Fin de vie : "C'est notre corps, notre choix", à Bastia, une conférence-débat sur le droit à mourir dans la dignité

À l’approche des élections législatives, l'association pour le droit à mourir dans la dignité organisait une réunion d'information, ce samedi 28 mai à Bastia. Un rendez-vous visant à faire le point sur la législation actuelle, et étudier de possibles évolutions sur la question.

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Une occasion de faire le point sur la loi en vigueur et débattre de possibles avancées. L'ADMD, l'association pour le droit à mourir dans la dignité, a tenu hier, samedi 28 mai, une réunion d'information annuelle à l'hôtel Best Western de Bastia. Un rendez-vous particulièrement attendu par les adhérents qui se sont déplacés après trois années blanches, faute à la pandémie de Covid-19.

"On n'est pas très nombreux" - une petite quinzaine -, entame Robert Cohen, délégué régional de l'association. "C'est dommage, mais c'est comme ça." L'ADMD, rappelle-t-il, c'est plus de 75.700 adhérents en France, 130 délégations régionales, et 300 membres en Corse, "même si on a parfois du mal à trouver des volontaires pour distribuer des tracts sur les marchés", plaisante-t-il.

Euthanasie active, passive, ou suicide assisté

Créée en 1980, l'association se bat pour "permettre à chacun de choisir les conditions de sa propre fin de vie", et veut au-delà être "une vitrine des Français favorables" à une évolution de la législation en vigueur. Promulguée en février 2016, la loi Claeys-Leonetti consacre le droit de chaque personne atteinte d'une infection grave et incurable à demander une sédation profonde et continue jusqu'à son décès. Une euthanasie "passive", qui consiste concrètement à ne plus hydrater ni nourrir le patient, tout en lui procurant des analgésiques pour réduire sa douleur.

Une mesure qui ne va pas assez loin pour Robert Cohen. Lui n'est pas favorable à l'euthanasie "active" - aujourd'hui interdite en France, et qui vise à donner intentionnellement la mort à un patient par l'administration d'un produit létal -, qu'il juge "trop complexe", mais appelle plutôt à la mise en application du droit au "suicide assisté". "On vous donne un produit létal, plutôt que de vous l'administrer, et c'est à vous de l'avaler ou de le prendre en piqûre. C'est votre décision, votre action."

Une proposition qui reçoit le soutien unanime des participants à la réunion, à divers degrés : les oui enthousiastes se chevauchent avec des acquiescements plus prudents. "À partir du moment où c'est un choix, je suis pour", souffle une femme. "Il faut quand même bien prendre en compte tous les paramètres", glisse une autre.

L'interruption volontaire de vieillesse 

À la question du suicide assisté succède un autre concept : l'interruption volontaire de vieillesse. Robert Cohen rappelle dans ce cadre l'exemple de Jacqueline Jencquel, militante ADMD, qui s'est donné la mort en mars de cette année. Âgée de 78 ans, elle était pourtant en parfaite santé, mais avait témoigné dans plusieurs médias de sa peur de vieillir, de souffrir, d'être dépendante, de finir ses jours dans un Ehpad, qualifiant la vieillesse de "maladie incurable".

"Qu'en pensez-vous ?", interroge Robert Cohen. "Mais après, ça veut dire que si on en a marre, on peut décider d'en finir même à 50 ans ?" s'inquiète une femme. "C'est notre corps, notre choix", tranche un homme, qui compare l'IVV -  interruption volontaire de vieillesse - à l'IVG - interruption volontaire de grossesse -. "On doit être les seuls à pouvoir décider", insiste une autre participante.

"Moi, c'est quand même la question de l'état de santé qui prime, lui répond une femme. Si on est malade, oui, mais si ce n'est pas le cas, c'est plus difficile..." "Je ne suis pas d'accord, lui retorque-t-on en fond de salle. Je pense que si on souffre et qu'on a fait son choix, on doit pouvoir partir, quelles que soient nos raisons, même à 20,30 ans. Certaines personnes le font par eux-mêmes aujourd'hui, au risque de se manquer et de terminer avec de lourdes pathologies... Je connais quelqu'un dans cette situation."

Je pense que si on souffre et qu'on a fait son choix, on doit pouvoir partir, quelles que soient nos raisons, même à 20,30 ans.

Autre point abordé par le délégué régional de l'ADMD : l'importance de remplir ses directives anticipées, qui définissent les souhaits concernant sa fin de vie, dans le cas où la personne ne serait plus en mesure au moment venu d'exprimer ses volontés. "Il faut les faire, insiste Robert Cohen. Car si vous les faites, on peut en tenir compte, mais si vous ne les faites pas, vous pouvez être sûrs qu'on ne le fera pas."

Plus encore, renchérit-il, "il ne faut pas attendre 80 ans mais les remplir dès 20 ans. On n'est jamais à l'abri d'un drame..." Des circulaires qu'il conseille ensuite de donner à son médecin, à une personne de confiance, et à l'ADMD, pour plus de sécurité.

89% des Français favorables au suicide assisté pour les patients atteints de maladies "insupportables et incurables"

Selon un sondage Ifop daté d'avril 2021, 93% des Français considèrent que la loi française devrait autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent. Un chiffre stable comparé à une précédente étude datant de 2017. 

89% des Français se disent favorables au suicide assisté pour les personnes souffrant de maladies "insupportables et incurables". Un intérêt de la population qui ne s'est que trop peu traduit par des décisions et réflexions politiques, estime Robert Cohen.

Comme disait un certain Clémenceau, quand on veut enterrer un sujet, on créé une commission.

Robert Cohen, délégué régional de l'ADMD

Après une première mandature d'Emmanuel Macron à la présidence jugée décevante, les militants de l'ADMD espèrent désormais des propositions fortes dans les cinq années à venir. Sans trop y croire pour autant : "Le Président a dit avant l'élection qu'il ferait une convention citoyenne sur le sujet. Comme disait un certain Clémenceau, quand on veut enterrer un sujet, on créé une commission", souffle Robert Cohen. 

Source d'espoir néanmoins pour les participants : la nomination de Brigitte Bourguignon, militante dans le passé pour une "exception d'euthanasie", au ministère de la Santé. Sous réserve que la ministre conserve son poste une fois passées les législatives : "On sait qu'avec les élections, certains vont sans douter sauter".

Le délégué régional de l'ADMD entend en l'attente solliciter l'ensemble des candidats corses à la députation sur la question de la fin de vie. "En espérant qu'ils s'y montrent sensibles, ou détaillent au moins correctement leur point de vue."

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