Covid19 et confinement: en Corse, les petits commerçants se déshabillent pour alerter sur leur situation

Contraints de fermer leurs portes, les commerçants et artisans de Corse tirent la sonnette d'alarme d'une manière pour le moins originale. Le succès est au rendez-vouds, et le mouvement #APOIL prend de l'ampleur. 

Nathan n'a pas hésité très longtemps. Hier après-midi, il est monté sur sa moto. Direction Venzolasca, et le studio photo Brut de Vie

Sur l'attestation de sortie qu'il a glissée dans son blouson, il a coché "Achats de première nécessité". Il fallait bien qu'il coche quelque chose, en cas de contrôle des gendarmes. Et il n'y a pas de case "activité de protestation contre le gouvernement".

De toute manière, l'escapade durera plus d'une heure, alors une entorse de plus ou de moins au règlement...

A Venzolasca, Caroline l'attend, appareil photo en main. Nathan passe derrière un paravent, et se déshabille. Totalement. Il devra se contenter d'un casque de boxeur pour dissimuler son sexe.

La séance ne dure pas très longtemps. Nathan est coach. Et même si l'on est pudique, c'est plus facile de se dévoiler lorsque l'on est bâti comme un sportif ! Mais toutes celles et ceux qui ont défilé depuis une semaine devant l'objectif de Caroline Gilles se sont prêtés à l'exercice de bonne grâce.
Le jeu en valait la chandelle.

Manifester son désaccord. Différemment.

Tout a commencé le 9 novembre dernier. Caroline est en colère contre l'Etat, qui a a fait fermer les petits commerces "non-essentiels" durant le confinement. 

La photographe apprend qu'un collectif regroupant des professionnels du secteur s'est réuni sur le continent pour lancer une campagne dénonçant leurs conditions de travail pendant le confinement. 

Au bout de deux jours, ça a pris une ampleur inattendue

Caroline Gilles

Caroline est séduite par la démarche, et rejoint le mouvement, en se prenant elle-même en photo, avant de la poster sur les réseaux sociaux. Mais elle ne s'arrête pas là.

"J'ai demandé à mon esthéticienne, puis à une amie qui travaille dans une auto-école, si ça les intéressait. Elles ont dit oui, et très vite, ça a pris une ampleur inattendue. Au bout de deux jours, les gens m'ont contacté par internet"
 

Même si cela n’a pas été facile et si ça sera l’unique et dernière fois que je m’exposerai comme cela, j’ai décidé de...

Publiée par Brut de Vie Photographie sur Lundi 9 novembre 2020
C'est le cas de Nathan, qui s'apprête à repartir vers Bastia. Une initiative de ce genre, pour le coach sportif, "va faire prendre conscience aux gens que tout le monde est dans la merde. Nos clients nous aiment bien, alors mettre notre visage sur le problème, ça va les toucher plus."

 Caroline acquiesce. " On a des aides de l'Etat, c'est vrai, mais elles servent à peine à payer notre loyer. Le problème est bien plus profond. On est à l'arrêt depuis des mois, et bientôt il va falloir commencer à payer les traites du crédit Covid... Avec quoi ? Je ne sais même pas comment je vais donner à manger à mes enfants le mois prochain. Et je ne parle même pas des cadeaux de Noël !"

Des mesures de confinement jugées injustes

Nathan y a cru, pendant quelques semaines, au mois de septembre. Et puis, alors qu'il commençait à retrouver de l'activité après plusieurs mois de disette, nous raconte-il, "on m'a refait le coup du confinement !"
 
Pour eux, comme pour toutes celles et tous ceux qui sont passés au studio dans la semaine, les mesures sont incompréhensibles. Et incohérentes. 

L'Etat préfère envoyer les gens dans des photomatons dégueulasses que dans mon studio photo !

Caroline Gilles



"On marche sur la tête, en ce moment. On fait tout à l'envers. On laisse ouvertes les grandes surfaces qui brassent un monde fou, et nous, qui proposons des gestes sanitaires scrupuleux, avec peu de monde et sur rendez-vous, on nous fait fermer."
Caroline a du mal à dissimuler son agacement. "Pour les photos d'identité, le gouvernement préfère envoyer les gens dans des photomatons dégueulasses, jamais nettoyés, que de les laisser venir chez moi !"

Un mouvement qui prend de l'ampleur

En une semaine, le succès de l'initiative relayée par caroline Gilles est impressionnant. Il n'a pas échappé à Karina Goffi, la présidente de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'Hôtellerie) Haute-Corse.

Karina prépare un dossier avec l'ensemble des professionnels de l'île, qu'elle va soumettre à la CDC. Le but, forcer Paris à "prendre en compte les spécificités corses et venir vraiment en aide" aux commerçants et artisans. "Pour l'instant on a des effets d'annonce, mais pas grand chose d'autre"

Fleuriste, boucher, boulanger... On voudrait un représentant de chaque métier !

Karina Goffi


Pour soutenir la démarche, et l'illustrer de manière originale, KarinaGoffi appelle le maximum de professionnels à rejoindre le mouvement #APOIL, et à se prêter au jeu de la photo de nu.

"On voudrait un représentant de chaque métier. Un fleuriste, un boucher, un boulanger... Et pour l'instant ça avance bien !"
Pas mal de boulot en perspective pour Caroline Gilles, dans une période qui en manque tant. La photographe s'en amuse. Ce n'est pas ça qui fera bouillir la marmite. 

"Certains m'ont proposé de me payer, mais pas question ! C'est un vrai engagement, il faut aller jusqu'au bout. On parle tout le temps de liberté, d'égalité, et puis surtout de fraternité. Là, pour une fois, on a l'occasion de mettre ces principes en pratique..."



 
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