Coupe de philosophie de Bastia : "pour être philosophe, il faut écouter l'autre"

Faire sortir la philosophie des cénacles habituelles pour que le plus grand nombre se la réapproprie. C'est le principe de cette première coupe de philosophie et de joute verbale bastiaise, qui se tenait hier soir à la médiathèque Barberine Duriani, à Bastia.

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André a pris place au quatrième rang. Loin du premier rang, qu'adolesent il fuyait, déjà, lorsqu’il assistait à un cours de philosophie. André préfère être discret. Il ne prendra pas la parole, mais en revanche, il écoutera avec attention. Et il notera, au gré des interventions des compétiteurs, des idées et des citations dans le petit carnet crème qu’il a posé sur la cuisse.

Joseph, lui, est un peu déçu. Il aurait adoré se mêler à la joute, ferrailler, avec conviction et gourmandise, autour de la question du jour, « d’où vient le mal ? » Mais il le sait, c’est interdit. Seuls pourront prendre la parole les deux équipes de cinq candidats en lice, l’une représentant le café philo de la bibliothèque du centre-ville de Bastia, et l’autre, celui de la médiathèque Barberine Duriani, à Lupino.

C’est là, à l’étage, dans la salle habituellement dévolue aux livres jeunesse, que va se tenir la première coupe de philosophie et de joute verbale de Bastia. Et ils sont une soixantaine, comme André et Joseph, à attendre l’ouverture des hostilités.

 Douter, pour mieux comprendre

Des hostilités feutrées, loin des foires d’empoigne que sont devenus les débats télévisés, où le manichéisme et l’agressivité ont été érigés en règles d’or. A une époque, estime Christophe di Caro, organisateur de l’événement, où « l’on a plus le temps de s’asseoir ».

A Lupino, ce soir, on va prendre le temps de s’asseoir. Mais également le temps de réfléchir, d'argumenter, de se mesurer à l'autre. Mais on va aussi prendre le temps d’écouter l’autre. On va s’autoriser à douter, en sachant qu’aucune idée arrêtée, qu’aucune position philosophique n’est imprenable.

 Christophe di Caro ne cache pas sa satisfaction d’ouvrir cette première compétition bastiaise d'un genre nouveau, après avoir débuté dans les lycées de l'île. « Aujourd’hui, après quelques années de sommeil, c’est enfin le réveil de la joute de philosophie et de la joute verbale ». Avec une nouveauté notable, et réjouissante : « désormais, nous intégrons des compétiteurs-citoyens, nous ne sommes plus à l’école, mais dans la cité ».

Ces compétiteurs-citoyens ont eu un mois pour se préparer à l’affrontement. Un affrontement qui débute dans la bonne humeur, avec un shifumi entre les deux coachs pour déterminer qui prendra la parole en premier.

Un mal, des maux

Première manche, l’exposé : durant deux minutes, chacun des membres des deux équipes va faire face au public, ses notes en main, pour présenter un exposé de deux minutes sur le mal.

Les tâches ont été clairement réparties : dans l’équipe du centre-ville, l’un s’attache à définir la notion de mal, l’autre en retrace son histoire, un troisième en appelle à Hannah Arendt. Une dernière, enfin, s’amuse à personnifier le mal, terminant sa prise de parole d’un « si vous me demandez d’où je viens, je répondrai que je suis là où vous me cherchez », prometteur pour les débats futurs.

Du côté de l’équipe du sud de Bastia, on tient à distinguer le mal physique, le mal métaphysique, le mal moral, le mal radical ou fondamental. On s’interroge sur le lien entre le bien et le mal, en invoquant Anatole France, qui estimait que « si le bien n’existait pas, le mal n’existerait pas non plus ». On envisage que le mal soit un héritage, ou s’interroge sur les limites du libre-arbitre face au mal.

Certains choisissent de mener leur démonstration sans filet, d’autres s’appuient sur Nietzsche, Rousseau, Spinoza ou Schopenhauer, les plus audacieux n’hésitent pas à brandir Jean-Claude Van Damme, l’œil malicieux, plongeant l’auditoire dans un mélange d’amusement et de stupéfaction.

 

 C’est ensuite, lors de la deuxième manche, que les choses sérieuses commencent, avec la joute. Les deux équipes échangent, durant près de trois-quarts d’heure, dans un climat de respect et d’échange qui permettent à la réflexion d’avancer, et à de nouvelles idées d’immerger.

Tous philosophes

Une fois les débats terminés, place à la délibération du jury et au vote du public, pour attribuer les différents prix. Mais le classement, pour les participants, n'a pas grande importance.

Ce qui importe, c'est d'avoir réfléchi, ensemble. Pour se départir des opinions toutes faites, et réapprendre à penser par soi-même. C'est ce que nous confie Yves, l'un des membres de l'équipe de la médiathèque Duriani. "ce type d'exercice nous amène à aller au-delà de ce que nous sommes par nature. La réflexion est toujours salutaire, alors que le cerveau, parfois, s'endort". 

Eveline, son adversaire d'un soir, ne dit pas autre chose. Elle a adoré cette expérience. "On est philosophes tous les jours. A condition d'écouter l'autre, de se documenter. Ce qui importe le plus, c'est l'écoute. Quand on dit d'une personne qu'elle est philosophe, c'est parce qu'elle réfléchit, qu'elle parle calmement, et qu'elle écoute ! Donner ce spectacle-là, ça peut faire du bien, je pense..."

Au vue du succès de cette première édition de la coupe de philosophie et de joute verbale bastiaise, on ne doute guère que nos participants du jour aient faire naître quelques vocations dans le public.

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