Benjamin Franceschetti, la révélation corse du roman noir

Son premier livre, Si le geste est beau, roman d'espionnage dans le monde des anarchistes du début du XXe siècle, est sorti il y a un peu plus d'un mois. Et a séduit critiques et lecteurs à travers la France. Nous l'avons rencontré à Quais du Polar, le plus grand festival européen du genre, à Lyon.

Dans la corbeille du palais de la Bourse de Lyon, c'est l'effervescence. C'est ici qu'est installée l'immense librairie où la centaine d'auteurs du monde entier se retrouvent pour rencontrer les lecteurs et se livrer à d'interminables séances de dédicace, entre deux débats organisés à travers toute la ville.

Franck Thilliez, Joann Sfar, Dennis Lehane, Elizabeth George, Olivier Norek, Victor Del Arbol, Michel Bussi, Marin Ledun, DOA, Jacky Schwartzmann, R.J. Ellory, Jake Aldenstein... Tout ce que le roman noir compte de têtes d'affiche a répondu présent à l'invitation du plus grand festival du polar européen, Quais du Polar. 

Baptême du feu

C'est le premier festival littéraire dans lequel est invité Benjamin Franceschetti. Le jeune professeur de philo de 32 ans a sorti son premier livre, Si le geste est beau, il y a un mois à peine. Mais son éditeur, La manufacture de livres, croit beaucoup au potentiel de ce roman d'espionnage qui se déroule à la veille de la première guerre mondiale.

Un roman dans lequel se croisent espions, flics, anarchistes, terroristes, journalistes et hommes politiques, et où il vaut mieux se méfier des apparences si l'on veut vivre un jour de plus. Quelques jours seulement après la sortie du livre, Si le geste est beau devait déjà être réédité, victime de son succès, dû à l'enthousiasme des libraires, et des premiers lecteurs.

Entre Bastia, Luri, Asco, et Garges-Lès-Gonnesse

Benjamin Franceschetti, assis derrière l'un des stands des libraires, discute avec Hélène Couturier, une autrice de chez Rivages. Avant d'aller rejoindre dans un restaurant voisin son père et sa mère, venus de Corse pour assister aux premiers pas de leur fils sur la scène du polar français. Le premier a quitté sa mairie d'Asco, et la seconde, ses élèves de SVT du lycée du Fango, le temps du festival. 

Dans le tourbillon de Quais du Polar, Benjamin Franceschetti garde la tête froide : "C'est un monde que je découvre, c'est tout nouveau, et je n'ai aucun moyen de comparaison... Ma seule pression, ce sont les copies du bac que je dois corriger ! J'en ai fait une partie avant de venir, et je lirai les derniers à mon retour à Garges-Lès-Gonesse, où j'enseigne..."  

Entretien

Vous avez eu l'occasion de rencontrer certains de vos auteurs préférés, durant le festival ? 
En y réfléchissant, je me rends compte que la plupart d'entre eux sont morts (rires) ! Valerio Evangelisti, ou Andrea Camilleri... Mais j'aime aussi beaucoup Valerio Varesi, qui lui, est vivant. Dans mes auteurs favoris, il y a aussi John Le Carré ! Ca a été une révélation, une vraie claque, quand je l'ai découvert, il y a quelques années...

Et puis c'est le pape du roman d'espionnage, un genre dans lequel vous vous êtes illustré avec votre premier roman, Si le geste est beau...
Etonnamment, ce n'est pas un genre que je connais vraiment. A part John Le Carré, j'ai dû lire deux, trois autres auteurs d'espionnage.

Comment vous en êtes venu à écrire ce premier livre ?
Il est né d'un projet qui, à l'origine, était très différent. Je voulais écrire un roman de Science-fiction, qui se déroulerait dans un univers parallèle. Une uchronie. Mais pour cela il me fallait un point de divergence, un moment où l'histoire bifurque, et prend une autre direction que celle que l'on connaît. Et pour le bien de mon histoire, il fallait que la Première guerre mondiale n'ait jamais eu lieu. Alors j'ai commencé à faire des recherches sur le contexte dans lequel le conflit est né. Et je suis tombé sur l'histoire de Joseph Caillaux, le ministre des finances, dont les ambitions politiques vont connaître un arrêt brutal à la suite du meurtre du rédacteur en chef du Figaro par sa femme... J'ai trouvé cette histoire passionnante. J'ai eu envie de travailler sur cela, et au fur et à mesure, l'aspect SF a fini par disparaître.

