Dans les Ehpad de la région bastiaise, le Père Noël a troqué son traîneau contre une moto

Depuis trois ans, l'association Motardes & motard di Corsica rend visite aux anciens, la hotte débordant de friandises et de chocolat. Un moment attendu par les résidentes et les résidents des maisons de retraite.

Il est un peu plus de 10 heures, ce samedi matin, quand une trentaine de motos vrombissantes viennent troubler la quiétude des jardins de la Résidence du Soleil. Des grosses cylindrées plutôt éloignées de l'idée qu'on se fait du traîneau du Père Noël, malgré les guirlandes de couleur accrochées au guidon. 

Des motards en tenue de Père Noël... L'équipage qui se présente ce samedi matin devant l'Ehpad de Furiani a de quoi surprendre. Mais toute l'équipe de la Résidence du Soleil est prête à les recevoir, bonnet de lutin sur la tête. Philippine Berghen, qui travaille là depuis des années, est ravie. "Les Père et les Mère Noël à moto, les résidents les adorent ! Ils les attendent, depuis une semaine". 

Améliorer le quotidien

A la fenêtre de leur petit appartement, sur la terrasse de l'établissement ou devant l'entrée, emmitouflés dans leur peignoir molletonné, une bonne partie des 43 résidents accueille les visiteurs sous les applaudissements.

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Les motards de Noël visitent les anciens de la région bastiaise. • ©S.Bonifay/FTV

"On est là pour améliorer leur quotidien, et on fait le maximum pour ça, d'autant plus durant la période des fêtes de fin d'année. Certains sont seuls, n'ont pas de proches près d'eux, mais nous on est là pour eux. Il sont un peu a nostra famiglia", sourit Philippine avant de se baisser pour ramasser les deux pommes de pain qu'une résidente de 87 ans, les bras chargés de décorations, a laissé échapper.

De grosses enceintes ont été disposées sur le parking, et Mariah Carey, qui d'autre, chante inlassablement que tout ce qu'elle veut pour Noël, c'est nous. 

Petites entorses au régime

Yves Lopez-Velasco, président de l'association Motardes & motard di Corsica, est à l'origine de cette initiative. Elle est née il y a près de 3 ans, lors de la première vague de Covid. "On était sensibles à la situation des anciens qui étaient tous seuls dans les Ehpads, loin de celles et ceux qu'ils aimaient. On pensait à nos parents, à nos grands-parents, à toutes celles et tous ceux qui sont partis aujourd'hui... On a initié la démarche en 2020, pour leur montrer notre solidarité. On n'avait pas droit aux contacts, on les voyait de loin, on se contentait de déposer des cadeaux... Depuis, même si l'on reste prudents, les conditions se sont améliorées". 

Les cadeaux, se sont des chocolats, des friandises, collectés auprès des "généreux commerçants de la plaine orientale et de la région bastiaise". Et à Noël, à la Résidence du Soleil comme dans la plupart des foyers de l'île, le régime n'est plus à l'ordre du jour. "C'est une fois dans l'année, on laisse les résidents en profiter", raconte Philippine Berghen. "Même les diabétiques ! Après les fêtes, on reprendra les bonnes habitudes. Hier, ils ont eu leur repas de Noël, avec la dinde et le foie gras. Ils étaient ravis". 

Antoine Ciosi contre Mariah Carey

"Ils ont été très gentils, les motards. C'était très bien". Lucia Poli, assise à côté de son mari, Ghjuvan' Paulu, devant la baie vitrée qui mène à leur chambre, est satisfaite de la matinée. A un bémol près. Elle aurait préféré entendre Antoine Ciosi ou I Muvrini plutôt que Mariah Carey. "Ùn simu micca inglesi", lance-t-elle, taquine. 

Ghjuvan Paulu, lui, n'a pas boudé son plaisir. "J'ai été motard, dans ma jeunesse, pendant huit ans !" se plait-il à rappeler, alors qu'il est aujourd'hui âgé de 93 ans, "bientôt 94". Lucia et lui sont mariés depuis 67 ans. Ils ont vécu toute leur vie à Solenzara, mais depuis quelques années, ils ont laissé leur maison, "et ça a été dur", reconnaissent-ils d'une même voix. La raison, se rapprocher de leurs trois filles. "Elles vivent du côté de Bastia, et ça faisait beaucoup de route, on se voyait peu. Aujourd'hui, il ne passe pas un jour sans que l'une d'elles ne nous rende visite", se réjouit Lucia. 

"Aujourd'hui on peut dire qu'on est chez nous, ici. Les infirmières sont formidables", abonde Ghjuvan Paulu. Pour autant, ils espèrent bien passer la Noël dans leur famille, loin de l'Ehpad. D'autant qu'une bonne nouvelle a illuminé les derniers mois.

La naissance d'un arrière-petit-enfant.

Seulement voilà, ce n'est pas si simple. Ghjuvan Paulu a eu le Covid, il y a deux mois. Et ils préfèrent rester prudents. "Avec cette maladie, on ne sait pas comment faire, il va falloir voir si on peut s'organiser". Mais ce dont Lucia et Ghjuvan Paulu sont sûrs, en revanche, c'est qu'ils passeront les fêtes de fin d'année l'un avec l'autre. Comme ils ont passé ensemble les 66 Noëls précédents.