Le tunnel de Bastia est fermé pour travaux de désamiantage jusqu'au minimum le 11 mars prochain. Une fermeture qui impacte également le port de commerce, où les bateaux - et donc les personnels-, arrivent plus tôt en vue de faciliter la circulation en centre-ville.
5h15 du matin, ce mardi 22 février, à Bastia. Les rues sont presque toutes vides, les lumières des habitations éteintes, mais au port de commerce, on prépare déjà l'arrivée et le départ des premiers bateaux.
Au local des dockers, installé à quelques mètres des quais d'accostage, les ouvriers arrivent au compte-goutte. Réunis depuis 2017 en Scop (société coopérative), ils sont au total 53 dockers à se charger de la manutention portuaire à Bastia. Un café à la main et la télévision allumée sur une chaîne d'information en continu, ils sont une dizaine, assis dans leur salle de repos, à attendre l'arrivée du Pascal Paoli de la Corsica Linea, prévu à 5h30.
"D'habitude, à cette heure-là, je suis encore bien au chaud dans mon lit...", soupire un des dockers. Avec la fermeture du tunnel de Bastia pour travaux de désamiantage, du 18 février au 11 mars a minima, les agents portuaires doivent s'organiser avec de nouveaux horaires des navires. "On nous a demandé de venir 1h30 en avance. Ce n'est pas la fin du monde, mais je n'ose pas imaginer les cernes que j'aurais à la fin de tout ça", plaisante-t-il.
"Les dockers ont dû augmenter leur amplitude horaire pour faire face à cet aléa, et nous avons mis en place des moyens supplémentaires afin de décharger de 50 à 100 remorques dans des conditions sécuritaires optimales et le plus rapidement possible, reprend Jacques Olmiccia, gérant de la Scop. Concrètement, ce sont des équipes décalées qui commencent beaucoup plus tôt, en heure de nuit, et donc payées de manière plus importante."
"Pour l'instant, ça fonctionne bien"
5h40, juste le temps de finir son café, et il est l'heure de se mettre au boulot : le Pascal Paoli vient d'accoster. Ils sont 26 dockers à intervenir sur le navire, chacun à un poste bien précis, avec l'objectif de décharger les 85 remorques avant 7h, pour éviter l'engorgement de la circulation en centre-ville.
"En moyenne, il faut compter entre deux heures, deux heures trente pour décharger un cargo", glisse Antoine Degerine Alfonsi. Docker depuis 26 ans à Bastia, "comme [son] père et [son] grand-père avant lui", il s'accommode sans trop de difficulté des modifications. "Pour l'instant, ça fonctionne bien, estime-t-il. Maintenant, le problème qui peut se poser, c'est le vent. Quand il y en a trop, on ne peut pas charger, et ça décale tous les horaires."
Son collègue Nicolas Santucci redoute lui une reprise de la circulation en ville dès la fin des vacances scolaires, le 7 mars : "La question, ce sera la troisième semaine de travaux. Quand les gens vont revenir de congés, et prendront aussi la route tôt pour aller travailler, même comme ça, on ne sait pas vraiment ce que ça va donner."
La nécessaire adaptabilité des acteurs portuaires
À l'autre bout des quais, le Mega Smeralda manœuvre lentement dans le port. Il est 6h, et les lamaneurs s'affairent à amarrer le navire. "Pour nous, la fermeture du tunnel, ça ne change pas grand chose, indique Pascal Albertini, membre de la société coopérative de lamanage de Bastia. Nous avons pour habitude de nous soumettre aux conditions météorologiques et aux règles des compagnies, donc ça ne nous perturbe pas vraiment."
Eux indiquent ne pas avoir de crainte, pour l'instant, pour la poursuite des travaux. Après tout, l'adaptabilité, soutiennent-ils, va avec la profession.
Un point de vue partagé par Jacques Olmiccia, gérant de la société coopérative de Bastia. Il reproche néanmoins un port arrivé "à bout de souffle", forçant les ouvriers à "jouer à la variable d'ajustement du déficit d'infrastructures portuaires". "Aujourd'hui le port de commerce, c'est l'un des cœurs économiques de la Corse, qui accueille 57% du trafic fret de l'île, et qui attend impatiemment sa greffe au Sud de la ville."
Une greffe qui selon le gérant aurait réglé par avance bien des soucis : "C'est simple, si le port était au Sud de la ville, et le tunnel était fermé, il n'y aurait pas eu de conséquence à cette fermeture."
7h30, les dernières remorques sont sorties du Pascal Paoli. Le Mega Smeralda s'apprête lui à repartir, à 8h, en direction de Livourne.
Outre quelques heures de sommeil en moins pour les personnels et agents du port, la nouvelle organisation semble, pour l'heure, se dérouler sans embûche. "Maintenant, on espère juste qu'ils ne prendront pas trop de retard dans les travaux", souffle un docker. Les prochains jours le diront.