Samedi 22 octobre, la course pédestre entre Centuri et Bastia a dû être neutralisée en raison du manque d’eau à certains points de ravitaillement. Plusieurs participants ont pointé "l’amateurisme" des organisateurs. Ces derniers, "conscients de [leur] part de responsabilité", évoquent "le manque de bénévoles". Depuis deux jours, la polémique enfle, notamment sur les réseaux sociaux.
"Manquement dans l’organisation", "absence de logistique", "amateurisme".
Depuis deux jours, les organisateurs du trail A Serra di u Capicorsu - qui s'est déroulé samedi 22 octobre - font l’objet de vives critiques de la part de plusieurs participants, notamment sur les réseaux sociaux.
Il leur est surtout reproché un "manque d’eau et de nourriture" à certains ravitaillements et un "balisage insuffisant" sur le parcours reliant Centuri à Bastia, soit 57 km avec un dénivelé positif de 2900 mètres.
"Nous ne sommes pas dans le déni, prévient Cédric Santucci, trésorier de l’association Mantinum en charge de la course. On a beaucoup de retours avec des gens qui se plaignent. On s’excuse auprès des coureurs de la fin des événements. En tant qu’organisateurs, notre priorité est d’assurer la sécurité de tous."
Course neutralisée
Disputée samedi dernier sous des températures très élevées pour une fin octobre, la troisième édition de ce trail a dû être neutralisée après le dernier ravitaillement, situé dans le secteur de Ville-di-Pietrabugno.
"En concertation avec les pompiers et le médecin présents sur place, on a pris nos responsabilités et on a décidé de banaliser la course à partir du ravitaillement 4, explique Cédric Santucci. On nous reproche d’avoir pris les bonnes dispositions."
"Il y a eu un manquement très grave, considère de son côté Franck Paraire, l’un des participants. Quand je suis passé, il n’y avait ni eau ni bénévoles au quatrième ravitaillement. Il n’y avait que des pompiers. J’ai été obligé de boire du sérum physiologique et un peu de coca qu’ils m’ont donné. Le balisage était obsolète sur plusieurs parties de la course. Je suis scandalisé, c’est inacceptable", lâche le coureur qui a pu finir la course "tant bien que mal".
14 abandons, 60 coureurs hors course
Sur les 189 partants (solo et duo confondus), 115 ont franchi la ligne d’arrivée sur la place Vincetti, dans la citadelle de Bastia. 14 ont abandonné et 60 ont été déclarés hors course.
"Vers 14h50, à partir du ravitaillement numéro 4 qui était le dernier, nous avons pris la décision d’arrêter l’épreuve, explique Cédric Santucci. Les concurrents qui étaient passés avant ont pu continuer jusqu’à Bastia, les autres ont été stoppés et dirigés vers Ville-di-Pietrabugno. Là, on a fait monter des cars pour les récupérer et les ramener à Bastia."
Du côté de plusieurs coureurs, certains avancent qu'on "a frôlé la catastrophe". Si on ne compte aucun blessé grave, un participant a dû être pris en charge par les secours à l’arrivée à Bastia.
Sébastien Leduc Dominici s'est quant à lui rendu aux urgences "par ses propres moyens".
"Nous avons dû regagner la marine de Sisco par nos propres moyens, assisté par un bénévole, explique le coureur, infirmier aux sapeur-pompiers. Nos familles ont dû venir nous chercher pour regagner Bastia. Nous avons été livrés à nous-mêmes, épuisés après plusieurs heures d'effort. J'ai quasiment passé 24 heures au service des urgences. Après une batterie d'examens et avis d'un néphrologue, j'ai pu regagner mon domicile aujourd'hui. J'espère juste ne pas avoir de séquelles."
"C'est inadmissible d'engager près de 200 participants avec la météo annoncée sur plus de 50km et autant de lacunes."
Un participant à l'épreuve
Concernant la météo, les températures flirtant avec les 30 degrés sur les crêtes ont-elles été suffisamment prises en compte par les organisateurs ?
