Assassinat de Jean Leccia : L’enquête piétine

5 ans après le meurtre du haut fonctionnaire à Aléria, sa famille espère que l’arrivée d’un nouveau magistrat instructeur va relancer le dossier.

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 Une discrète plaque de marbre apposée sur un talus sur la route territoriale 10 rappelle que le 23 Mars 2014, Jean Leccia a été assassiné ici, à la sortie Nord d’Aléria alors qu’il revenait de son village de San Gavinu di Fiumorbu.

Le directeur général des services du département de haute Corse, circulait à bord de son véhicule en direction de Bastia. Jean Leccia regagnait son domicile, il avait assisté au dépouillement du premier tour des élections municipales à San Gavinu di Fiumorbu où se présentait sa fille. Au volant de sa Citroën Ds4, il ne voit pas le véhicule utilitaire qui le double pour se porter à sa hauteur. La porte latérale ouverte, le tireur ouvre le feu au fusil d’assaut, huit balles de calibre 223 Remington transpercent l’habitacle du véhicule qui termine sa course sur le bas-côté de la longue ligne droite entre Aléria et Tallone.

La machine judiciaire s’emballe, d’autant que la victime est le second collaborateur de Paul Giacobbi, alors président du conseil exécutif, à tomber sous les balles. Trois ans auparavant, c’est Dominique Domarchi, membre du premier cercle du président du conseil général, qui avait été abattu devant la porte de son domicile à San’Andria di Cutone.

A la Jirs de Marseille, la juridiction interrégionale spécialisée en charge de la lutte contre le crime organisé, deux magistrats instructeurs sont désignés. Ils saisissent trois services d'enquête, la police judiciaire de Corse, la section de recherches de la gendarmerie et un service centralisé, la brigade nationale de lutte contre le crime organisé.                                                                                                                                          

  Guerre des polices

Très vite, cette co-saisine provoque des tiraillements entre les services, qui ont une vision diamétralement opposée du mobile. La police judiciaire penche pour un contentieux lié à l’élection municipale à San Gavinu di Fiumorbu.
Opposant au maire sortant, Jean Leccia soutenait une autre liste, sur laquelle figurait sa fille. Il aurait même, toujours selon la police fait en sorte que la commune soit privée de subventions versées par le département.

Une piste locale que ne partagent pas les gendarmes. Les enquêteurs de la section de recherches eux, pensent au contraire que l’assassinat de Jean Leccia est lié au marché des enrobés. La réfection des routes départementales financée par le Pei, le programme exceptionnel d’investissement est en effet  un robinet financier généreux pour certaines entreprises locales.

Les gendarmes, qui défendent leur thèse auprès des deux magistrats se lancent alors dans des investigations qui mobilisent d’importants moyens et une cinquantaine d’enquêteurs. Des filatures, des écoutes téléphoniques, des recoupements d’informations visent plusieurs personnes qui ont des intérêts dans des centrales de production de goudron. A 32 euros en moyenne le mètre carré, le bitume se déverse par tonnes sur les routes départementales. Mais quel est le lien possible entre le goudron et l’assassinat de Jean Leccia ?

Encore une fois, la construction des gendarmes est que, le directeur de cabinet du président du conseil général de la Haute-Corse a peut-être contrarié des intérêts économiques gravés dans le marbre. Mais les constructions intellectuelles ne sont pas une preuve. Sur le papier, la thèse est certes séduisante mais encore faut-il pouvoir l’étayer. Les magistrats de la Jirs, déjà sous le feu des critiques en raison de résultats mitigés dans les dossiers corses, veulent du concret. Des éléments, du solide pour bétonner la procédure. Hors les gendarmes n’ont rien de bien croustillant à glisser aux juges. Les perquisitions sont maigres, les écoutes téléphoniques aussi, quant aux témoins,  même off, ils ne se bousculent pas pour venir raconter ce qu’ils savent.

5 ans après les faits, un quatrième magistrat vient d’être désigné. La défense vient de demander que de nouvelles investigations soient réalisées. Le dossier est toujours ouvert, mais le temps qui passe est l’ennemi des enquêteurs. Les éléments disparaissent, les souvenirs se font moins précis, les témoins éventuels se rétractent.

L’absence de  résultats dans l’assassinat de Jean Leccia, comme dans ceux d’autres personnalités publiques, sont une marque indélébile pour l’institution judiciaire. Ne pas résoudre ces affaires décrédibilise la justice, accusée par certains de compter les points et de laisser faire.
Le banditisme florissant et la dérive mafieuse ne peuvent en effet  servir d’alibi, pour justifier qu’une enquête piétine.

 
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