Rixe au couteau sur le Vieux port de Bastia : deux ans de prison pour l'un des prévenus, et deux relaxes

Le tribunal correctionnel de Bastia n'a pas suivi les réquisitions du ministère public, qui étaient de 5 et 4 ans. Un seul des trois prévenus a été condamné pour l'agression au couteau du 22 janvier dernier.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Même si on doit apporter une réponse pénale, elle ne doit pas bafouer tous les principes. A partir du moment où il y a tellement de carences dans un dossier d'accusation, on est obligés de nous accorder le bénéfice du doute. Et ce soir, le tribunal a, me semble-t-il, fait une application très correcte, mais aussi très courageuse de la loi". Il est un peu plus de 19h, et dans la cour désormais silencieuse du palais de justice de Bastia, maître François Fabiani, l'avocat de Sofiane Elbay, l'un des deux prévenus relaxés, ne cache pas sa satisfaction. 

Un peu plus loin, Ismaël El Haddaoui, la victime, a le regard sombre. "Il m'ont porté des coups, ils avaient des couteaux... Si mon frère n'était pas là pour se mettre au milieu, j'étais mort. Et deux sont relaxés, l'autre il prend deux ans de prison". Le ton se fait plus véhément, et maître Aurélia Dominici Campagna, son avocate, le prend par le bras pour l'emmener à l'extérieur, où l'attendent ses proches. 

Expédition punitive

La déception d'Ismaël El Haddaoui est compréhensible, au vu des réquisitions du ministère public, une demi-heure plus tôt. Le procureur avait demandé, pour Sofiane Haddouch, 5 ans de prison. Le tribunal l'a condamné à 2 ans de prison, avec maintien en détention. 5 ans de prison dont 1 an avec sursis avaient été requis pour Sofiane Elbay, et 4 ans dont 2 avec sursis pour Salim, le grand frère de Sofiane Haddouch. Les deux hommes, eux, ont été relaxés. 

Pourtant le ministère public, durant son réquisitoire, n'avait pas mâché ses mots : "on n'est pas sur de la légitime défense, on est sur une expédition punitive. C'était une agression purement gratuite, et les faits auraient pu être beaucoup plus graves si des témoins n'avait pas incité les trois prévenus à prendre la fuite". Et la procureure de rappeler leur casier judiciaire. Plus ou moins lourd, plus ou moins lointain...
Mais le tribunal, apparemment, s'est rangé à l'avis de la défense. 

Il faut dire que l'audience n'avait pas franchement aidé y voir plus clair dans le déroulé des événements de la nuit du samedi 22 au dimanche 23 janvier dernier.

Seules deux choses ne faisaient guère de doutes : la première, c'est qu'Ismaël El Haddaoui bien a été poignardé, entre 6 et 9 fois, dans une ruelle tout près du Vieux Port de Bastia. La deuxième, c'est que Sofiane Haddouch, l'un des prévenus, âgé d'une trentaine d'années, lui a porté des coups. Il s'est lui même dénoncé, par un coup de téléphone au commissariat, à 2h10, une heure à peine après les faits. 

Mais ce qui a fait débat, durant près de quatre heures, dans la salle d'audience du tribunal correctionnel de Bastia, c'est combien ils étaient à poignarder Ismaël El Haddaoui. Et à qui appartenait le, ou les couteaux... Les témoignages de la victime et des trois prévenus sont brouillons, confus, parfois marmonnés derrière le masque.

On s'accuse d'avoir sorti un couteau, d'avoir récupéré celui de son adversaire, tombé à terre. On envisage qu'il y en ait eu deux, dont un, "presque de la longueur d'un sabre", selon un témoignage lu par la présidente, provoquant un "Va bè !" rigolard de Sofiane Haddouch.

Vous pouvez nous montrer la vidéo deux cents fois, c'est pas un écran qui fait apparaître les couteaux !

Me Fabiani

Qui a frappé qui, quelle est l'origine du différend, qui a tenté de séparer qui, qui a fait couler le premier sang ? Les versions divergent, et les témoignages extérieurs manquent. "On n'est pas allé interroger le patron du bar, pas plus que les amis des prévenus qui étaient sur place, on n'a pas rendu visite aux serveuses des restaurants du Vieux port qui les ont vu passer. C'est une enquête bâclée", ponctue maître Fabiani. 

Pour expliquer le flou de leurs explications, les trois prévenus, eux, évoquent le degré d'alcoolémie, et "les choses" qu'ils avaient prises durant la soirée. Ils tentent de mimer l'altercation, parlent à plusieurs, devant un tribunal parfois démuni. "Je ne savais plus ce que je faisais, lance Sofiane Haddouch. Et puis j'avais peur".

La présidente lève un sourcil : 

- "vous vous êtes vus sur la vidéo ? Vous n'avez pas l'air d'avoir trop peur".

- "Non, je ne me suis pas vu". 

Confusion

Une vidéo de l'agression, filmée par un client de l'établissement devant lequel l'altercation a eu lieu. Un retournement de situation digne des meilleurs procedurals américains, pour le public, qui se lève pour pouvoir mieux voir l'écran de la télévision appuyée pour l'occasion contre un mur de la salle d'audience.

Résultat, six secondes de film, de mauvaise qualité, où l'on distingue à peine ce qui se passe. Pas sûr que cela éclaire l'affaire d'une lumière nouvelle. Mais le ministère public passe néanmoins à l'attaque.

La procureure s'adresse à Sofiane Elbay : "sur cette vidéo, on vous voit arriver avec un couteau de boucher et donner des coups de couteau !" Maître Fabiani bondit : "on voit ça dans la vidéo ? Où, vous avez vu ça ?" Il se tourne vers la greffière : "je veux qu'on le note !" La tension monte entre les différentes parties. On s'approche de l'écran, on tente de disséquer une vidéo granuleuse de quelques secondes. Et chacun y voit ce qu'il veut y voir. 

Mon client a cru mourir.

Me Dominici Campagna

Maître Dominici Campagna lance à la cantonade : "mon client dit qu'il y a un moment où quelqu'un lui dit "je vais te tuer !", et cette nouvelle information ajoute un peu plus à la confusion. On repasse plusieurs fois la bande, sans rien de probant.

La présidente commente : "c'est une vidéo plus que déplorable, on a le matériel qu'on a...", avant de proposer que tout le monde se regroupe autour de l'écran de la greffière, où la qualité serait meilleure. Maître Fabiani lève les yeux au ciel : "vous pouvez nous la montrer deux cents fois, madame la présidente, c'est pas un écran qui fait apparaître les couteaux !"

La séquence se termine dans un flou qui en dit long sur le dossier. Rien de définitif n'est ressorti du visionnage de cette vidéo, que son auteur avait interrompu dès qu'il avait vu que la situation dégénérait. Hormis, tient à rappeler maître Dominici Campagna, "des agresseurs. Et croyez-moi, mon client a cru mourir"

Tarif de groupe

"On ne condamne pas des gens sur des supputations", lancera, à la barre, en fin d'après-midi, maître Fabiani, l'avocat de Sofiane Elbay. Et ses deux confrères, Me Nathalie Airola et Me Antoine Giudici, enfonceront le clou, longuement, au cours de leur plaidoirie. "Ne tombez pas dans la logique du tarif de groupe", lancera ce dernier au tribunal en conclusion de son intervention. 

Le tribunal correctionnel de Bastia a été sensible à ces arguments. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information