"La veille du départ, répond Cédric Santucci, nous avons fait un point météo avec le SIS2B. Il annonçait un temps nuageux avec du vent. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Dès le matin très tôt, il faisait déjà 15 degrés. Ensuite, c’est monté à 30 degrés vers midi avec un vent très chaud sur les crêtes. Du coup, quand les coureurs arrivaient au ravitaillement en bouteille, ils n’ont pas seulement bu. Ils se sont mouillés la nuque, le visage… Quand on a compris qu’ils seraient en difficulté, on a commencé à acheminer des packs d’eau en 4X4, ce qui a pris un peu de temps. On a fait un ravitaillement sauvage à Cardo car c’était plus facile d’accès."
"C'est inadmissible d'engager près de 200 participants avec la météo annoncée sur plus de 50km avec autant de lacunes pour des organisateurs, pointe sur Facebook Cédric CB, l'un des participants. Heureusement que des randonneurs ont ravitaillé certaines personnes ainsi que les pompiers avec leurs propres réserves. À partir du top 20, il n'y avait plus rien et il restait encore plus de 150 personnes derrière. Lorsque l'on n'est pas capable d'organiser dans la sécurité ce genre d'événement, on ne le fait pas. Aberrant..."
"Repenser les ravitaillements"
Organisée une première fois en 2019, la course n’avait pu se dérouler l'an passé. L'Associu Mantinum indique qu’elle avait "prévu les mêmes stocks d’eau que lors des deux premières éditions pour le même nombre de coureurs".
"Il faut repenser les ravitaillements, avance un autre participant sur Facebook. Plus de 17 km sans point d’eau entre le 2ème et le col Saint-Jean, c’est beaucoup trop avec cette chaleur. J’ai croisé beaucoup de coureurs en difficulté, déshydratés avec des crampes."
"Certains se plaignent que les ravitaillements étaient espacés mais le règlement stipulait bien leur emplacement, précise Cédric Santucci. Ils ont été placés aux mêmes endroits que l’an passé. Seul un point d’eau a changé par rapport à la première édition. Cela a été très compliqué de le mettre en place cette année. Avant, on montait avec un 4X4 mais là on n’a pas pu."
Depuis samedi, sur les réseaux sociaux, plusieurs participants réclament le remboursement des dossards (65 euros l'inscription en solo). Mantinum, également en charge de la course de la Spassighjata à Bastia, a fait savoir dans un communiqué qu'elle "s'engage dès à présent à faire un geste envers les coureurs de la troisième édition de la Serra di u Capicorsu, en les invitant à la Spassighjata."
"Une invitation à votre prochain événement sur Bastia pour tous les participants en guise de consolation et nous faire avaler votre pilule est inacceptable, rétorque Cédric CB, l'un des coureurs. Vous devriez rembourser les 80 personnes que vous avez dû stopper pendant la course à cause de votre très mauvaise gestion et ce manque d'eau cruel."
"Manque de bras"
Ces failles dans l’organisation soulèvent une autre problématique : celle du manque de bénévoles. Depuis quelque temps, ces derniers sont moins nombreux dans les associations.
"On a manqué de bras et de personnes, reconnaît Cédric Santucci. Au-delà de la course, c’est très compliqué aujourd’hui de mobiliser des gens sur des actions bénévoles, encore plus quand il faut se lever à 4 heures du matin pour se rendre en montagne. Par rapport à l’édition de 2019, le nombre de nos bénévoles a été divisé par trois. À l’association, nous ne sommes plus que six membres depuis que les anciens sont partis. Il faut noter qu’il y a de moins en moins de course. La Capicursina a disparu car elle était portée par un petit nombre de personnes."
"Sur la Serra di u Capicorsu, on pourrait peut-être travailler avec d’autres associations et clubs de la discipline."
Cédric SantucciAssociu Mantinum
Pour l’associu Mantinum, également en charge de l’Ultra Trail Terre des Dieux, les incidents survenus samedi pourraient avoir des conséquences sur la suite des courses pédestres qu’elle organise.
"Tout cela nous pousse à nous questionner sur un événement comme celui-ci et sur le Terre des Dieux qui est énorme, concède Cédric Santucci. Peut-être que nous allons davantage nous replier sur Bastia et la Spassighjata et laisser l’organisation du Terre des Dieux à des professionnels. Sur la Serra di u Capicorsu, on pourrait peut-être travailler avec d’autres associations et clubs de la discipline."
Dimanche soir, dans son communiqué, l'associu Mantinum a annoncé qu'un nouveau bureau serait créé.