Effets Spéciaux : Jérôme Battistelli, le Bastiais qui a travaillé sur Astérix & Obélix : L'Empire du Milieu

Il y a deux ans, le trentenaire corse montait sa propre société d'effets spéciaux. Depuis, il a travaillé avec Michael Douglas, Jean-Jacques Annaud, Adam Sandler, Alexandre Aja, et collaboré à Astérix & Obélix : L'Empire du Milieu, le film le plus attendu de ce début d'année. Retour sur un parcours exceptionnel.

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Jérôme Battistelli regarde sa montre. Dans quelques heures, son avion pour Paris décolle de Poretta. Les vacances de Noël sont terminées pour le trentenaire bastiais. Lundi, il retrouvera les locaux de Monark, la société qu'il a fondée en 2020. Plusieurs projets de pubs l'attendent.

Mais il gardera dans un coin de sa tête la date du 1er février prochain.

C'est ce jour-là que les nouvelles aventures d'Astérix et Obélix débarqueront dans les salles obscures.

4 mois avec Astérix

La sortie d'Astérix & Obélix : L'Empire du Milieu est un événement. D'abord parce que les deux Gaulois créés par Goscinny et Uderzo sont un trésor national, chéri par les Français. Ensuite, parce que le blockbuster est porté par un casting très bankable : Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Vincent Cassel, Jonathan Cohen, Orelsan, Angèle, Philippe Katerine, Franck Gastambide, Zlatan Ibrahimovic...

Alors Jérôme a hâte, comme toute le monde. Mais pas pour les mêmes raisons que le reste du pays. Lui, le film, il l'a déjà vu. ll y a même participé. 

"C'est pas tous les jours qu'un nouvel Astérix sort au cinéma, et avoir la chance de travailler dessus, c'est pas rien. Alors on a pas trop de mal à être excité avant la sortie !" , sourit le jeune Corse. 

Entre avril et juillet 2021 Jérôme Battistelli a collaboré au film. Il a passé 2 semaines dans le Puy-de-Dôme, en pleine campagne, au cœur du tournage du plus gros budget du cinéma français depuis longtemps. Pour gérer, sur place, une bonne part de la logistique des effets spéciaux, sous la supervision de Bryan Jones. "Dans le film, il y a 30 à 40 % de plans truqués, alors il fallait être là tous les jours".

Je participe à la réalisation des effets spéciaux sur le tournage, pour m'assurer que tout soit parfait pour les graphistes qui travailleront plus tard sur les plans.

Jérôme Battistelli

Quand on connaît les volcans d'Auvergne, et qu'on sait que le film est censé se dérouler en grande partie en Chine, on imagine qu'il a dû avoir du boulot...

"Etonnamment, ça marchait plutôt bien, s'amuse le trentenaire. On avait suffisamment de paysages, de collines et de vallées sous la main pour nous permettre d'y faire apparaître un palais impérial chinois de manière crédible."

La liste des techniques de pointe que Jérôme Battistelli maîtrise dans les effets spéciaux et la 3D est impressionnante. Et, pour le commun des mortels, totalement incompréhensible.

Le jeune homme le sait, et il nous résume ça en quelques mots : "je participe à la réalisation des effets spéciaux sur le tournage. Je m'assure que tout est mis en place pour que les graphistes, qui ne sont pas présents, puissent ensuite truquer les plans dans les meilleures conditions".

Un travail exigeant, qui ne laisse guère de place aux approximations, sur des productions où chaque erreur se chiffre en centaines de milliers d'euros.

Et comme si cela ne suffisait pas, Jérôme s'occupe également des scans 3D. Il numérise les décors réels créés par le département Déco pour que les graphistes puissent y effectuer les incrustations d'effets spéciaux tels que la muraille de Chine en Auvergne. 

Une ascension spectaculaire

La société créée par Jérôme n'a que deux ans, mais, en plus de ce tournage, il a déjà travaillé sur des projets tels que Notre-Dame de Jean-Jacques Annaud, le film Murder Mystery 2 avec Adam Sandler et Jennifer Aniston, ou encore Franklin, la mini-série d'Apple TV avec Michael Douglas sur Benjamin Franklin. 

Il faut ne rien s'interdire, être à l'écoute, et saisir les opportunités qui se présentent.

Une ascension qui peut sembler météorique. Mais pas à Jérôme, qui reste modeste : "on se fait une montagne de ce que peut être le cinéma mondial. Il faut ne rien s'interdire, être à l'écoute, et saisir les opportunités qui se présentent. Si professionnellement, et humainement, on arrive à suivre, on est repéré, et les portes s'ouvrent"

Il n'y a pas de recette pour réussir dans le métier, mais une chose est sûre, le parcours du jeune Bastiais transpire la passion, la curiosité. Et l'audace. "J'ai toujours été fasciné par le cinéma et les effets spéciaux. Tout petit, j'étais émerveillé quand je voyais Spiderman se balancer de toile d'araignée en toile d'araignée au-dessus de la foule. Et dès mes années collège, à Giraud, j'ai voulu comprendre comment on arrivait à faire des choses pareilles"

Jérôme dévore les making-of de ses films préférés, et dès l'adolescence, il en est certain. C'est dans ce milieu qu'il voudra travailler.

