En raison de la grève des syndicats, qui bloquent les ports et aéroports de Corse, des centaines de touristes ont dû passer la nuit sur l'île, la plupart du temps sans autre solution que les campements de fortune mis en place en urgence.
Franck est assis devant la petite télévision posée sur une table, près de la loge du gardien du Cosec du Fango, et suit avec attention le flash d'infos de 6h30.
Il fait partie de la centaine de personnes, pour la plupart des touristes, qui ont dû dormir sur les lits de camp installés en urgence dans le gymnase cette nuit, en raison du blocage du port de Bastia, interdit d'accès par les syndicats, comme les autres ports et les aéroports de Corse.
Et comme beaucoup d'entre eux, il n'a pas beaucoup dormi.
C'était mes premières vacances depuis huit ans...
Franck, touriste
Sur son visage, on devine un mélange de colère et de résignation. Ce séjour en Corse, c’étaient ses premières vacances depuis longtemps. Franck est agriculteur dans l'arrière-pays niçois, et il n'avait pas pris de jours de congé depuis huit ans. "On a enfin réussi à s'échapper quinze jours, avec ma femme, et voilà...", souffle-t-il en balayant de la main le hall du Cosec où, sac à dos sur l'épaule, une poignée d'hommes et de femmes prennent un petit déjeuner de fortune, fait de chips et de café.
Je devais reprendre le boulot ce matin. Heureusement, on a quelqu'un sur l'exploitation, alors pour l'instant ça va. Mais il ne faut pas que cela dure trop longtemps. D'autant que ma femme, elle, travaille dans les bureaux, à EDF, et qu'elle reprend lundi..."
Mince espoir
Comme de nombreux autres voyageurs qui ont passé la nuit là, Franck a reçu sa carte d'embarquement, accompagnée d'un message de la compagnie maritime ce matin, à l'aube, leur disant que leur bateau, à destination de Toulon, partirait finalement à 11 heures.
Mais dans le gymnase, l'heure n'est pas vraiment au soulagement. "On partira si on nous laisse partir", souligne Myriam, 63 ans. "Hier aussi, on avait reçu nos cartes d'embarquement. Et puis on est restés à quai. Il faut qu'on se fasse à l'idée". Avec son époux, ils sont des habitués de l'île, mais la tournure des événements pourrait fort bien changer choses. "Ça fait six ans que l'on vient, et tout s'est toujours bien passé. Jusque-là..." ajoute André. "On ne reviendra plus, croyez-moi. Terminé ! On n'est pas venus en Corse pour camper dans un gymnase."
Otages
Eric, lui, est plus mesuré. "D'après ce que j'ai compris, la situation est compliquée, voire un peu exceptionnelle. Je n'en veux pas aux gens qui font grève. Et pas mal d'autres gens sont comme moi. Mais ce qui a vraiment énervé, c'est qu'il n'y ait pas eu de préavis de grève. On s'est retrouvés devant le fait accompli, sans avoir la moindre chance de prendre nos dispositions... On a été pris en otages pour une cause qui ne nous concerne pas."
Le jeune homme d'une trentaine d'années froisse son gobelet de café, et le jette dans la corbeille. Il n'est pas encore 7 heures, mais il va se mettre en route pour le port. Afin de savoir, le plus tôt possible, s'il pourra repartir sur le continent aujourd'hui. Ou s'il doit se préparer à une nouvelle nuit sur l'un des lits de camp du gymnase...
Hier soir, la situation était tendue, aux alentours du port de Bastia, alors que les passagers tentaient d'embarquer malgré le blocage :