"C'est un chant guerrier à l'inverse de mes valeurs", en Corse, l'idée d'apprendre la Marseillaise à l'école ne séduit pas

Dans une conférence de presse, Emmanuel Macron s'est déclaré "totalement favorable" à l'apprentissage de l'hymne national à l'école primaire. Une mesure qui ne suscite pas un grand enthousiasme sur l'île.

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Les écoliers seront-ils bientôt tous amenés à apprendre la Marseillaise ?

Devant une équipe gouvernementale presque au complet, quelque 250 journalistes et plus de 8,7 millions de téléspectateurs, Emmanuel Macron a multiplié les annonces, mardi 16 janvier, en conférence de presse. Un rendez-vous de deux heures et vingt minutes, au cours duquel a notamment été abordé le sujet de l'éducation.

Le chef de l'Etat s'est tour à tour exprimé sur la question du service national universel - qui devrait être généralisé dès la classe de Seconde - ; les heures d'instructions civiques - qui seront doublées dès la cinquième - ; la mise en place de cérémonies de remises de diplômes - dès cette année dans les collèges et lycées - ; ou encore la tenue unique - qui pourrait être généralisée dès 2026 si l'expérimentation menée dans 100 établissements scolaires volontaires cette année se révèle concluante -...

Esquissant ainsi l'idée d'une école plus "républicaine", au "cœur" de la Nation, où l'on pourrait même acter dès le primaire l'apprentissage de l'hymne national. Interrogé par un journaliste sur ce point, Emmanuel Macron s'est déclaré "totalement favorable" à cette mesure, la qualifiant même "d'indispensable" : "C'est ce qui nous unit, c'est le fruit de notre histoire."

Apprendre la Marseillaise à l'école ? Une mesure qui n'aurait de neuf que la formulation, selon Fabien Mineo, secrétaire départemental du Snuipp-Fsu en Haute-Corse. "On enfonce des portes ouvertes. Si l'on regarde les programmes d'instruction civique, l'étude de l'hymne y est déjà. C'est juste un rappel de circonstance."

"Dès le CE2, on peut commencer à chanter quelques couplets de La Marseillaise"

Les programmes scolaires actuels prévoient effectivement déjà l'étude des "symboles de la République française" en primaire afin que les élèves sachent d'abord les reconnaître, puis en "comprendre le sens".

"Dès le CE2, on peut commencer à chanter quelques couplets de La Marseillaise mais c'est en classe de CM1, en cohérence avec l'étude de la Révolution française, qu'une approche plus approfondie de l'hymne trouvera toute sa signification", détaille ainsi Eduscol, le site à destination des professionnels de l'éducation, édité par le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.

"Je n'aime pas la Marseillaise"

Sauf que dans les faits, l'hymne national n'est pas étudié par tous les écoliers. En Corse, à en croire plusieurs anciens élèves et parents d'élèves, de nombreuses classes ne s'attarderaient ainsi pas sur ce point : "Je ne l'ai pas vu à l'école, et mes enfants ne l'ont pas appris non plus, indique ainsi cette mère de deux collégiens de 12 et 14 ans. Je n'en vois pas vraiment l'intérêt, et ce n'est pas comme si je comptais leur apprendre à la maison."

Marine, 17 ans, assure également ne pas se souvenir avoir appris ni même lu l'hymne national "ni en primaire, ni au collège, ni maintenant au lycée. Ça a peut-être été vaguement abordé à un moment, mais dans ce cas ça ne me dit rien du tout", glisse-t-elle. À côté d'elle, ses camarades de classe acquiescent.

"Je dirai à mes enfants de ne pas chanter la Marseillaise s'ils n'en ont pas envie"

Ce qui n'est pas plus mal pour S., père de deux garçons de 12 et 8 ans, et d'une petite fille de 5 ans. Son plus grand fils n'a pas eu à étudier la Marseillaise en classe, les deux plus jeunes n'y ont pour l'heure pas non plus été confrontés, et cela lui convient très bien.

