Le gouvernement s'invite dans le derby entre les Bastiais et les Ajacciens. Le préfet de Haute-Corse a fait savoir que le ministre de l'Intérieur allait interdire le déplacement des supporters de l'ACA jusqu'au stade Armand-Cesari. La raison invoquée, "les antagonismes entre supporters".
Les retrouvailles entre l'ACA et le SCB, dans le giron professionnel, auront bien lieu, samedi 25 septembre à 15 heures. Sur le terrain, mais pas dans les tribunes. Pourtant, dans les travées de Furiani, l'atmosphère est bien moins électrique qu'il y a quelques années. Mais pour les autorités, pas question de tirer un trait définitif sur le passé.
Des rencontres systématiquement émaillées d'incidents.
Le ministère de l'Intérieur entend ne pas prendre de risque. Et interdit tout déplacement des supporters ajacciens pour le derby. C'est ce qu'a fait savoir le préfet de Haute-Corse par un communiqué de presse.
"Même si les deux clubs ne se sont pas rencontrés dans un match de Ligue 1 ou de Ligue 2 depuis plusieurs années, les antagonismes entre supporters restent forts. Ainsi, les rencontres entre les deux clubs, y compris à un échelon sportif inférieur, sont systématiquement émaillées d'incidents".
En clair, toutes les traditions ne sont pas bonnes à perpétuer. D'autant que, à en croire François Ravier, le préfet de Haute-Corse, "les informations dont la préfecture dispose à cette heure attestent également d'une montée de la tension à l'approche du match et donc de risques de troubles à l'ordre public, voire de violences".
La réaction de Christian Leca
Mardi soir, après la rencontre entre l'ACA et Niort (0-0), Christian Leca, a réagi à l'annonce de cette décision préfectorale : "J'en prends acte puisqu'il n'y a pas moyen de faire autrement et j'appliquerai les décisions du préfet, a indiqué le président de l'ACA. C'est comme ça. Je pense que les événements récents qui se sont déroulés sur en Ligue 1 (Montpellier, Nice, Lens) ont fortement influé sur la décision du préfet. Ce n'est pas à nous de la juger. On ne peut qu'en prendre acte et l'appliquer. C'est dommage car je pense que le derby est une fête du footbal corse. On ne peut pas aller contre les décisions qui viennent d'en haut et qui sont peut-être justifiées, mais ça, ce n'est pas à moi de le dire."
500 acéistes étaient attendus
Du côté des supporters, Pierre-Nicolas Beretti, responsable des Orsi Ribelli, avoue tomber des nues. Depuis des semaines, il organisait le déplacement, qui réunissait 500 supporters, répartis dans cinq cars. "On ne s'y attendait vraiment pas. Hier encore, on discutait avec la police de Bastia des modalités de déplacement, ils nous tenaient au courant de la manière dont l'escorte allait être mise en place. On jouait le jeu, et tout ce passait sans aucun souci. On avait fait le choix du déplacement en car plutôt que du déplacement sauvage en voitures. Ils savaient d'où on partait, où on arrivait..."
Pas le moindre message haineux
Et, en faisant un tour sur les principaux forums de supporters, et sur les réseaux sociaux, on est tentés de le croire. Alors que, à l'approche du derby, le web s'enflamme, cette année, rien de semblable, Pierre-Nicolas Beretti l'affirme : "même du côté des Renseignements généraux, on nous a dit que c'était la première fois qu'ils n'avaient pas vu le moindre message haineux !" Les Orsi Ribelli devront se contenter de supporter leurs joueurs devant leur télé ou leur poste de radio...
Ce revirement des autorités, si c'est vrai, a de quoi surprendre. Mais il n'étonne guère Jeff, supporter historique du SCB. "Les récents événements de Nice ou de Lens n'y sont pas pour rien, à mon avis. Ils sont à l'affût de tout, dans la crainte que de nouveaux débordements viennent encore ternir l'image du foot, selon eux. Et comme SCB-ACA, c'est traditionnellement un match chaud..."
Un match à risque, malgré tout
Pour Pierre-Nicolas Beretti, il y a des raisons plus régionales, et pas celles que l'on croit. "Il paraît qu'il y a une personnalité du gouvernement qui arrive bientôt en Corse, et il y a toujours les manifs anti-vax... Alor ils ont peur d'être débordés, c'est tout". Et le communiqué de presse de la Préfecture de Haute-Corse ne le contredit pas totalement, même s'il ne rentre pas dans les détails : "Le match est programmé à 15 heures, dans une zone commerciale fréquentée. Au même moment, d'autres manifestations sont susceptibles de se dérouler. Compte tenu de ces éléments, le déploiement d'un très important dispositif de sécurité d'Ajaccio à Furiani et aux abords du stade serait disproportionné par rapport au nombre de supporters qui auraient été susceptibles de faire le déplacement".
Avec l'ACA en pleine forme, et nous à la ramasse, ça aurait pu facilement dégénérer.
Dans le nord, néanmoins, tous les supporters ne sont pas mécontents que les Ajacciens ne soient pas présents à Armand Cesari. Selon Jeff, "les autorités ont bien fait. C'est souvent parti en vrille, et puis cette année, alors que l'ACA est en pleine forme, et nous à la ramasse, ça aurait pu facilement dégénérer, avec toute la bonne volonté du monde. Il faut que le sporting continue de donner une bonne image, on est en pleine reconstruction, tout ce qui pourrait nous faire retomber dans nos travers doit être évité..."
Ce serait dommage, effectivement, quelques semaines après son retour en Ligue 2, que le SCB se rappelle de la sorte au mauvais souvenir du football français.