Encore une année morose pour les apiculteurs de Corse

Inégale selon les micro-régions, la récolte des miels de l'AOP de Corse n'est guère plus satisfaisante cette année que les quatre précédentes. Une baisse de production constante qui inquiète les 160 apiculteurs de l'île.

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Son ton est grave. Pourtant, Matteu Tristani aimerait bien retrouver espoir et enthousiasme pour parler de son activité. "Quand on a repris l'affaire de notre père, mon frère et moi, c'était parce que ça nous plaisait, mais aussi parce qu'il y avait un avenir. Y en a-t-il encore un ?" L'apiculteur de Pietrosu s'interroge ...

Presque 100 tonnes de moins

L'AOP miel de Corse, dont Matteu Tristani est le vice-président, c'est 160 apiculteurs et 21 000 ruches pour une production annuelle de 345 tonnes il y a quelques années, autour de 240 tonnes selon les années depuis 2017.

"Avant, sur cinq ans, on avait une mauvaise année, maintenant c'est le contraire, on a une bonne année sur cinq."constate Matteu."Ça devient très compliqué pour les exploitants qui ne vivent que de ça."

Une année de récolte inégale


Cette année, la production de miel est très inégale, selon les saisons, et selon les micro-régions.  Beaucoup butinées pour le miel de printemps, les asphodèles ont gelé. Et la sécheresse estivale a impacté la production de miellat du maquis."Pour nous dans le centre-Corse, c'est pas trop mal, surtout la production de miel de printemps. Mais dans le Sartenais, en Balagne et dans la Vallée de la Gravone, c'est très mauvais" rapporte Matteu Tristani.

Coordinatrice du syndicat AOP miel de Corse, Jennifer Mejean explique : "En Corse, on a tellement de micro-climats, que d'une micro-région à l'autre, les spécificités et les récoltes sont très différentes."

Une enquête est en cours auprès des apiculteurs afin de chiffrer précisément les tonnages de l'année, et les comparer aux années précédentes, afin d'évaluer s'ils peuvent prétendre à des aides en raison de la baisse de production.

Le nourrissement, un coût supplémentaire

On travaille plus pour gagner moins

Matteu Tristani, apiculteur

Depuis cinq ans, les apiculteurs corses sont contraints de nourrir leurs ruches pour la survie des essaims malmenés par les carences dues à la sécheresse. Une pratique qui n'existait quasiment pas sur l'île jusqu'alors. "C'est du travail supplémentaire, et un coût supplémentaire aussi. Entre le sirop de nourrissement et le matériel, ça représente 10 à 15 000€ par an. Ce serait vu d'un très bon oeil qu'on ait des aides plus constantes, notamment pour le nourrissement" poursuit le vice-président de l'AOP.

Un produit de grande qualité, menacé

L'AOP miel de Corse, c'est une gamme de six miels. Un dégradé ambré dont les saveurs maltées, fruitées, florales ou tanniques dépendent des fleurs butinées, de la saison et de la zone géographique.

"Avec l'AOP, on produit des miels de grande qualité. Et on a la chance d'avoir un produit qui se stocke. Ceux qui sont équipés de chambre froide arrivent à jongler pour garder un chiffre d'affaire constant malgré les aléas de récolte. Mais le miel de printemps de clémentinier par exemple, il n'y en a quasiment plus en stock. Et le miellat de maquis est en train de disparaître."

Des solutions à l'étude

Périodes inahabituelles de vent, longues périodes sans pluie, hivers trop chauds fleurs qui montent et brûlent aux gelées de printemps, le changement climatique influence la baisse de production de miel, c'est certain. Le cynips du châtaignier y a contribué aussi, mais ça semble rentrer dans l'ordre.

 

On a envie de comprendre. Y' a quelque chose qui ne va pas, c'est clair et net.

Matteu Tristani

Afin de comprendre précisément les facteurs qui expliquent la baisse de production et l'irrégularité des miellées, un comité scientifique et technique est au travail depuis février 2021. Co-animé par l'office de développement agricole et rural de la Corse, l'office de l'environnement, le conservatoire botanique, l'institut national de recherche agronomique de Corte, l'université de Corse et l'institut technique de l'abeille, il a pour mission de trouver des solutions pour que les apiculteurs puissent s'adapter aux changements constatés, et retrouver la sérénité.

 

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