Explosion des saisies de stupéfiants, hausse significative des violences intrafamiliales, et taux d'élucidation des affaires supérieur à la moyenne nationale : le préfet et le procureur de la République de Haute-Corse ont présenté le bilan de la délinquance globale dans le département pour l'année 2023, ce lundi. Retour sur les points clefs.
Qu'en est-il des faits de vols, d'agressions, d'homicides, de dégradations ou encore de trafic et consommation de stupéfiants en Haute-Corse en 2023 ? Le préfet, Michel Prosic, et le procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre, ont présenté, ce lundi 19 février, un état des lieux de la délinquance générale dans le département l'an passé.
S'il en ressort un nombre de faits globalement stable par rapport à l'an passé, et un département, où dans l'ensemble, "il fait bon vivre", selon les autorités préfectorales, judiciaires et sécuritaires, le bilan est finalement plutôt contrasté, entre hausse importante des saisies de stupéfiants et des violences intrafamiliales, et baisse significative des atteintes aux biens.
Stabilité générale de la délinquance
En 2023, 7204 faits de délinquance ont été enregistrés dans le département, contre 7175 en 2022, soit 29 faits supplémentaires (+0,4%). Ramené à la population, cela correspond à un taux de 40 faits pour 1000 habitants, "ce qui maintient le département à un niveau bas de délinquance par rapport à sa population", indique la préfecture.
L'augmentation - bien que minime - du nombre de cas trouve deux principales justifications. L'une est positive et l'autre plus inquiétante, détaille le préfet : à savoir, respectivement, une action "des services de police et de gendarmerie encore plus active, qui a permis de mettre à jour 79 nouveaux faits", couplée à une augmentation significative des cas de violences intrafamiliales (VIF).
Des violences intrafamiliales en hausse
Des violences intrafamiliales qui ont justement été largement abordées : sur les 1689 affaires d'atteintes à l'intégrité physique des personnes en 2023, elles en représentent 44%. On dénombre 736 victimes contre 593 en 2022 (+ 143 faits). Soit + 19,4% d'affaires recensées en 2023.
612 de ces victimes l'ont été pour des faits de coups et blessures volontaires, 94 pour des menaces ou chantages, et 5 pour des violences sexuelles. Des faits pour l'ensemble, donc, survenus dans le cadre familial.
Un point d'autant plus inquiétant que l'an passé, les cas de VIF étaient déjà en hausse de 17% dans le département, ce qui correspond ainsi à une augmentation d'un peu plus d'un tiers des faits de violences intrafamiliales en Haute-Corse en deux ans.
Des données qui doivent être pondérées : pour partie, cette augmentation découle ainsi directement d'une plus grande libération de la parole des victimes au cours des dernières années. Libération portée, notamment, par une plus publicité élargie des dispositifs existants d'aide et d'accompagnement, et par la mise en place de nouveaux protocoles en commissariat et gendarmerie comme dans des locaux extérieurs.
"Si nous avons plus de faits, c'est que vraisemblablement nous avons plus de dénonciations de faits, souligne Michel Prosic. Il y a cinq à dix ans, ces faits n'étaient pas dénoncés, ou pas de la même manière, ils ne franchissaient pas le cercle familial ou amical."
Reste, néanmoins, que la libération de la parole n'explique pas tout, et que cette augmentation des faits reste "une préoccupation majeure", confirme le procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre. En 2023, 18 téléphones grave danger ont été déployés dans le département, et 5 bracelets antirapprochement ont été attribués.
Explosion des saisies de stupéfiants
Contrairement à un mythe souvent perpétué, et rappelé, ce jour, tour à tour, par le préfet, le procureur, et Joël-Patrick Terry, le directeur interdépartemental de la police nationale (DIPN) en Haute-Corse, face à la drogue, le département "et la Corse dans son ensemble" ne sont pas épargnés : l'année 2023 connaît même un taux de saisie record par les services de sécurité intérieure.
En 2023, ce sont 146,31 kilos de stupéfiants qui ont été saisis, contre 32,9 kilos en 2022. Ce sont 113,5 kilos supplémentaires, soit + 345%. "Les drogues qui circulent le plus sont l'herbe et la résine de cannabis (131,88 kilos saisis), ainsi que la cocaïne (13,9 kilos saisis)", détaille préfet de Haute-Corse.
Il rajoute que "cette force hausse se traduit par une implication encore accrue des services de la police judiciaire et de la section de recherches de la gendarmerie nationale, avec une action ciblée sur le haut du spectre de la criminalité, mais aussi sur le démantèlement des réseaux du quotidien".
