Neuf détenus condamnés pour des faits de violence ont travaillé par le biais de la photographie sur leur vision des femmes, leur rôle et leurs représentations. Une initiative menée de concert par le centre pénitentiaire de Borgo et le tribunal de Bastia, qui a donné naissance à une exposition, visible au public jusqu'au 2 juin au Palais de justice de Bastia.
Une exposition pour le moins atypique. Depuis ce lundi 22 mai, la cour du Palais de justice de Bastia accueille sur ses murs les photographies réalisées par neuf détenus du centre pénitentiaire de Borgo. Condamnés pour des faits de violence - dont la majorité pour des violences intra-familiales -, ils ont été invités à s'exprimer, au travers de leurs clichés, sur ce que symbolise la féminité.
Le projet remonte à déjà plusieurs mois. Depuis la fin de l'année dernière, les neuf hommes ont ainsi travaillé leur sens et leurs techniques photographiques. Des séances guidées par Guillaume Gellert, photographe professionnel et responsable de cet atelier, baptisé "Des regards sur les regards".
"La reconstruction passe par l'expression, la reconnaissance aussi de son acte, le fait se rendre compte qu'il existe des manières de s'exprimer différentes que celle de la violence par exemple, détaille ce dernier. Je n'aurais pas la prétention de dire que ça a transformé leur vision de la femme. Mais malgré tout nous travaillons le sujet, et voilà ce qu'ils en ont fait."
"Un instrument supplémentaire pour travailler autour de la récidive"
Au tribunal de Bastia, on voit dans cette exposition un "vecteur supplémentaire" pour permettre de faire réfléchir les auteurs "sur ce qu'ils ont fait, sur le passage à l'acte, sur pourquoi ils en sont arrivés là", détaille Mélanie Martinent, vice-présidente du tribunal judiciaire.
"Ça ne vient pas se substituer aux autres prises en charge, puisqu'à côté il y a des accompagnements par un psychologue, par un psychiatre, et une prise en charge éducative par le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Mais ce travail là qui a été mené, autour de ces photographies, c'est un instrument supplémentaire pour travailler autour de la récidive, estime-t-elle. Moi, je considère qu'on ne peut pas parler correctement des victimes si on ne s'intéresse pas aux auteurs."
Pour la directrice du centre pénitentiaire de Borgo, Julie Latou, il était essentiel de travailler sur le rôle "indispensable" de la femme en société, "pour justement la mettre en lumière" avec les yeux de ces détenus. "L'idée étant que ce soit eux qui puissent poser un jugement sur le corps, l'esprit, la représentation de la femme, mais plutôt du côté de la raison que de la passion."
Le profit des ventes reversé à la Corsavem
L'exposition restera affichée jusqu'au 2 juin prochain. Toutes les oeuvres présentées sont également proposées à la vente. Les fonds récoltés le seront au profit de l'association Corsavem, dédiée à l'aide aux victimes, en vue de l'acquisition d'un chien judiciaire, formé pour aider les victimes à se reconstruire et à mieux vivre d'éventuels procès. Il en existe une dizaine à ce jour en France.