La France compte 35.000 fêtes foraines par an, et 50.000 forains. Un monde à part, dont la popularité ne s'est jamais démentie, mais qui a obtenu auprès de l'Unesco la reconnaissance qu'il attendait depuis longtemps.
"Les forains sont venus ce matin, on a vu se garer les premiers camions et les roulottes à leur cul sur la place de la mairie, une semaine durant chaque soir on rentrera à la maison le plus tard possible, après avoir épuisé les jeux de courses et de cachettes entre les véhicules qui transforment l'endroit en labyrinthes aléatoires. La musique s'envole et grimpe et plonge au rythme rond des nacelles ondulantes de la chenille. Au dernier soir de papiers gras qui rampent sur la terre dure le ciel a pris une couleur de pluie même vide du moindre nuage et des épluchures de nostalgie déjà s'effritent au bout de la fête finie."
Dans Se souvenir des nuages, l'écrivain Pierre Pelot faire ressentir, avec talent, la place que prennent les fêtes foraines dans l'imaginaire collectif français.
On a tous ressenti, enfant, cette excitation à l'heure où les voitures sono bariolées sillonnaient la ville en annonçant, au rythme d'une musique de carrousel, l'arrivée prochaine d'une fête foraine qui, pour quelques semaines, allait s'installer dans les environs. En quelques jours à peine, une petite ville aux couleurs vives et aux lumières tourbillonnantes sortait de terre, proposant aux familles ravies autotamponneuses, barbe à papa, maison hantée et manèges (plus ou moins) spectaculaires.
Populaire
Et en 2024, rien n'a vraiment changé. Malgré la multiplication de l'offre et la profusion des divertissements numériques, les fêtes foraines, itinérantes par définition, continuent de susciter la même attente, à l'approche des vacances scolaires. Un Français sur trois visite au moins une fois par an une fête foraine.
Mais ce sont surtout les milieux populaires qui sont friands de ces fêtes foraines. Sa clientèle n'est pas vraiment la clientèle des centres-villes, qui les a toujours considérées avec un mélange de dédain et de méfiance. Et les forains, qui sont en permanence sur les routes, souvent de père en fils, et forment un monde à part, souffrent d'un manque certain de considération.
À ce titre, l'inscription au patrimoine mondial immatériel de l'Unesco, début décembre, de la culture foraine sonne comme une reconnaissance pour ce métier dont l'origine remonte au Moyen-âge.
Moyen-âge
C'est au sein des foires commerciales en plein air, ces énormes événements annuels, liés à des fêtes patronales, à la célébration de saints, que naît cette profession. On y vient pour acheter, vendre, ou découvrir certains savoir-faire. Mais pour attirer le chaland, on mise, déjà à l'époque, sur l'attraction suscitée par le divertissement. Pour assurer ce divertissement, on compte, en grande partie, sur ceux qu'on appelle les saltimbanques, ceux qui "sautent sur le banc". Jongleurs, marionnettistes, funambules, baladins, mais également ceux que la culture populaire appellera vite "les monstres de foire" : femmes à barbe, nains, géants, sœurs siamoises, réunis dans des tentes à l'écart des étals marchands...
AU XIXe siècle, les saltimbanques prennent leur indépendance, et les fêtes foraines se tiennent loin des foires commerciales, et, prennent leur essor la faveur de la révolution industrielle, qui a attiré les gens dans les grandes villes, où ils ont besoin de divertissement.
C'est à cette époque que les numéros qui reposent sur les talents humains laissent de plus en plus la place à la machine, avec les premiers manèges, les petits trains, et les théâtres miniatures. Une tendance qui se confirmera d'une décennie à l'autre, alors que les fêtes foraines deviennent la vitrine des avancées technologiques, et une source d'émerveillement pour le public. Ce sera là qu'il découvrira pour la première fois les bornes d'arcade, et les jeux vidéo tels que Pong, à la fin des années 70.
Aujourd'hui encore, on compte 35.000 fêtes foraines en France, des petites fêtes foraines de village à l'immense Foire du Trône, à Paris.