Un détail à noter néanmoins : 100 des 146 kilos saisis l'ont été lors d'une seule prise en août dernier, précise le procureur de la République de Bastia. La preuve, pour Jean-Philippe Navarre, qu'il existe des réseaux d'approvisionnement "extrêmement structurés" qui agissent sur l'île. Et un point à surveiller avec attention, alors que la consommation de stupéfiants peut engendrer, ou participer au déroulé d'autres drames, tels que les accidents routiers.
Une insécurité routière alarmante
Car justement, et c'est le troisième gros point rouge de cet état des lieux pour 2023 : les chiffres en matière d'insécurité routière augmentent encore, avec + 22% de tués. Une tendance à l'inverse des chiffres nationaux, qui voient le nombre de personnes décédées sur les routes reculer (- 3%).
En 2023, on recense + 12% d'accidents (366 au total) + 4% de blessés (458 au total, dont 85% de résidents corses). Plus dramatique encore, ce sont 22 morts sur la route, contre 18 en 2022. Et parmi ces décès, 15 étaient des résidents corses.
"Nos routes tuent. Mais elles tuent sans distinction, soupire le préfet de Haute-Corse. Ce n'est pas parce que nous connaissons notre environnement que nous sommes protégés." Premières causes de ces accidents : la vitesse excessive, les conduites addictives, ou encore un comportement dangereux. Dans 90% des cas, ils sont dus à des facteurs humains.
Pour agir sur cette problématique, une importante activité répressive est déployée tout au long de l'année. En 2023, ce sont près de 1000 infractions qui ont été relevées pour des conduites sous l'emprise de stupéfiants ou d'un état alcoolique, ceci après dépistage de plus de 38.000 personnes. Dans le même cadre, près de 3000 infractions ont été délivrées pour la vitesse, et 733 suspensions de permis ont été prononcées.
Des atteintes aux biens moins nombreuses
Point positif souligné par tant le préfet, le procureur, et le directeur interdépartemental de la police nationale de Haute-Corse : les atteintes aux biens (vols, escroqueries, dégradations...) sont en baisse, de l'ordre de - 4,2% en un an (2734 faits contre 2849 faits en 2022).
Le taux départemental est dans ce cadre largement sous le seuil national : ramené à la population, il correspond à 14,7 faits pour 1000 habitants, contre 29,1 pour 1000 au niveau national. La Haute-Corse est ainsi au 91e rang sur 96 départements (hors DOM-COM) sur ce type de délinquance.
Un constat encourageant, qui fait dire aux autorités "qu'il fait bon vivre en Haute-Corse". "On peut oublier son téléphone en terrasse quelque part, et le récupérer deux heures après parce qu'il a été déposé en intérieur. C'est quelque chose qui ne se retrouve pas ailleurs, c'est unique en France", assure Joël-Patrick Terry, de la DIPN.
La majorité de ces cas d'atteintes aux biens concernent des cas d'escroqueries et d'infractions économiques et financières (45%), qui interviennent, pour une importante partie, en ligne, par le biais de fausses annonces d'offre d'emploi, de vol de données bancaires, ou encore de piratages de sites.
À noter que les cambriolages représentent 10% des atteintes aux biens, et sont stables entre 2022 et 2023, avec 273 faits recensés. "C'est moins d'un cambriolage par jour", fait remarquer le préfet de Haute-Corse.
Enfin, les incendies de véhicules ont baissé de 7% (213 faits en 2023 contre 2028 en 2022). Avec, toutefois, une recrudescence d'activité constatée en fin d'année dernière, notée par le DIPN. "Je ne crois pas à l'autocombustion de véhicules, spécifiquement la nuit, quand les températures tournent autour de 12 degrés", glisse Joël-Patrick Terry.
Les affaires mises à jour font état des principaux motifs pour ces incendies de voitures, cite-t-il : les fins de leasing, les personnes qui éprouveraient l'envie de se venger, - ex-compagnon ou autre concurrent professionnel -, ou encore les véhicules ventouses brûlés par agacement.
Des taux d'élucidation au-delà des moyennes nationales
Sixième constat et pas des moindres : les forces de sécurité intérieure mènent une action "efficace", se félicite Michel Prosic. Le taux d'élucidation des faits en 2023 est ainsi de 44%, en hausse de 2,8% par rapport à 2022, et surtout largement au-delà de la moyenne nationale, de 33%.
Dans le détail, ce sont ainsi 3165 faits sur 7204 au total qui ont été élucidés l'an passé. Plus encore, les forces de sécurité intérieure ont également constaté d'initiative 723 faits, relève la préfecture de Haute-Corse, soit une augmentation de 10,7% par rapport à 2022 (+ 79 faits).