Après le bac, il suit durant deux ans les cours du DUT services et réseaux de communication de l'université de Corte. "Je cherchais encore ma voie. J'ai longtemps hésité avec une école de cinéma, mais on entend beaucoup dire qu'il est difficile de percer dans le milieu, qu'il faut s'appuyer sur des réseaux... Et puis je me suis intéressé plus précisément à la 3D, et j'ai constaté que c'était un domaine d'avenir, de plus en plus porteur"

Après Corte, Jérôme Battistelli opte alors pour la MOPA, l'école d'animation d'Arles. Il va y rester cinq ans. Et puis à la sortie, nouveau détour : "je me sentais bien là-dedans, mais je voulais renouer aussi avec ma passion première, le tournage. J'avais du mal à accepter de passer toute ma vie derrière un ordinateur. Je passais déjà beaucoup de temps à y regarder des films ! Un truc me manquait, j'avais un sentiment d'inachevé"

Au fil des tournages, je voyais qu'il y avait des places à prendre dans le domaine de la 3D. C'est comme ça que ça a démarré.

Alors, à peine diplômé, il va chercher à faire des stages, pour découvrir la réalité de la fabrication d'un film. "J'ai réussi à convaincre des techniciens de me prendre comme stagiaire. J'ai débuté par un stage de 3 mois sur une série de Zabou Breitman pour Canal +, Paris, etcEt puis j'ai enchaîné sur d'autres projets, j'ai été assistant technicien, j'ai multiplié les postes, pas particulièrement dans les effets spéciaux, et ça m'a permis de me constituer un carnet d'adresses... Mais au fil des tournages, je voyais qu'il y avait des places à prendre dans le domaine de la 3D. C'est comme ça que je me suis recentré, et que tout a vraiment démarré, en 2018, 2019."

Le coup de pouce inattendu du Covid

Un an plus tard, le Covid fait son apparition, et la planète se met à tourner au ralenti. Mauvais timing pour le nouveau venu sur le marché des effets spéciaux ? Pas vraiment.

"La crise sanitaire a mis un coup d'arrêt, mais ça a été un mal pour un bien. Les gens ont arrêté de bosser, mais quand ils ne bossent pas ils sont à la maison, et comme ils sont à la maison ils faut leur donner des choses à voir. Beaucoup de productions, en fiction comme dans la pub, ont vu le jour. Et ça a été un vrai coup de boost".  

Les plateformes de streaming telles que Netflix, Amazon Prime, Appel TV, qui étaient déjà incontournables, ont littéralement vu leur fréquentation exploser, et ont fait de gros investissements dans des contenus originaux.

De surcroît, les tournages se déroulent de plus en plus en France, où le crédit d'impôts est séduisant pour les studios. "On a vu arriver des cahiers des charges américains, avec une demande de numérisation, et une vraie exigence. On n'était pas vraiment prêts, de ce côté-ci de l'Atlantique. Il y avait les compétences, mais il n'y avait pas suffisamment de techniciens pour répondre à la demande. C'est là que notre activité a vraiment décollé".  

Jérôme Battistelli, qui était jusque là intermittent du spectacle, monte sa propre structure, Monark, fin 2020. "C'était tellement spécialisé que c'était plus facile pour nous, et plus valorisant au niveau de notre activité"

J'ai récemment bossé avec un réalisateur et un directeur de la photo qui ont tourné douze épisodes de Game of Thrones.

Il plonge, tête la première, dans l'univers dont il rêve depuis son adolescence. "Un plateau, ce n'est pas si grand que ça. On peut échanger avec les acteurs, les stars, et c'est aussi ça qui est chouette". Alors Jérôme, curieux de tout, apprend auprès des plus grands.

"Tout le monde partage son savoir-faire, peu importe sa notoriété. J'ai récemment bossé avec un réalisateur et un directeur de la photo qui ont tourné douze épisodes de Game of Thrones. Ils m'ont expliqué comment ils ont éclairé telle ou telle scène, comment ils gèrent les figurants, comment ils préparent un plan. Pareil pour les costumiers, les coiffeurs, les maquilleurs. C'est hyper-enrichissant"

Mais une rencontre, en particulier, l'a vraiment marquée, alors qu'il travaillait sur Astérix, l'année dernière. Il était en train de numériser le village gaulois, en studio, lorsqu'un homme, masqué en raison de l'épidémie, s'approche. "Il me posait des questions, on a échangé sur la technique utilisée durant cinq bonnes minutes. Je me suis très vite rendu compte qu'il connaissait très bien les effets spéciaux. Je savais juste qu'il était réalisateur, et qu'il était là pour le repérage de son prochain film"

Après que l'homme s'est éloigné, Jérôme apprend que c'est David Fincher, le réalisateur de Fight Club, Seven, Zodiac, et d'une poignée d'autres classiques du cinéma contemporain. "C'est l'une des personnes que j'admire le plus au monde !" s'émerveille aujourd'hui encore le Corse.  

Des ambitions nouvelles

On lance à Jérôme Battistelli, en plaisantant, qu'avec toute cette expérience accumulée, il est fin prêt à devenir réalisateur.

Il sourit, mais se garde bien de nous contredire. "C'est un peu mon ambition. Je pense que j'aurais certaines choses à raconter. Et puis, à notre époque, on peut réaliser de plein de manières différentes. On maîtrise une certaine technologie, un certain savoir-faire. Et on peut proposer graphiquement des choses qu'on n'a jamais vues. Alors avec mes deux associés, dont l'un est directeur de production et l'autre directeur de la photographie, on y réfléchit. Ca me plairait bien, c'est vrai..."

On se dit, alors que le jeune Bastiais nous quitte pour rejoindre l'aéroport, qu'on est curieux de voir ça. 

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