La boutique U Cappia è Piglia qui réinvente le recyclage à Cervione, comment ça marche ?

Depuis quatre ans, U Cappia è Piglia est devenu le rendez-vous en Corse des chineurs, des bricoleurs, et de ceux qui veulent lutter contre le gaspillage. Il n'existe que deux boutiques du genre en France. On a voulu en savoir plus sur les raisons de ce succès.

Aude tend les quelques livres qu'elle a choisis pour ses petits enfants au-dessus du comptoir. Catherine Piombini les pose sur la petite balance, chausse ses lunettes de vue et note avec soin le poids total dans son carnet.

La responsable de la boutique U Cappia é Piglia rend les ouvrages illustrés à Aude, qui rejoint sa voiture, avant de prendre la route pour rejoindre Santa Reparata di Moriani, où elle réside à l'année. 

Sans avoir déboursé le moindre centime.

"Tout est gratuit, chez nous", sourit Catherine. "On se contente de peser tout ce qui part, pour mesurer l'activité du magasin. En juillet dernier, par exemple, il y a plus de 800 kilos de matériel qui est parti... Pas mal pour un endroit qui n'est ouvert que deux matinées par semaine !"

Supermarché inversé

Depuis son ouverture il y a quatre ans à Cervione, le succès d' U Cappia é Piglia ne se dément pas, se réjouit Serge Bereni, responsable de l'environnement et des déchets à la communauté de communes de Costa Verde. "On attire des gens venus de toute la Corse. On a même un couple d'habitués qui monte de Propriano ! mais c'est assez logique, finalement. On est le seul supermarché inversé de l'île". 

U Cappia é Piglia est même l'un des deux seuls établissements du genre en France. Le deuxième se trouve à Libourne, en Gironde. Il y a quelques années, Serge Bereni, qui découvre cette initiative alors qu'il visite le site de traitement des déchets de la région, a l'idée de la transposer en Corse. "On avait ce hangar, à la recyclerie de Cervione, qui n'était pas utilisé, et avec nos élus, on a décidé d'y ouvrir U Cappia é Piglia". 

Dans le grand local, de plus de 100 mètres carrés, des rayons dédiés, à l'informatique, aux livres, aux jeux pour enfants, à la vaisselle, à l'électroménager, à la maroquinerie ou aux DVD, et du choix. Beaucoup de choix.

Marie-Rose, qui vient régulièrement, de Valle-di-Campoloro n'est pas mécontente de sa dernière trouvaille. Une petite chaise pliante qui lui rendra bien service la prochaine fois qu'elle ira à la pêche. "On trouve de tout, ici. Quelle idée merveilleuse, cet endroit !", se réjouit-elle. 

Peu importe les revenus, Cappia é Piglia est ouvert à tout le monde !

Serge Bereni

De prime abord, U Cappia é Piglia ne se distingue pas vraiment des boutiques solidaires que l'on trouve partout en Corse et ailleurs. Et pourtant, contrairement à ces dernières, le supermarché inversé de Cervione ne s'adresse pas uniquement aux plus défavorisés, comme nous l'explique Serge Bereni : "Peu importe les revenus, tout le monde peut venir. On n'a pas pensé à cet endroit dans un esprit uniquement social, même si c'est bien sûr très important, au vu de la précarité dont sont victimes de nombreuses personnes en Corse. Parmi nos habitués, il y a des gens aisés, qui aiment les vieilles choses, qui aiment customiser, qui sont sensibles à l'idée de ne pas gâcher. Récemment, un menuiser a récupéré une vieille horloge et l'a totalement refaite. L'idée, avec U Cappia é Piglia, c'est de réduire l'enfouissement, et de valoriser". 

Les gens sont de plus en plus sensibles à cette démarche de valorisation. C'est le cas de Catherine, qui a longtemps fréquenté l'endroit, avant d'y travailler, bénévolement. "J'ai été motivée par le principe. Je suis très intéressée par le principe du recyclage. Je récupère les vieux tissus, je les recycle, et je fais les marchés, l'été, pour vendre ce que j'ai fabriqué... Les gens jettent tellement de choses qui méritent une deuxième vie"

Deuxième vie

Si les "clients", les mardi et vendredi matin, ne manquent pas, les dons sont également très nombreux. "Tout le monde a des choses qui ne lui servent plus. On débarrasse son garage et on s'aperçoit qu'on emmagasine les choses... Alors plutôt que d'encombrer les poubelles, on les amène ici. Et puis ça peut rendre service à des gens qui sont dans la précarité", estime Jean-Pierre, qui vient de déposer plusieurs cartons de matériel informatique, et quelques jouets qui ne marchent plus, mais qu'un minimum de sens de bricolage, pourraient retrouver leur jeunesse. 

"Cet endroit, ça recrée également du lien social pour les gens du coin", se réjouit Catherine, qui remet un peu d'ordre dans les piles de disques qui s'ammoncellent derrière la caisse. "Les gens viennent pour chercher quelques choses, et puis ils s'attardent, ils discutent. A l'heure actuelle, on sent bien qu'ils ont besoin de ça". 

Pousser les murs

"Le succès est tel que l'on va s'agrandir", annonce Serge Bereni. "On a obtenu l'aval des élus, on va donc ouvrir la partie arrière, où l'on va créer un atelier réparation, et un espace couture, où Catherine apprendra aux gens à coudre". 

Le responsable de l'environnement et des déchets à la communauté de communes de Costa Verde ne peut pas encore donner de date d'ouverture, mais "c'est passé en conseil communautaire, les devis sont faits, les demandes de subvention aussi, alors ça devrait se faire assez vite". 

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Serge Bereni présente l'évolution du supermarché inversé Cappia é Piglia. • ©FTV

U Cappia è Piglia continue de faire le bonheur des gens de la région, et même d'ailleurs. En toute discrétion. Mais son succès pourrait faire des émules, à une époque où le recyclage et la deuxième vie sont des concepts qui ont le vent en poupe.