C'est une période peu connue de l'histoire insulaire.
Pourtant, au XIXème siècle notamment, plus de vingt consessions minières ont été accordées en Corse.
Retour sur les principaux sites exploités sur l'île lors des derniers siècles.
Ghisoni : la dernière mine de Corse
La mine dite de la Finosa, située sur la commune de Ghisoni, est donc la dernière mine de Corse à avoir fermé ses portes en 1957.
Au début du siècle, c'est par hasard que le filon a été découvert.
"Mon père a trouvé ce caillou alors qu'il gardait ses chèvres. Après analyse, il s'avérait que le minerai était intéressant. Du plomb argentifère nous disait-on à l'époque." nous explique Yvette, 87 ans aujourd'hui et qui a donc bien connu les années d'exploitation.
Etant la plus récente, la mine de Ghisoni est donc logiquement l'un des sites les mieux conservés sur l'île.
En vous rendant sur place (30 minutes de marche), vous trouverez tout un dispositif. C'est là que le minerai de plomb argentifère était traité une première fois avant exportation sur le continent.
"Avec un système de tamis, de tables vibrantes, le minerai stérile était séparé de l'argent." Alain Gauthier, géologue.
Au niveau historique, la mine de Ghisoni a connu plusieurs propriétaires mais seulement deux grandes périodes d'exploitation :
La première allant de 1922 à 1931, interrompue par la crise des années 30.
La seconde allant de 1949 après la seconde guerre mondiale jusqu'en 1957, année de la fermeture définitive de la mine pour des raisons de sécurité.
La production n'a jamais été très élevée, le minerai, lui, servait à la fabrication de plomb.
Matra : l'une des principales mine d'Arsenic du pays !
Aujourd'hui, Matra, en Castagniccia, compte une dizaine d'habitants à l'année.
Et pourtant, lors de la première moitié du XXème siècle, la commune a hebergé l'une des plus importantes usine d'Arsenic du territoire avec une production importante.
Antoine Orsini, hydrobiologiste et originaire de la région, a beaucoup étudié le site. "Cela correspondait a environ 70% de la production française. Quand on voit le petit village dans lequel on est, c'est assez extraordinaire."
Comme à Ghisoni, l'histoire comme par hasard. C'est une crue qui, entre 1900 et 1901, permet de découvrir le gisement.
La concession pour la mine de Matra a été accordée en 1912, même si le site était exploité depuis le début du siècle. En suite, la mine a fermé à la fin de la seconde guerre mondiale.
Pendant cette période d'un demi-siècle, le minerai recherché et exploité était donc de l'Arsenic. Il était utilisé pour la fabrication d'insecticide, mais aussi lors de la première guerre mondiale, pour les gaz de combat (l'armée française investiera le site pendant la guerre).
Il s'agit donc d'un produit toxique.
Aujourd'hui, pour Antoine Orsini, le site interfère donc encore dans le développement de la région. "A l'époque il n'y avait pas de notion de développement durable. [...] Par exemple, un barrage était prévu ces dernières années pour de l'irrigation dans la région. Il n'a pas pu se faire, à cause de l'Arsenic."
Il n'empêche qu'aujourd'hui, la mine de Matra est l'un des sites les mieux conservés de l'histoire industrielle de la Corse.
Meria : la principale exploitation du cap corse
En vous rendant sur place, vous ne trouverez à Meria qu'une simple plaque rendant hommage aux mineurs corses (et italiens) ayant travaillé dans la mine entre 1858 et 1917. Tout autour, la nature a repris ses droits, impossible d'approcher l'ancien site minier tant le maquis est épais.
Et pourtant cela a été une aubaine pour la commune selon Simon Giuseppi, lui même originaire de Meria : "Il y a eu jusqu'à 1000 habitants à Meria (aujourd'hui une centaine, ndlr). Ce n'était pas uniquement expliqué par la présence des mineurs, mais aussi par tous les bâtiments administratifs et les activités annexes."
Dans le cap, le minerai exploité était surtout de l'antimoine. Et le site de Meria était le principal des 3 que comptait le cap (avec Ersa et Luri) : en 1888, la production est d'une tonne de minerai par jour.
Pendant plusiseurs dizaines d'années, ce sont des centaines de mineurs qui ont travaillé dans ces galeries.
L'aventure prendra fin par manque de main d'oeuvre mais aussi par une trop faible rentabilité et par les difficultés liées au transport.
Comme partout, les derniers vestiges de la mine ont été mis en sécurité au début du XXIème siècle.
Ferringule : un site exploité en plusieurs périodes
C'est la particularité de la mine de fer de Ferringule (le nom pourrait d'ailleurs avoir un lien avec le minerai), ce même site a été exploité à plusieurs périodes historiques.D'abord au XVIème siècle. A ce moment-là, la Corse est évidemment toujours sous occupation génoise.
Alain Gauthier, géologue déjà avec nous à Ghisoni, nous a accompagné sur place. "La particularité de cette entrée est qu'elle est très large. Bien sûr, à l'époque il n'y avait pas encore de dynamite. Pour creuser la roche, on utilisait le feu et l'eau pour créer un choc thermique."
Les textes relatifs à cette première période d'exploitation disparaissent au milieu du XVIIème siècle.
Les années et les siècles passent, puis en 1849 le site est de nouveau officiellement exploité avec l'obtention d'une concession.
Une nouvelle entrée de galerie est alors creusée en contrebas de l'entrée "génoise" qui était en descente. Cela permet de recouper l'ancienne galerie pour exploiter plus facilement le minerai. "C'était aussi pensé pour sortir plus facilement la roche, pas la peine de se servir d'un treuil pour tout remonter à la surface." précise Alain Gauthier.
Finalement, comme souvent, la mine de Ferringule est abandonnée car jugée trop peu rentable. "Il y avait du fer de qualité, mais pas en assez grande quantité" pour Alain Gauthier.
En 1910 un ingénieur visitera tout de même le site pour une éventuelle reprise d'activité, mais il n'y aura pas de suite donnée.
L'Argentella : la plus connue, la mieux conservée
Toujours aujourd'hui, le site de l'Argentella est impressionnant.Au bord de la route entre Calvi et Galeria se dressent des bâtiments et une cheminée du XIXème siècle.
La concession a d'ailleurs été accordée en 1856, quelques années après les travaux sur place.
La mine, exploitée pour son plomb argentifère comme à Ghisoni, connaîtra une succession de sociétés jusqu'à son arrêt au milieu du XXème siècle.
Avec ces travaux pharaoniques, se pose aujourd'hui la question de la gestion du site et de son aménagement.
Pour le sous-préfet de Calvi Florent Farge, l'idée est à creuser. "Ce type de patrimoine est assez rare en Corse, et il y a du potentiel notamment avec une belle cheminée encore intacte".
Mais cela impose aussi une charge de travail supplémentaire pour les autorités, notamment pour l'intercommunalité Calvi-Balagne.
"Il a fallu nettoyer les terrains qui bordent le barrage de l'Argentella puisqu'il n'avait plus été entretenu depuis l'arrêt de la mine !" explique François Marchetti, le président de l'intercommunalité.
En attendant un potentiel aménagement du site pour mettre en avant un patrimoine peu connu mais bien conservé, l'Argentella reste l'un des sites les plus importants de l'histoire de la Corse.
Pour son passé industriel bien sûr, mais aussi pour les évènements des années 60, lorsque l'Etat projetait d'y mettre en place des essais nucléaires.