J'ai toujours écrit. Mais j'écrivais principalement pour moi

Le roman débute une série d'attentats commis par une bande d'anarchistes, qui intriguent les autorités et la presse. Et qui vont servir de révélateur à l'immense jeu de dupes qui règne en Europe à la veille de la guerre. C'est une période de l'Histoire qui vous intéressait ? 
Pas spécialement. Je regardais cela de loin, pendant mes études. Mais une chose m'a toujours plu, c'est le roman policier, le roman-feuilleton qui connaissaient un grand succès à cette époque. D'ailleurs je cite Maurice Leblanc, Gaston Leroux, des auteurs que je dévorais lorsque j'étais au collège. Et puis j'avais déjà abordé la question de l'anarchisme durant mes années d'étude de philosophie. 

Votre roman est très documenté, dense. Vous n'avez pas craint de perdre le lecteur ? 
Oui, j'en avais très peur. A mi-parcours, je me suis dit qu'il y avait beaucoup trop de personnages, j'ai redécoupé, réduit, et j'ai même envisagé d'en enlever, mais je n'y arrivais pas. Tous avait un point de vue différent, tous étaient nécessaires à l'intrigue, alors j'ai laissé tomber. 
Et puis il y avait un autre écueil, aussi. C'est l'installation des personnages qui ont vraiment existé, comme Caillaux. Je ne voyais pas comment l'introduire auprès des lecteurs et aux lectrices qui ne le connaissaient pas. Une personnage ne pouvait expliquer qui était Caillaux. Tout le monde le savait  l'époque. C'est comme si, aujourd'hui, on se sentait obligé de préciser, au cours d'une conversation, que Macron est président.
Mais moi, je le devais. Et j'avais un choix entre un grand pavé de texte narratif qui s'insérait très, très mal, et des gens qui en parlaient autour d'une table, mais c'était complètement factice. J'ai beaucoup cherché un autre biais, avant de penser à me servir d'Eugène, l'un de mes héros, qui est toujours à côté de la plaque, et qui a toujours besoin d'une piqûre de rappel. Ca m'a beaucoup aidé ! 

Vos dialogues sont très réussis. Ils ne sonnent pas anachroniques, ou trop ampoulés. Vous y avez consacré beaucoup de temps ? 
J'ai longuement hésité, en particulier pour les discussions entre les anarchistes. Je voulais intégrer de l'argot, et j'ai lu Albert Simonin, qui est l'un des maîtres de l'argot chez les truands, dans ses romans. Et ça m'a convaincu de laisser tomber. Au bout de quelques pages, je ne comprenais rien à ce que j'avais lu ! Alors j'ai renoncé à transformer mes dialogues, et je me suis contenté de quelques petites modifications...

Je travaille sur trois nouveaux romans

Comment le professeur de philo bastiais s'est mis à écrire un roman ?
J'ai toujours écrit. Mais j'écrivais principalement pour moi. J'avais parfois essayé d'envoyer un manuscrit, mais sans y croire plus que cela, et je suis content, après coup, qu'il ait été refusé. 

Pourquoi ? 
Avec le recul, je me rends compte que ce livre avait surtout servi à m'éviter des mois de psychanalyse, en gros ! Et il n'y a rien de plus ennuyeux à lire que la psychanalyse de quelqu'un... Et puis il y a les livres sur lesquels je travaillais, et que je laissais tomber très vite, parce que je me rendais compte qu'ils étaient trop influencés par ce que je venais de lire... Alors maintenant, pour me préserver de cela, quand j'écris, je lis soit des essais, soit des romans dont le genre est très éloigné de ce que je suis en train d'écrire. 

Vous travaillez sur un nouveau roman ? 
Je travaille sur trois romans. Le premier est bien avancé, il est presque terminé. Le second se passe en Corse, dans les années1990, 2000. Et le troisième, qui n'est qu'à l'état d'ébauche, se passera à la Belle époque, et parlera de complotisme. 

Comment vous faites pour mener tout cela de front ? 
Je travaille sur l'un ou l'autre selon les périodes de l'année scolaire. L'étape des recherches, ça bouffe beaucoup de concentration, par exemple. Il faut pouvoir s'y consacrer entièrement... Quand j'ai un peu de temps libre, c'est l'idéal pour un premier jet. Le moins exigeant, en matière de planning, c'est le travail de la relecture, de la réécriture. Ca, je peux l'étaler dans le temps, au gré de mes disponibilités.

Benjamin Franceschetti sera en dédicace à Bastia, à la librairie Papi, le 26 avril. Il sera également l'invité des rencontres littéraires Libri Mondi Broie du Noir à Luri le 26 mai prochain. 

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