Assassinat de Patrick Julien à Soccia : 18 ans de prison requis contre Antoine Pietri

Au terme de huit jours d’audience, le verdict du procès en appel d’Antoine Pietri, accusé de l’assassinat de Patrick Julien, est attendu dans la soirée de ce mercredi 29 janvier. En première instance, le trentenaire avait été acquitté. L’avocat général requiert sa condamnation pour meurtre avec préméditation. La défense plaide pour un nouvel acquittement.

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Antoine Pietri est-il l’assassin de Patrick Julien ? Pour l’avocat général, Florent Crouhy, le doute n’est pas permis. Au huitième et dernier jour d’audience, le représentant du ministère public détaille, dans ses réquisitions, les éléments à charge contre l’accusé.

Dans cette affaire, "le mobile d’Antoine Pietri résulte du blocage de sa situation, dont il rend responsable l’Association forestière pastorale (AFP) et son président, Patrick Julien", tranche l’avocat général.

Quelques jours seulement avant les faits, Patrick Julien, rappelle-t-il, avait mentionné une altercation avec Antoine Pietri à ses proches. Un point détaillé par plusieurs d’entre eux dans leurs auditions auprès des enquêteurs et à la barre au cours du procès. Son ex-épouse rapportant même qu’il lui avait indiqué penser que "ce jeune peut être dangereux".

Éléments à charge

Les perquisitions réalisées chez l’accusé, peu de temps après les faits, ont permis de mettre au jour un fusil à chasse et un lot de cartouches. Dans sa voiture, les enquêteurs ont fait état d'un fusil à pompe, avec trois cartouches chambrées, dont deux du même modèle que celles retrouvées sur la scène de crime.

"Les cartouches de la scène de crime sont les siennes, et la preuve qu'il les a tirées le 4 novembre 2017 en résulte également des expertises", insiste le représentant du ministère public. Sur l'un des t-shirts de l'accusé, des particules d'arme à feu ont d'ailleurs été analysées.

Au fil de ses premières auditions "Antoine Pietri a reconnu cinq fois être monté sur les lieux de l’assassinat", ce 4 novembre 2017. Une affirmation par la suite contredite par l’accusé. Signe que le trentenaire a simplement eu "le temps de réfléchir", et ainsi d’améliorer sa défense en détention provisoire, estime l’avocat général, qui ne croit pas en de possibles trous ou une mauvaise mémoire de l’accusé, les expertises psychiatriques n’en indiquant rien.

Florent Crouhy, l'avocat général. © Axelle Bouschon / FTV

"Dans les procès d’assises, note l’avocat général, on parle beaucoup de l’accusé. Mais il ne faut pas oublier la victime, qui, malheureusement, ne peut plus s’exprimer. N’oubliez pas l’image de Patrick Julien". Celle d’un homme honnête, travailleur, qui s’investissait dans son village de Soccia, rappelle-t-il. Celle d’un homme "qui s’est fait lâchement assassiner", abattu de trois tirs d'arme à feu sur sa tractopelle, dont le moteur tournait encore lorsque son corps a été retrouvé.

L’erreur judiciaire, ce n’est pas condamner Antoine Pietri. L’erreur judiciaire, c’est l’acquitter

Florent Crouhy est catégorique : alors qu'au cours de l'enquête et du procès, aucune autre piste que celle de l'accusé n'a pu être consolidée, "l’erreur judiciaire, ce n’est pas condamner Antoine Pietri. L’erreur judiciaire, c’est l’acquitter." Dans ce cadre, le représentant du ministère public requiert 18 ans de réclusion criminelle à son encontre pour assassinat. Une peine moins sévère que celle de 25 ans requise par l'avocat général en première instance - procès au terme duquel Antoine Pietri avait été acquitté -. 

Un dossier creux, selon la défense

"Il est où le mobile d’Antoine Pietri ? Il n’en a pas. Il n’avait aucune raison de tuer Patrick Julien." Suivant à prendre la parole, les trois conseils de la défense s’opposent fermement à l’idée d’une évidente culpabilité de leur client, comme soutenu par l’accusation. Plus de quatre heures durant, face à des jurés attentifs et un public fourni, les avocats reviennent point par point sur les propos de l’avocat général et ce qu’ils désignent comme des incohérences dans l’enquête.

