Les dernières décisions de la préfecture sont un nouveau coup dur pour la profession en Corse. Nous avons suivi les policiers en charge des contrôles, toute une nuit, à Bastia. Pour voir comment cette fermeture est vécue sur le terrain.
"On est passé devant le bar, et les consignes administratives ont été respectées. Il est fermé".L'établissement sanctionné récemment pour ne pas avoir fermé à l'heure imposée par la préfecture a respecté la sanction.
Hervé, à la tête de l'équipe qui patrouille ce samedi soir à Bastia, en informe son interlocuteur au commissariat de Bastia, et glisse son talkie-walkie à la ceinture.
La poignée de policiers longe les quais du port de Toga.
A proximité, un groupe de jeunes noctambules s'amuse de voir des hommes en uniformes débarquer dans ce lieu incontournable des nuits bastiaises.
Le major n'y prête pas attention.
Des consignes respectées
Avec ses hommes, il est là pour s'assurer que les arrêtés de la préfecture concernant la fermeture des établissements de nuit, bars et restaurants sont bien respectés.Il n'est que 21h30, alors pour l'instant, la priorité pour les policiers, ce sont les gestes barrières et les masques.
"Passée une certaine heure, l'alcool aidant, les clients ont tendance à relâcher leur vigilance, confie un représentant des autorités. Souvent, ils ne sont plus attablés, et s'agglutinent au comptoir. Et ça, pour le virus, c'est une sacrée aubaine".
Pas vraiment bondé, mais malgré le mauvais temps qui s'abat sur la Corse depuis 24 heures, les habitués sont là.
Après de rapides vérifications, pas de verbalisation. L'établissement semble en règle.
"C'est souvent le cas, explique Laetitia Prignot, la directrice adjointe de la Sécurité Publique de Haute-Corse. Par rapport au nombre de contrôles que nous effectuons, le chiffre des verbalisations est très marginal".Les verbalisations restent très marginales.
Depuis le mois de juillet, en zone police, seules quatre fermetures administratives ont été prononcées dans le département. Et sept mises en demeure ont été émises.
Deux poids, deux mesures
Mais si les consignes sont respectées, c'est plutôt par peur de la fermeture que par conviction.Ce sont les gérants de bar, bien plus que les restaurateurs, qui sont pénalisés par l'arrêté préfectoral.
Minuit, c'est l'heure où, habituellement, les affaires battent leur plein.
Pasqua Papi, à la tête d'un établissement de la place Saint-Nicolas avec quelques amis, n'en démord pas :
"Ca n'a pas de sens. Dans les métros il y a 600 personnes entassées dans une rame, et ça choque personne...", s'étonne le jeune homme.
"C'est déjà pas facile de faire vivre une affaire, mais là, avec toutes ces nouvelles règles à faire respecter, ça devient très compliqué."Ces mesures, c'est dur à vivre (...) il y a un vrai ras-le-bol.
Mais Pasqua ne compte pas y déroger. A minuit, il arrêtera la musique, et demandera aux gens de quitter les lieux.
"Ces mesures, c'est dur à vivre. Pour nous et pour les clients. Y a un vrai ras-le-bol".
Audrey, l'une de ses amies, renchérit :
"Faudra qu'on m'explique pourquoi si je reste plus longtemps assise là j'ai plus de chances d'attraper le virus. Et puis si les gens ne peuvent pas se retrouver au bar, ils trouveront un autre endroit".
Des conséquences économiques
Minuit approche, et les voitures de police mettent le cap vers Borgo, à la sortie sud de Bastia."Il y a une discothèque qui est ouverte, mais elle n'a pas le droit d'exercer sa fonction de discothèque. Elle peut être un bar, mais elle devra fermer ses portes dans cinq minutes", explique Hervé.
Sur le parking, quelques voitures, un fond musical et sur la piste un danseur... Les policiers demandent à ce que la musique soit coupée.
Mais Alain Locatelli, patron de l'établissement, s'empresse de les rassurer :Il y a toujours quelqu'un qui veut une dernière chanson.
"Y a toujours quelqu'un qui veut une dernière chanson. Les gens ont envie de s'amuser, et c'est dur de les convaincre de partir. Mais on avait commencé à fermer, on sera dans les temps."
Alain Locatelli est aussi le représentant de la profession au sein de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) et il se doit d'être inattaquable.
Et il ferme à l'heure. Alain Locatelli enfile sa veste et se dirige vers l'extérieur.
"On essaie de faire venir les gens plus tôt, on mise sur l'apéro, on propose des tapas... Mais c'est difficile de faire changer les habitudes".
Les lumières des néons de la façade de la discothèque s'éteignent, et plongent le parking dans la pénombre.
"La clientèle est frustrée, on essaie de pas trop les ambiancer, mais au fur et à mesure de la soirée, ils commencent à danser...", se défend-il.
Alain Locatelli, comme le reste de la profession, essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Mais chaque jour qui passe rend la tâche plus ardue...
Les contrôles, comment ça se passe ?
Si un établissement ne respecte pas les mesures de l'arrêté pris par la préfecture, les autorités interviennent.Elles demandent à parler au gérant, lui rappellent le contenu de l'arrêté, et demandent aux gens de quitter les lieux.
L'établissement fait l'objet d'une verbalisation.
Mais cette verbalisation n'est pas obligatoirement suivie d'une fermeture.
Un rapport est adressé à la préfecture, qui décidera des conséquences des irrégularités constatées.
La fermeture administrative n'est que la plus sévère des sanctions.
Avant, il y a les avertissements et mes mises en demeure.
laetitia Prignot, la directrice adjointe de la sécurité publique à Bastia, explique :
"Les mises en demeure ont un effet de prévention. Et l'immense majorité des établissements en tient compte et corrige ce qu'il y a à corriger. A 99 %, les établissements de la région respectent les règles".