"Je n'aime pas la Marseillaise. C'est un chant guerrier à l'inverse de mes valeurs", justifie-t-il, avant de tenter le jeu de mots : "Je n'ai pas envie qu'un sang impur abreuve mes sillons".

"Pour moi, poursuit-il, c'est juste un verni politique pour essayer de redorer l'esprit de patriotisme, au vu du virage à droite que prend la France. Il n'y a pas de conviction chez [Emmanuel Macron], si ce n'est de se placer dans le sens du vent. Donc infliger ça aux enfants pour satisfaire sa stratégie de communication, ça m'exaspère."

Et si la Marseillaise venait à être apprise, voire travaillée dans les classes de ses enfants, "je leur dirais de ne pas la chanter s'ils n'en ont pas envie".

"C'est une partie marquante de notre histoire."

Reste bien quelques-uns, comme Léa, la vingtaine, qui ne sont pas réfractaires... voire même dans son cas, plutôt pour la mesure.

Si elle n'a pas appris l'hymne national à l'école, elle considère comme important d'en connaître "au moins le premier couple et le refrain, simplement parce que c'est une partie marquante de notre histoire. Je ne vois pas forcément ça comme une représentation d'un amour particulier pour la France ou quoi que ce soit, mais plus une partie de l'histoire du pays dans lequel les enfants font leur scolarité."

Hymne français, hymne corse

L'apprentissage de l'hymne national en école primaire serait-il plus difficile à faire passer en Corse, territoire à forte identité régionale, qu'ailleurs sur le continent ?

"La problématique est entière, estime Fabien Mineo, représentant Snuipp-Fsu de Haute-Corse. Parce que si on applique cette doctrine-là voulue par le président, on se tourne vers l'adaptation des programmes, et peut-être la mise en place de spécificités régionales."

"On peut se poser la question de fait de pourquoi ne pas apprendre le Dio vi salvi Regina à l'école."

Car la Corse, rappelle-t-il, a un hymne, le Dio vi salvi Regina. "Un hymne qui est certes teinté de religiosité, mais quand on le compare à un chant barbare... On peut se poser la question de fait de pourquoi ne pas apprendre le Dio à l'école."

Pour S., père de trois enfants, l'apprentissage des deux hymnes de manière combinée pourrait d'ailleurs être une solution : "Si on parle de l'hymne national, qu'on parle de tous les autres, en expliquant le pourquoi du comment. Même, pourquoi pas, les autres hymnes européens. Ce qui deviendrait intéressant, ce serait de les mettre en perspective."

Des annonces et des actions

Marseillaise ou non, pour Fabien Mineo, les annonces d'Emmanuel Macron sur l'éducation et la jeunesse dans leur ensemble appellent désormais à de "véritables" actions. "Pour l'uniforme scolaire, par exemple. Ce n'est pas en parlant de l'abaya ou de l'uniforme que l'arbre va se cacher derrière la forêt. La forêt représentant l'ensemble des besoins qu'à aujourd'hui l'éducation nationale en termes de moyens, notamment humains", regrette-t-il.

Pour le secrétaire départemental du Snuipp-Fsu, les problématiques de fond, telles que "la révision de la carte des REP" (réseaux d'éducation prioritaire), inchangée depuis 20 ans, la lutte contre le harcèlement, ou encore "une meilleure reconnaissance du métier d'enseignant, qui se traduit enfin par une vraie hausse des salaires, parmi les plus bas de l'union européenne".

"On nous dit depuis des années que l'éducation nationale sera au cœur du mandat Macron. Mais en tant qu'acteurs de terrain, on entend les annonces, mais on ne voit pas, ou trop peu, venir les actes", conclut Fabien Mineo.

Service national universel, uniforme, théâtre au collège ou cérémonies de remise des diplômes, plusieurs des mesures énoncées par le chef de l'Etat devraient être mis en place, de manière volontaire ou obligatoire à moyen terme.

Restera alors à étudier, en temps venu, les retours de ces divers changements et expérimentations. 

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