"Personne n’avait entendu parler d’une dispute entre Patrick Julien et Antoine Pietri", lance Me Anna-Maria Sollacaro, citant les premiers témoignages recueillis par les forces de l’ordre, ceux avant que ne retentissent "les cancans du village", faisant d’Antoine Pietri le principal - et seul - suspect.

"Nietzsche disait l’ennemi de la vérité, ce n’est pas le mensonge, c’est la certitude. Et dans ce dossier, les gendarmes ont été nourris par la certitude […] et se sont précipités sur celui qui avait été pointé du doigt par la foule, par celui que le village avait désigné", regrette Me Paul Sollacaro.

Les gendarmes ont été nourris par la certitude et se sont précipités sur celui qui avait été pointé du doigt par la foule

Les fusils retrouvés chez et dans la voiture d’Antoine Pietri ? L’accusé ne s’en était pas caché, dès sa première audition avec les enquêteurs, rappelle Me Dominique Paolini. Une preuve de sa bonne foi, selon l’avocat. Alors que les expertises psychologiques ont fait état d’un profil HPI (haut potentiel actuel) d’Antoine Pietri, "ne pensez-vous pas que s’il venait de commettre un meurtre, il se serait débarrassé de son fusil, plutôt que d’admettre aux policiers qu’il en a un ?"

Plus encore, il n’y a, selon l’avocat, "aucune certitude" que son arme soit celle qui a ôté la vie à la victime, ce jour-là. Preuve en est, avance-t-il, le rapport de l’expert balistique, qui n’en fait pas l’affirmation. Parallèlement, pourquoi, s’interroge la défense, s’est-on contenté de la piste d’un unique tireur ? "La thèse des deux tireurs est évidente, estime Me Paul Sollacaro. Mais cette thèse, elle dérange l’accusation, parce que deux tireurs, ce n’est plus le même dossier."

Le travail effectué lors de l’enquête sur l’ADN prélevé ? "Je n’ai jamais vu un travail aussi bâclé", lance Me Paul Sollacaro. "Au moment où l’on prélève soi-disant l’ADN d’Antoine Pietri, il est en audition en présence de son avocat. C’est un faux", dénonce-t-il. Un point pour lequel la défense a d’ailleurs déposé une plainte en cours d’audience, rapidement classée sans suite par le parquet d’Ajaccio.

"L’attitude ne colle pas. Ni l’attitude, ni le profil", poursuit le représentant de l’accusé, s’appuyant sur l’expertise psychologique.

Le verdict est attendu ce mercredi 29 janvier. © Axelle Bouschon / FTV

"Une minute de prison, dans ce dossier, c’est déjà trop"

Pour les avocats, la peine demandée par l’avocat général doit aussi être un indicateur pour les jurés de vacuités au sein du dossier. "On passe de 25 ans [peine requise en première instance] à 18 ans parce que le dossier est creux, parce qu’il est vide, parce qu’on l’a démonté en faisant notre travail d’avocats, en allant au bout des choses", attaque Me Dominique Paolini.

"Personne d’entre vous et d’entre nous n’accepterait d’être jugé sur un dossier pareil, continue Me Anna-Maria Sollacaro. Et le plus triste, c’est que le parquet le sait aussi que ce dossier est pourri."

"Dans ce dossier remplit de doutes, d’approximations, d’erreurs, de loupés, il vous reste quoi aujourd’hui ? Un homme qui a fait trois ans de détention provisoire, qui a clamé son innocence, qui a été acquitté en première instance, qui a dû partir de Corse. […] Mieux vaut un mystère qu’une erreur judiciaire", insiste Me Dominique Paolini.

"Une minute de prison, dans ce dossier, c’est déjà trop", glisse Me Paul Sollacaro. "L'erreur judiciaire, c'est ce qu'on vous demande. C'est la condamnation à tout prix d'Antoine Pietri". "Vous devez l’acquitter", conclut Me Anna-Maria Sollacaro.

Dernier à s'exprimer, Antoine Pietri se dit "fatigué de toute cette histoire". "Mon innocence a été reconnue une première fois, j'ose espérer qu'elle le soit une seconde fois".

La cour s'est retirée pour délibérer. Le verdict est attendu dans la soirée de ce mercredi 29 janvier.

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