Arrêter de photographier pour devenir photographe, le défi des élèves de l'école Charles Andrei

Durant une semaine, les élèves bastiais ont bénéficié des conseils avisés de Reza, les des plus grands photojournalistes du monde. Une formation précieuse, qui les a amenés à voir la photo autrement. Nous les avons suivis sur le terrain.

Les élèves de l'école Charles Andrei courent d'un stand à l'autre, s'interpellent, s'agglutinent devant les robes de mariée ou les bougies colorées. Et photographient. Tout. Tablette en main, depuis une demi-heure, ils tentent de mettre en application les précieux conseils que Reza leur a dispensés toute la semaine.  

Le photographe franco-iranien, regarde tout cela d'un œil bienveillant. Il est Impossible à rater, avec son look de baroudeur, un imposant Leica autour du cou. Au milieu des allées de la braderie de Bastia, Il navigue d'un groupe à l'autre, et encourage les jeunes enfants à tout s'autoriser. En ayant toujours à l'esprit quelques règles, que Marco* nous rappelle, l'air appliqué : "penser au cadre ! Bien faire attention à la lumière ! ne pas bouger ! Ne pas bouger ! Et surtout, surtout, prendre le temps de réfléchir à ce qu'on photographie !"

Réapprendre à voir

Des règles toutes simples, de prime abord. Et pourtant, certains réflexes ont la vie dure. Les aspirants photographes mitraillent à tout-va, accumulant des dizaines de photos du même sujet, ou passant de l'un à l'autre sans même respecter le temps de pose. Avant de se rappeler ce que Reza leur a répété toute la semaine :"si la photo est floue, ce n'est pas le modèle qui a bougé, la plupart du temps. C'est le photographe !"

Avec une souriante patience, le célèbre photojournaliste, compagnon de route du général Massoud durant des années, souligne les oublis ou les ratés des jeunes Bastiais, sans jamais oublier de mettre en avant les progrès, et les réussites. 

Quelques jours plus tôt, les élèves de cette classe de l'école Charles Andrei se sont rendus à la médiathèque Barberine Duriani, dans les quartiers sud de Bastia, dans le cadre du dispositif "Cités éducatives", qui vise à intensifier les prises en charge éducatives des enfants et des jeunes, de la naissance à l’insertion professionnelle pendant et autour du cadre scolaire. 

Ce qu'ils ont appris en 24 heures, ça m'avait pris deux ans à leur âge !

Au programme, durant une semaine, une masterclass de photographie avec Reza, qui, depuis plus d'une quarantaine d'années, consacre une partie de son temps à former les nouvelles générations à "l'alphabet de l'image", afin de savoir raconter une histoire à travers son objectif. 

"Dès le début, ils ont commencé à photographier. On a commencé par la prise en main, et le soir, après qu'on a fait connaissance, ils sont repartis chez eux pour faire quelques photos, ce qu'ils voient de leur fenêtre, et puis des portraits". Des devoirs d'un genre nouveaux, qui ont été examinés dès le lendemain, selon un processus très particulier, auquel Reza tient beaucoup.

"C'est un travail commun, auquel tout le monde participe. La salle doit être plongée dans le noir, et leurs photos projetées sur un grand écran. Il faut faire cela dans un milieu fermé, psychologiquement tout cela a un autre effet, ils se sentent impliqués dans une histoire nouvelle. Tout le monde entend, tout le monde apprend, c'est formateur"

Les élèves passent, un par un, devant la classe, tandis que l'assistance commente son travail. Un exercice formateur, mais qui peut être un peu compliqué pour les plus sensibles. Mais Reza les console, personne n'est là pour juger, et la salve d'applaudissements à la fin ne leur donne qu'une envie, repartir sur le terrain pour faire de nouvelles photos. 

Donnant-donnant

Celui dont le travail est célébré dans le monde entier depuis des décennies, admiré dans les rues de Bakou et de Buenos Aires comme dans les plus grandes universités américaines ou françaises, est toujours animé de la même envie de partager son savoir. "C'est plus qu'un plaisir, c'est fondamentalement ce que je suis, la transmission. Cela me semble naturel. Je me rappelle comment c'était, il y a 57 ans, quand j'apprenais dans les rues de Tabriz, en Iran... Ce qu'ils ont appris en 24 heures, ça m'avait pris deux ans à l'époque !"

Le septuagénaire a hâte de voir ce que va donner l'exposition qui se tiendra fin mars et début avril, à l'occasion de la semaine de la presse à l'école. Elle réunira, durant quinze jours, les photos des élèves de Charles Andrei. 

Dans chaque artiste, il y a un enfant, et au contact de la vie, l'enfant en nous a tendance à rouiller.

Pour lui, ces moments passés avec des aspirant-photographes n'ont pas de prix. D'autant qu'ils ne sont pas les seuls à apprendre... "Cela m'incite à repenser complètement la photo à chaque fois, à tout remettre à zéro. Si j'arrêtais, ce serait comme si je me vidais de quelque chose. Dans chaque artiste, il y a un enfant, et au contact de la vie, l'enfant en nous a tendance à rouiller. On veut jouer aux adultes. Ces relations avec les élèves, ça me remet de nouveau à la place où je dois être, si je veux être un artiste. Ca me rappelle ce que je suis".  

Le reportage photo dans les rues de Bastia se termine devant le monument aux morts, sur la place Saint-Nicolas. Et Reza est sincèrement étonné par le talent de certains. "Lui, il a un œil", lance-t-il avec une moue appréciatrice, en désignant un gamin discret, coiffé d'un bonnet bleu. 

Pour garder un souvenir de cette semaine d'échanges, celui qui a exposé au Louvre, a photographié Ben Laden et a été décoré par le Felipe VI en Espagne demande à tous les élèves de se regrouper devant le monument, et attrape son Leica, comme il l'a fait des milliers de fois depuis plus d'un siècle. 

Le genre de photo de classe qu'on n'est pas prêt d'oublier...

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