti nationaliste, ne fait plus aucun doute, au terme d'un processus de dépouillement long et complexe.
A 1 heure du matin, heure irlandaise, ce dimanche, les résultats finaux ont été dévoilés. Le Sinn Féin obtient 27 des 90 sièges à l'Assemblée nord-irlandaise. Son principal adversaire, le DUP, ou parti unioniste, 25 sièges.
La veille, avant même la validation du scrutin, Mary-Lou McDonald, la présidente du Sinn Féin, déclarait à la presse : "nous entrons dans une nouvelle ère".
Séisme politique
Une phrase qui n'est pas juste liée à l'euphorie de la victoire. Depuis 1921, c'étaient les Unionistes, protestants et proches de la Couronne, qui étaient au pouvoir. Pour la première fois le Sinn Féin, catholique et partisan d'une réunification des deux Irlande, va prendre la tête de Stormont, l'Assemblée nord-irlandaise.
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— Ógra Shinn Féin (@Ogra_SF) May 6, 2022
Michelle O’Neill has been elected for Sinn Féin i Lár Uladh pic.twitter.com/QRHQjqMxrU
"J'offrirai un leadership inclusif, qui célèbre la diversité, qui garantit les droits et l'égalité pour ceux qui ont été exclus, discriminés ou ignorés dans le passé ", a déclaré la dirigeante nord-irlandaise du parti, Michelle O'Neill, 45 ans. Elle devrait en effet être désignée comme cheffe de l'exécutif de la nation. Elle a auparavant été ministre de l'Agriculture, et de la Santé.
IRA
La victoire du Sinn Féin inquiète nombre d'Irlandais, qui voient d'un œil sombre l'arrivée au pouvoir de l'ancienne vitrine politique de l’IRA (Armée républicaine irlandaise), même si les revendications de réunification n'étaient pas vraiment au centre de la campagne qui vient de s'achever. L'accent avait été mis sur les enjeux sociaux et sociétaux.
La tâche du Sinn Féin s'annonce compliquée. La constitution d'un gouvernement risque fort de donner lieu à de multiples négociations, et certains ne cachent pas qu'elles puissent déboucher sur une paralysie politique, durant des semaines, "voire des mois", selon Edwin Poots, un baron du DUP.
En effet, il faudra parvenir à s'entendre avec le parti unioniste. Depuis l'accord de paix de 1998, unionistes et nationalistes doivent gouverner ensemble. Jeffrey Donaldson, le leader du DUP, devrait ainsi être l'adjoint de Michelle O'Neill.
Mais il a déjà fait savoir que le gouvernement, en Irlande du Nord, devra être "construit sur des fondations stables". Comprenez, pas à n'importe quelles conditions.
Réunification
De prime abord, ce sont les questions économiques qui semblent poser problème, dans le droit fil de la campagne qui s'est achevée ce week-end. Les unionistes ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne rejoindraient pas le gouvernement tant que resteront en vigueur les contrôles douaniers depuis la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE. Un protocole qui, selon eux, est une véritable menace pour l'intégrité du Royaume-Uni.
Depuis plusieurs années, la classe politique nord-irlandaise vit au rythme des soubresauts économiques et sociaux post-Brexit, il n'est pas étonnant que ces questions soient au centre des négociations.
Plane néanmoins une toute autre question, au-dessus du palais de Stormont, depuis quelques jours. Celle d'une réunification possible des deux Irlande, avec le Sinn Féin au pouvoir. Une hypothèse qui, selon les observateurs, signifierait la redéfinition même du Royaume-Uni.