Ils l'ont fait. Le SCB a réussi, au terme de trois accessions successives, à déjouer tous les pronostics. L'année prochaine, les Bleus, au bord du gouffre en 2017, joueront en L2. Un exploit que ses supporters ont fêté malgré le couvre-feu.
"Celle-là, l'accession, elle ressemble à aucune autre", sourit Romain, sa plus jeune fille sur les épaules, entortillée dans un drapeau à tête de maure. "Une chose est sûre, on s'en souviendra plus que les autres".
Le quadragénaire a grimpé sur le petit muret du fast-food qui fait face à Armand Cesari. Autour de lui, quelques amis. Et puis des hommes, des femmes, de tout âge. Qui n'ont pu se résoudre à rester chez eux, un soir comme celui-là.
Renaissance
Personne, depuis le coup de sifflet final du match Orléans-Villefranche (1-3), n'a prononcé une fois "Covid", "couvre-feu" ou "AstraZeneca". C'est dire si ce n'est pas un soir comme les autres. Les mots qui reviennent, inlassablement dans toutes les conversations, parmi les nombreux supporters présents devant le stade, ce sont "accession", "L2". Et puis un autre aussi : "Immortels".
Le Sporting Club de Bastia, à l'été 2017, était sous respiration artificielle. Accablé sportivement, financièrement et judiciairement. Et le monde du football ne donnait pas cher de sa peau.
Il faut dire que la N3, c'est le genre de purgatoire dont on ne revient pas. Et pourtant, le Squeubeu a enchaîné les montées. Et la saison prochaine, il retrouvera la L2. Et le monde professionnel.
Effervescence
Devant la grille qui barre l'entrée d'Armand Cesari, ils sont une centaine d'"accaniti", casquette visée sur la tête, écharpe autour du cou et masque dans la poche, qui sautent, chantent, se tombent dans les bras, à la lumière rougeâtre des fumigènes.
Au loin, on entend les voitures qui filent sur la quatre-voies, en klaxonnant furieusement. A la tombée de la nuit, la zone commerciale qui entoure le stade du Sporting n'a plus connu telle effervescence depuis longtemps.
Claude Ferrandi, qui a repris le Sporting à l'été 2017, sort dire quelques mots aux supporters présents, accueilli par des "Président, président, président !" assourdissants.
"C'est formidable, c'est un sentiment très fort de joie. C'était compliqué cette saison, on était tous frustrés de ne pas pouvoir communier avec nos supporters, et c'était une grande tristesse pour nous. Aujourd'hui, voir ça, c'est un vrai bol d'air".
Le président du club retourne dans les salons du premier étage de la tribune Nord, où l'attendent les joueurs, leurs proches et le staff. Tous s'étaient réunis, dans l'après-midi, pour suivre le match entre Orléans et Villefranche.
Un match très important, qui pouvait garantir l'accession du SCB en L2, malgré les matchs qui restent encore à jouer, en raison de l'avance du club insulaire sur ses poursuivants. C'est ce qui s'est passé. Un peu après 19h30, l'arbitre siffle la fin du match sur victoire 3 à 1 de Villefranche sur la pelouse d'Orléans.
Trois accessions en trois ans
Désormais, Le SCB, premier, et Quevilly, second, sont mathématiquement intouchables.
Le club signe une troisième accession en trois saisons, un véritable exploit. Les Bleus, qui ont réalisé une saison exceptionnelle devant des tribunes vides, en raison de l'épidémie de Covid, ont savouré ce moment, raconte Dumè Guidi : "on ne peut pas le faire devant notre public, avec notre public, et c'est frustrant. Mais il y a quand même énormément de joie ce soir".
Je suis fier d'être parmi ceux qui ont fait remonter le Sporting le L2.
Mathieu Chabert, l'un des principaux artisans de la montée, confirme les dire de son défenseur central : "on a travaillé pendant un an pour en arriver là. Ca a été dur. Ca a été long. Ca a été éprouvant... Mais qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ! On va chercher le titre mais pour l'instant on en profite, parce que c'est largement mérité".
Chaouki Ben Saada tient à n'oublier personne. "Je suis très fier d'avoir fait partie de cette aventure, et d'être parmi ceux qui ont fait remonter le Sporting en L2. Mais Il faut remercirer les supporters, les socios, et aussi les dirigeants, qui travaillent dans l'ombre, et les bénévoles, que personne ne voit mais qui nous aident énormément".
Les supporters, de leur côté, ont continué de célébrer le retour de leur club dans le monde professionnel, dans el centre-ville, comme le veut la tradition. Le cortège a été moins fourni que les fois précédentes, et a duré moins longtemps. Mais le coeur y était.
En bas du boulevard Paoli, trois livreurs à domicile, assis sur leurs scooters alignés, regardent le défilé. Habituellement, la nuit, la ville est à eux. Toute cette animation semble les réjouir au plus haut point.
Comparée aux soirées qu'on passe depuis des mois, c'était quand même une putain de teuf !
Dans la rue adjacente, deux adolescents, écharpe à la main, regagnent le Fango, où ils habitent. On leur demande s'ils ne sont pas un peu frustrés de cette montée en temps de Covid. Nico, 17 ans et la mèche devant l'oeil droit, éclate de rire : "comparée aux soirées qu'on passe depuis des mois, c'était quand même une putain de teuf !". Son camarade, Vincent, préfère se dire que ce n'est qu'un début. "On va être champions, et le titre, on le fêtera tous ensemble le 15 mai, à Furiani, contre le Red Star !"
On se garde bien de lui dire que s'il avait entendu les dernières déclarations de Pascal Lelarge, qui doute d'un retour à la normale dans les prochaines semaines, il ne serait peut-être pas aussi optimiste. D'autant qu'il y a peu de chance que le préfet soit devenu un fervent supporter du SCB après cette soirée....
Mais l'espoir fait vivre. Il fait même remonter en L2. Alors qui sait ?