Inspiré de l'histoire de la surveillante pénitentiaire mise en cause dans le double assassinat de Poretta en 2017, le film de Stéphane Demoustier "Borgo" est projeté en avant première ce 25 août au festival du film francophone d’Angoulême, alors que l'affaire n'a pas encore été jugée.
Je ne me suis pas du tout intéressé aux enjeux qui concernent le milieu ou le monde mafieux.
Stéphane Demoustierréalisateur du film Borgo
S'il raconte volontiers que son film Borgo lui a été inspiré par les comptes rendus qu'il a pu lire dans la presse du double assassinat de Poretta en 2017, le réalisateur Stéphane Dumoustier précise que c'est uniquement le personnage de la surveillante pénitentiaire impliquée dans cette affaire qui l'a intéressé : "Je ne me suis pas du tout intéressé aux enjeux qui concernent le milieu ou le monde mafieux".
Un film susceptible d'influencer les jurés ?
Projeté ce 25 août en avant-première au festival du film francophone d'Angoulême, le film ne s'est pas encore vu attribué de date de sortie officielle en salle. Le distributeur l'envisage pour la fin de cette année.
Le procès du double assassinat de Bastia-Poretta doit lui se tenir devant la cour d'Assises des Bouches-du-Rhône de mai à juillet 2024. 17 personnes, dont Cathy Sénéchal, sont mises en examen dans cette affaire.
Peut-on espérer que l'audience se tienne dans des conditions normales de sérénité et de neutralité, en l'état rien n'est moins sûr
Me Julien Pinelliavocat d'un des accusés
Le film pourrait donc être vu avant que l'affaire ne soit jugée. Maître Julien Pinelli, conseil de Christophe Andreani qui comparaîtra à la barre des accusés, craint que cette œuvre de fiction altère la sérénité des débats : "La justice pénale ce n'est ni un spectacle, ni un divertissement, c'est au contraire la réalité dans tout ce qu'elle a de dramatique. Nous parlons de familles endeuillées, d'accusés qui sont détenus depuis plus de cinq ans et qui vont engager devant une cour d'assises le restant de leur existence. Peut-on espérer que l'audience se tienne dans des conditions normales de sérénité et de neutralité, en l'état rien n'est moins sûr".
Fascination et emprise
Le synopsis de Borgo : "Melissa, 32 ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L’occasion d’un nouveau départ. Elle intègre les équipes d'un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres. Ici, on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. L’intégration de Melissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander… Une mécanique pernicieuse se met en marche."
Si le film comporte bien une scène de double assassinat dans un aéroport, c'est le parcours qui a conduit la surveillante jusque là qu'il s'attache à observer.
"Je me suis inspiré des faits, mais j'ai totalement inventé les personnages. Mélissa, la surveillante pénitentiaire de mon film, passe de la fascination à l'emprise. J'ai essayé de me demander comment on pouvait, en quelques mois seulement, passer d’un quotidien ordinaire à celui d’une criminelle. Borgo essaie de sonder ce basculement, ou plutôt ce glissement tout en gardant le caractère mystérieux ou incompréhensible du personnage" précise Stéphane Demoustier.
Dans la réalité, Cathy Sénéchal, gardienne de prison au centre pénitentiaire de Borgo, sera jugée par la cour d'assises pour "assassinat" et "corruption". Le jour du double meurtre, elle aurait, selon les juges, permis au tueur d'identifier les deux victimes"Tony" Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, en leur disant bonjour.
L'atmosphère particulière de la prison de Borgo
C'est l'atmosphère spécifique de la prison de Borgo que le réalisateur s'est appliqué à restituer dans son film: "J'ai rencontré d'anciens détenus, et surveillants de cette prison qui est très singulière parce qu'elle fonctionne en milieu ouvert, avec une unité où il n'y a que des détenus Corses. Ce qui m'a intéressé, c'est comment les rapports de pouvoir et éventuellement de domination peuvent s'instaurer au sein de cet établissement-là".
Les avocats des deux principaux accusés, Christophe et Richard Guazelli, ont indiqué ne pas souhaiter commenter cet évènement.
Maître Pinelli se réserve la possibilité de démarches procédurales quand sera connue la date de sortie du film.