A l'heure du Covid19, le combat du climat est passé à l'arrière-plan. Mais l'urgence est plus que jamais la même. Pour sensibiliser les insulaires, Marina Raibaldi et Patrick Rébillout, météorologiste, se sont projetés en 2080, et dressent un portrait alarmant de l'île.
8 novembre 2070. Marina Raibaldi, fidèle au poste sur France 3 Corse ViaStella, annonce leur météo du jour aux Corses "qui n'ont pas vu une goutte d'eau depuis deux mois".
La pluie fait son retour sur l'île, et pas qu'un peu. 250 litres d'eau au mètre carré pour Bastia, et 600 litres d'eau pour la Castagniccia. Ce qui n'empêchera pas le thermomètre de s'affoler. En raison, nous rappelle Marina Raibaldi, du redoutable et mystérieux "effet de Foehn".
50 dans le centre-ville d'Ajaccio, 43 à Bastia, et 45 à Corte. Des températures qui, au mois de novembre, "n'ont rien d'exceptionnel", conclut la présentatrice.
Sensibiliser le plus grand nombre
L'idée du faux bulletin est amusante. La vidéo, alarmante. Derrière le masque que portent la poignée d'élus et de représentants de la mairie de Bastia et de la CAB, disséminés dans la salle du théâtre municipal, le sourire est un peu crispé.
Le pari, alors, est réussi.
Alarmer, c'est exactement le but recherché par Marina Raibaldi et Patrick Rébillout, chef du centre météorologique de Corse.
C'est ce que nous explique la journaliste, et miss météo de ViaStella : "les derniers rapports sont tellement graves que j'ai peur pour mes enfants, pour mes petits-enfants. Et chacun, à son niveau, doit faire quelque chose. J'en ai parlé à Patrick et on a réfléchi au moyen de sensibiliser le plus grand nombre sur la question du réchauffement climatique".
Le moyen choisi, ce n'est pas dire que les choses vont empirer. C'est montrer à quel point elles vont empirer. En parlant aux gens de ce qu'ils connaissent le mieux. L'endroit où ils vivent.
Eviter l'ingérable
Alors, sur la scène du théâtre, Patrick Rébillout va procéder en deux temps.
- D'abord, montrer à quel point, depuis la fin du siècle dernier, le réchauffement climatique s'accélère. Ainsi, entre 1947 et 2020, 28 épisodes de canicule ont été observés. Et ils l'ont tous été après l'année 2000. À contrario, les vagues de froid, elles, ont pour l'immense majorité été enregistrées durant le siècle précédent. Depuis 1990, la fréquence des événements très pluvieux, donnant lieu à des risques de submersion et d'inondations, a été multipliée par deux.
- Ensuite, dresser un tableau de la Corse à l'horizon 2080. En mettant en parallèle plusieurs scénarios. Le pire, découlant de l'absence de politique climatique. Et un autre, à la fois optimiste et envisageable.
"Il est intéressant de se projeter aussi loin, parce que quoi que l'on fasse pour redresser la barre, aucun changement n'aura d'effet avant 2040", explique le météorologiste.
60 jours de canicule par an
Si rien n'est fait, au niveau mondial, pour lutter contre les gaz à effet de serre, le tableau de la Corse du futur est effrayant. 4 à 5 degrés de plus en moyenne, deux mois d'été supplémentaires, 60 jours de canicule par an, de longues périodes de sécheresse, plus de neige du tout au-dessous de 1.200 mètres, et des tempêtes spectaculaires. "La tempête Adrian de 2018, on pourrait la vivre une fois par an..."
Pour Patrick Rébillout, il est encore temps de réagir. "Il faut éviter l'ingérable. Ne pas dépasser les deux degrés de hausse. C'est la hausse à laquelle on devra faire face en 2040. On peut toujours imaginer des solutions pour vivre, de manière agréable, dans un climat à + 2 degrés. On aura une Corse qui sera encore reconnaissable. Quelque chose de vivable. Mais après..."
On ne mesure pas à quel point le changement climatique va bouleverser nos vies.
Pour le scientifique, le changement va être violent. On ne mesure pas encore "à quel point il va être drastique, à quel point il va bouleverser nos vies".
"Avec 4 degrés d'augmentation, des maximales à 6 degrés au-dessus des normales actuelles, ce à quoi il faut s'attendre si on ne réagit pas, je ne suis pas sûr qu'elle soit reconnaissable, la Corse, dans cinquante ans..."
Marina Raibaldi et Patrick Rébillout le savent. Sans des décisions politiques fortes, au niveau mondial, difficile d'infléchir la tendance au réchauffement climatique. Mais les deux organisateurs du colloque en sont persuadés, rien ne se fera non plus sans une prise de conscience générale, à tous les niveaux.
Alors dès que les conditions sanitaires le permettront, ils comptent bien faire voyager leur colloque, à Corte, Ajaccio, Calvi ou Bonifacio. Et organiser des rencontres avec les scolaires.